L'Institut, de Stephen King
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Ça commence comme un polar quelconque, avec un homme quelconque prenant un job quelconque dans une bourgade quelconque. Et puis, autre lieu, tout bascule : un gamin est kidnappé dans sa maison et transporté dans un institut où il se retrouve en compagnie d'autres enfants. Il ne sait pas pourquoi. Mais une chose est certaine : il ne veut pas demeurer là, à subir des tests incompréhensibles et à se languir de sa famille.

D'emblée, le lecteur habituel de Stephen King se retrouve en terrain connu dans ce livre sorti en France en janvier 2020, avec quelques éléments épars qui produiront des échos subliminaux : l’homme de loi, la bourgade isolée, les enfants, et une menace sourde, dissimulant un projet à la portée incommensurable. Et de fait, l’écrivain n’a rien perdu de ses qualités intrinsèques, quand bien même il utiliserait des thèmes et des méthodes bien éprouvés : certes, malgré l’aura de mystère entourant les agissements des membres de l’Institut, le suspense sera minimisé par des souvenirs d’autres circonstances, d’autres personnages sur des développements similaires. En revanche, cette faculté si fascinante qu’il a de nous prendre par la main et de nous présenter des caractères dans toute leur complexité, leur richesse, leur densité, nantis de leurs faiblesses, de leur passé (souvent) tragique, mais doués de qualités qu’ils ne soupçonnent parfois même pas, se révèle encore dans cet ouvrage qui sait parfaitement nous happer, nous intriguer, nous faire souffrir et frissonner, nous émouvoir et nous faire palpiter.

La construction, presque artificielle, peut étonner a posteriori : on commence par l’histoire de Tim qui échoue en Caroline du Sud lors d’un voyage où il tentait de refaire sa vie. DuPray, morne bourgade, n’offre aucune perspective en dehors de petits boulots éphémères, jusqu’à ce qu’on lui propose le poste de veilleur de nuit, associé au bureau du shérif. Un destin farceur le pousse à accepter, lui qui témoigne d'un passé douloureux dans les forces de l’ordre. On fait alors connaissance avec une poignée d’individus amoureusement ciselés par Stephen King, chacun, même le plus (apparemment) insignifiant, avec sa propre histoire faite de petits riens, d’anecdotes peu glorieuses et de drames familiaux en un lieu où rien ne se passe jamais, mais inscrit dans notre monde grâce à quelques astucieux rappels culturels (on évoque Game of Thrones par exemple). L’auteur s’étend avec aise entre ces rues désertes et décrit chaque recoin, chaque non-événement, s’appesantissant sur des détails dont on se dit qu’ils feront sens plus tard. Et, étrangement, on se surprend à goûter à cette litanie de rituels indolents, s’émoustillant de chaque petit secret tout en se demandant bien à quel moment apparaîtra l’Institut du titre.

Par quelques petites sentences bien ajustées : "Les grands événements naissent de petits riens." ou surtout "Il y réfléchissait encore quand l’enfer se déchaîna, un peu plus tard au cours de l’été…", King nous fait habilement signe, nous demandant de patienter tout en attisant notre curiosité. Le décor est planté, passons donc au vif du sujet.
Et à la deuxième partie.

Minneapolis. Luke, douze ans, vit chez des parents aimant et s’apprête à entrer à l’université. Car Luke est surdoué. Et on a immédiatement le coup de foudre pour ce garçon sensible, prodigieusement intelligent, raisonnant sur tout ce qui l’entoure tout en conservant une âme d’enfant soigneusement entretenue par son père taquin et sa mère affectueuse. Par certains côtés (son acuité singulière sur les événements, une certaine maturité précoce, une forme d’empathie), il nous rappelle Jake, l’un des personnages-clefs de La Tour sombre [cf. cet article]. Mais alors que ce dernier est proprement sacrifié dans la saga, Luke se fait ici enlever, et violemment.

Le voilà donc dans cet Institut où il comprend qu’il est prisonnier. D’autres enfants sont là, parfois plus âgés, parfois plus jeunes. Son esprit, d’abord endolori, va s’atteler à trouver les raisons pour lesquelles il se retrouve ici, sans nouvelles de ses parents, avec des individus peu amènes l'escortant dans l'optique de passer, de temps à autre, des tests dont il ne saisit pas l'objectif. Dérouté, perdu, il traversera des moments de doute et de chagrin mais trouvera dans ses camarades d’infortune la force nécessaire pour, d’abord, tenir bon, puis, ensuite, réfléchir, faire fonctionner son merveilleux cerveau. Il s’aperçoit bien vite que ce n’est pas pour son génie qu’il a été interné : le seul point commun entre tous les reclus, outre leur jeunesse, serait une capacité à utiliser des pouvoirs psychiques. Or, Luke, bien que supérieurement intelligent, n’a manifesté aucune des facultés dont font preuve ses compagnons d’infortune, il n’est ni télépathe, ni télékinésiste. Alors, quoi ? Autre chose ? Une terrible erreur ? Sauraient-ils sur lui quelque chose qu'il ignore ?

Et dans l’amertume d’un quotidien scandé par l’irruption de gardiens et des séances secrètes en laboratoire dont certains ne ressortent pas intacts, les enfants vont commencer à renforcer ce lien ténu mais précieux qui leur permet d’illuminer le monde qui les entoure, de les doter d’une carapace à l’épreuve des adultes : ils vont apprendre à compter sur eux-mêmes, développant une solidarité plus forte que leurs geôliers. Afin que, peut-être, comptant sur des ressources inespérées, profitant du moindre faux-pas de ces scientifiques illuminés ou de ces garde-chiourmes trop brutaux, l’un d’entre eux parvienne peut-être à s’enfuir, ou, du moins, à alerter l’opinion publique. Avant de disparaître dans l’oubli car, ils en sont de plus en plus certains, ils ne sortiront pas vivants de l’Institut.

En développant les rapports entre les enfants prisonniers, Stephen King développe avec un grand savoir-faire un récit dense et lancinant, proche des relations particulières décrites dans La Maison dans laquelle, ce magnifique roman de Mariam Petrosyan [cf. cet article]. Toutefois, l’auteur préféré de Nolt [cf. cet article] conserve encore quelques tours dans sa manche et parvient, sinon à surprendre, du moins à captiver en orientant petit à petit le récit vers une forme d’épopée futuriste, lorgnant parfois vers Akira ou Minority Report, alternant les moments de grandeur presque puérils qu’il affectionne avec des passages puissants, nous faisant ressentir la souffrance et la détresse de ces petits êtres exploités malgré eux, au nom d’un intérêt supérieur. Il y aura des sacrifices providentiels et des morts inutiles, des actes de torture et des exploits héroïques, des larmes et des confidences, des secrets révélés et d’autres qui se terrent, attendant d’être à leur tour exhumés pour le plus grand malheur des hommes. Et, au fond, comme dans la boîte de Pandore, un peu d’espoir (et beaucoup d’amour).

Riche, intense, parfois poignant, exaltant, un très grand roman appelé à être transposé à l'écran dans une série (si elle est du niveau de The Outsider sur Amazon Prime, je suis preneur).


+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Un univers et des invariants connus, qui nous donnent une sensation de confort appelant à la lecture.
  • Des personnages ciselés, décrits par le menu qui font qu'on les adore ou les déteste (ou les deux).
  • Des moments très intenses, des drames poignants, du sang et des larmes.
  • Des actes héroïques et/ou désespérés dans une construction allant crescendo.
  • Plein de petits clins d'œil à la pop-culture, des jeux vidéo au cinéma ou aux séries télévisées.
  • Un finale à la hauteur des enjeux.
  • Un projet souterrain dépassant (et justifiant) le sacrifice de quelques-uns, et amenant à quelques réflexions intéressantes sur les limites du "quoi qu'il en coûte".


  • Un déséquilibre un peu embarrassant entre le destin de Luke et celui de Tim, dont on se doute qu'ils vont se croiser.
  • King fait du King, et cela peut gêner les amateurs de nouveautés et de surprises.
Concours The Wretched - Visitez les catacombes de Paris !
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Hey les amis ! Voilà Halloween qui approche à grands pas, du coup, on a décidé de vous terroriser un peu. Enfin, on va essayer...

Tout d'abord avec The Wretched qui sort en Blu-Ray et DVD le 2 décembre 2020. Mais aussi avec une visite des... catacombes de Paris ! Ah, là niveau ambiance, difficile de faire mieux. 

Nous nous sommes donc associés avec nos amis de Koba Films pour mettre sur pied un concours célébrant l'épouvante, les frissons et vos talents dans le domaine du déguisement. 


Pour participer, rien de plus simple, il suffit de :

- Liker les pages Facebook de UMAC et Koba Films

- Partager la publication du concours de la page UMAC (en mode public) sur votre profil

- Nous envoyer une photo de vous dans votre plus beau déguisement d’Halloween !

Il est possible de poster votre photo dans les commentaires sur la publication Facebook ou de nous l’envoyer par mail. Vous pouvez également masquer votre visage (le flouter, le couper) si vous ne souhaitez pas apparaître sur notre album dédié au concours.


Vous pouvez participer et envoyer vos photos du 27 octobre au 7 novembre. La phase de vote se déroulera du 8 novembre au 14 novembre. Les participants ayant reçu le plus de likes sur leurs photos seront départagés par le staff UMAC.

Les lots seront envoyés à partir du 2 décembre (date de sortie de The Wretched) !
En ce qui concerne la visite des catacombes, la date sera fixée avec le gagnant en fonction de la situation sanitaire. 

À vos costumes !
Virgul, lui, a déjà le sien. Rassurez-vous, il n'a pas le droit de participer. Déjà parce qu'il fait partie du staff, et puis bon, aussi un peu parce que c'est un chat, le concours étant honteusement réservé aux humains.


Psycho-investigateur - La genèse
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Il y a de cela un an et demi, je chroniquais en ces pages l'excellente bande dessinée Dans la tête de Sherlock Holmes scénarisée par Cyril Liéron et dessinée par Benoît Dahan. La qualité indéniable de l'ouvrage fut récompensée par un succès mérité en librairie (plus de 25 000 exemplaires vendus !) et je m'en réjouis. Mais cela eut un autre effet : cela m'a poussé à m'intéresser à la genèse du travail de ce dessinateur atypique en lisant sa première série et, le hasard faisant bien les choses, il se fait que La genèse s'offre précisément une réédition aux éditions Petit à petit. De toute évidence, il me fallait vous en parler.

Posons les bases : Psycho-investigateur est une série débutée en 2005 et axée autour du personnage de Simon Radius. Initialement, c'était un triptyque narrant les enquêtes étranges d'un analyste aidant les services de police grâce à un pouvoir dont l'origine nous sera expliquée en fin de trilogie. 

Les trois premiers tomes sont un tout, un cycle. Le quatrième tome, lui, lance Simon Radius dans une nouvelle enquête. C'est un one shot. Je suppose que, si la série rencontre le succès qu'elle doit avoir (car, autant le dire de suite : c'est très sympa), elle connaîtra par la suite d'autres albums de ce genre avec un personnage dont les trois premiers tomes nous auront donné les clés de compréhension... 

Mais revenons-en au triptyque initial : il est ici regroupé intelligemment dans un agréable recueil de 144 pages cartonné et bénéficiant d'une couverture ajourée (avec une découpe) dont Benoît Dahan semble décidément friand (cette coquetterie étant aussi présente sur la couverture de Dans la tête de Sherlock Holmes). Après tout, le gars a son univers et son identité graphique bien à lui, de toute évidence... alors pourquoi ne pas lier ces deux œuvres par quelques gimmicks communs ? Ça semble cohérent. Et profitons aussi de l'occasion pour féliciter les éditions Petit à petit qui s'offrent une maquette et une production dont les plus grands éditeurs feraient bien de s'inspirer. Ça fleure bon la passion de l'édition ! Excellente porte d'entrée dans cette série, le recueil a en plus le bon goût de nous offrir trois albums pour 19,90€. À une époque où le moindre tome des Lapins crétins coûte 9,95 €... il n'y a pas photo !


L'histoire

Simon Radius a l'étrange faculté de pénétrer les souvenirs de ses contemporains en plongeant virtuellement dans leur mémoire, à la recherche de souvenirs dissimulés consciemment ou non par leurs détenteurs. Cet homme aux allures de psy typique offre ses services à une police locale pas toujours très convaincue pour faciliter la résolution de crimes apparemment insolubles. 

Cette faculté inédite a bien entendu une origine. Parallèlement à trois enquêtes pour la police, Simon va également fouiller son propre passé pour comprendre les raisons du départ inexpliqué de l'amour de sa vie. Ce qui va peu à peu lui permettre de retourner aux sources de ce pouvoir.
La série offre donc au lecteur, en trois tomes, des enquêtes mémorielles dans un récit lui-même construit comme une lente reconstitution de la mémoire du personnage central. Avouez que c'est élégant ! Cette sorte de mise en abyme n'est qu'une des multiples facettes du puzzle qu'est cette bande dessinée (même la couverture vous l'annonce).
Nombre de détails vous sont en effet accessibles, de-ci, de-là dans les cases, éparpillés à la vue du lecteur comme des personnages. Et vous pouvez même, parfois, devancer de peu Simon dans ses découvertes si vous êtes observateur. 

On a entre les mains le travail de deux authentiques auteurs : tout a été réfléchi et retourné dans tous les sens pour être intéressant, crédible et intrigant. Les pièces s'emboîtent et, au final, quand tout est en place et qu'on prend du recul, malgré le fantastique assumé des capacités de Simon, on ne peut nier que ça fonctionne : le tableau d'ensemble est cohérent et forme un tout parfaitement intelligible.
Certains personnages peuvent sembler un rien stéréotypés, c'est vrai. Mais ce sont des personnages secondaires. Les plus importants sont plus élaborés, qu'il s'agisse de Simon, de son assistante (j'aime bien, ce personnage, d'ailleurs !), des cas analysés par Simon ou même de son rival, de sa Némésis insupportable : le très horripilant John-Lou Bonseigneur ! 

Alors oui, je sais : cette histoire pourrait sembler rébarbative... un psy comme héros, des allusions à diverses pathologies comme les traumatismes, la paranoïa, la mythomanie ou la schizophrénie, ça pourrait décourager certains lecteurs. Mais tout arrive tellement à point nommé, tout y est tellement logique et chaque trouble y est illustré de façon tellement ludique et évidente par Benoît Dahan qu'il est impossible de ne pas comprendre de quoi il retourne, et ce même si l'on n'a guère de notion en psychiatrie. À dire vrai, ce pourrait même être considéré comme une oeuvre de vulgarisation pour ceux qui ne connaissent pas le vocabulaire de base de cette discipline ! Rien à redire, donc, au sujet de l'écriture. Au contraire !



Le dessin

Et là, c'est plus compliqué. Impossible pour moi de réellement décrire la patte de l'auteur. Je suis bien heureux de pouvoir vous montrer ici quelques cases afin que vous compreniez mieux mes dires. Il nourrit une approche semi-réaliste qui peut déplaire à certains mais qui m'a d'emblée convaincu.
Toutefois, comme il l'avoue lui-même : le premier tome date de 2005 et il a énormément progressé depuis. J'ai d'ailleurs trouvé très intéressant de voir, au fil du recueil, s'améliorer peu à peu le trait de celui qui dessinera ensuite un de mes Holmes préférés. Comme le premier tome est déjà très loin d'être indigne graphiquement, on éprouve simplement un plaisir croissant à la découverte des aventures de Simon... et plus le dessinateur affine son trait, plus il se décomplexe : on voit de plus en plus de trouvailles visuelles s'affirmer et l'on comprend vite que les ingéniosités de Dans la tête de Sherlock Holmes sont les enfants de celles qui apparaissent ici. C'est original, comme leitmotiv mais Benoît Dahan semble se spécialiser dans la représentation des mécanismes mentaux, pour notre plus grand plaisir.


Appréhensions initiales

Je dois bien avouer être pour ma part assez rétif à la psychologie... essentiellement parce que mes études et ma carrière m'ont confronté à des praticiens élevant certaines théories au rang de dogmes et voulant les plaquer à toute force sur des individus au lieu, précisément, de partir de l'individu pour en induire la pathologie qui peut l'affecter.
Nulle crainte à avoir ici : Simon a parfois ce réflexe de s'imaginer omnipotent mais, lors de ses plongées dans les souvenirs des gens, la réalité ne tarde jamais à lui faire prendre conscience de l'incomplétude ou de la fausseté de son diagnostic initial. 
Il arrive même que ces fausses pistes le poussent à commettre des erreurs assez graves et ça, ce n'est pas fait pour me déplaire : un héros faillible est à mon sens toujours bien plus intéressant.

En plus de ce premier a priori, il en est un autre sur lequel le livre a dû me rassurer : je n'aime guère les récits policiers. Je n'y trouve d'intérêt que dans ce qui est périphérique à l'enquête... le travail d'investigation a le don étrange de m'ennuyer au plus haut point. On ne se refait pas.
Si vous êtes comme moi, rassurez-vous : les enquêtes mémorielles sont tellement particulières et originales que je ne m'y suis pas ennuyé, à ma grande surprise. C'est plaisant, inventif mais totalement inutile dans le contexte légal puisque Simon ne récolte pas de preuve matérielle lors de ses plongeons dans les souvenirs des témoins ou des accusés... il lui faut donc mener une enquête de terrain en parallèle mais toujours à sa façon un rien alambiquée. L'originalité de la démarche a botté le train de mon possible ennui plus d'une fois !

Et pour en finir avec l'ennui, même l'humour s'invite dans ces planches. Il n'est pas rare en effet que, durant ses plongées dans l'inconscient des gens, Simon soit tellement pris dans ses visions que son corps réagisse comme le fait sa projection dans la mémoire de ses interlocuteurs. Cela donne lieu à pas mal de situations cocasses au possible pour le pauvre Simon qui se retrouve à son "réveil" dans des positions ou situations on ne peut plus embarrassantes.


Impression globale

Avec Psycho-investigateur, vous tenez entre vos mains le genre d'objet un rien luxueux mais abordable qui, une fois refermé, vous donne l'impression d'être un peu plus bédéphile qu'avant son ouverture : on ne vous a pas pris pour un imbécile, vous avez été emporté par la narration sans qu'on vous prenne trop par la main et le tout contient une histoire avec une semi-fin, un milieu, un début et une fin (oui, dans cet ordre-là, pour ainsi dire). 
En cette époque où l'on est gavés de séries dont les tomes semblent parfois ne se succéder que parce que le public a envie de revoir le personnage, il est bon de se plonger dans la lecture d'aventures d'un personnage que seule l'écriture rend sympathique et que l'on a envie de retrouver qu'en raison de la qualité des récits dans lesquels il interviendra. 
Longue vie à Simon Radius !
Et encore merci aux éditions Petit à petit pour le soin apporté à l'objet physique... je sais que je me répète mais prenez un de ces volumes en mains et vous comprendrez !



+ Les points positifs - Les points négatifs
  • L'histoire est indéniablement originale et bien construite.
  • Le recueil constitue une histoire complète, un stand alone.
  • Le travail d'édition est remarquable.
  • Le dessin de Benoît Dahan est très personnel.
  • Le prix est extrêmement démocratique pour 144 pages.
  • Certains reprocheront un manque relatif de constance du dessin là où il n'y a en réalité qu'une bien légitime progression.
  • On peut ne pas adhérer au pouvoir psy fantastique qui fait partie des fondamentaux de la série.
  • Il y a parfois l'un ou l'autre personnage qui semble trop archétypal.
  • Comme pour tout dessinateur ayant un style particulier, celui-ci peut déplaire.
Keepers : fiction et faits réels
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Nous abordons aujourd'hui Keepers, un long-métrage inspiré d'une histoire vraie. Mais jusqu'à quel point ?

Keepers est un thriller de Kristoffer Nyholm, avec notamment Gérard Butler et Peter Mullan dans les rôles principaux. 
Le pitch de départ est plutôt alléchant : trois gardiens de phare partent pour une durée de six semaines sur un minuscule îlot au nord de l'Écosse. Une routine pesante s'installe jusqu'au jour où les trois hommes découvrent une petite embarcation échouée, un cadavre et un coffre. Après avoir un peu hésité, ils ouvrent le fameux coffre et tombent sur une petite fortune en lingots d'or. Une véritable aubaine. Sauf que, bien entendu, une somme aussi importante finit toujours par manquer à quelqu'un. Ainsi, deux types louches débarquent bientôt sur l'île, à la recherche de l'un de leur camarade. Pour les gardiens, c'est le début d'une suite d'événements catastrophiques.

Attachons-nous dans un premier temps au film en lui-même. Le cadre désolé ne manque pas de charme, le casting est bien trouvé, et l'on a droit à quelques scènes tendues (la découverte de l'embarcation, l'arrivée des inconnus sur l'île) pendant la première moitié du récit. La suite est bien moins bonne. Les auteurs, Joe Bone et Celyn Jones, ont opté pour un traitement assez... particulier de l'un des personnages, ce qui engendre une fin peu vraisemblable, très introspective et carrément mollassonne. 
Un peu dommage car l'on était tout de même bien parti. Impossible d'ailleurs de ne pas faire le parallèle avec l'excellent Un Plan Simple, de Sam Raimi (cf. cette Sélection UMAC). Si le cadre est très différent (une petite ville rurale du Minnesota), c'est en effet, sur le fond, exactement la même histoire : trois individus lambda tombent sur du fric qui ne leur appartient pas et vont devoir faire face à leurs dissensions internes ainsi qu'aux "légitimes" propriétaires dudit fric. Seulement, alors que Raimi (bien aidé par le scénario de Scott Smith, déjà auteur du roman éponyme A simple Plan) optait pour une mise en forme magistrale, s'attachant aux personnages et à leur involontaire descente aux enfers, Nyholm, lui, noie son intrigue dans des longueurs et des moments de silence qui peinent à donner du relief et de la profondeur à une intrigue qui s'essouffle vite et contient son lot, sinon d'incohérences, du moins d'invraisemblances. Le traitement des personnages n'est guère meilleur, leurs états d'âme (surtout exagérés et mal amenés) ne suffisant pas à leur conférer une épaisseur indispensable.

Comment ça s'allume ce truc ? Je t'assure, sur la notice, ça avait l'air plus simple.


Bon, un film qui partait bien et se révèle un peu décevant, rien d'extraordinaire là-dedans. Sauf qu'ici, puisque l'on a vu le fameux "inspiré de faits réels" au début du générique, l'on peut être enclin à "pardonner" leurs égarements aux scénaristes, ceux-ci ne suivant finalement que la trame du fait divers dont ils s'inspirent. Sauf que, comme nous allons le voir, nous sommes très loin d'une histoire vraie. Du moins, le point de départ l'est, puisqu'il s'agit de la disparition, totalement inexpliquée, de Thomas Marshall, James Ducat et Donald MacArthur

Ah, on va être bien là, tranquilles pendant six semaines...
Les trois hommes font partie d'une équipe de quatre gardiens, engagés pour s'occuper de la maintenance du phare situé sur Eilean Mor, un îlot faisant partie des îles Flannan, situées au large de la côte nord-ouest de l'Écosse. Trois hommes restent en permanence sur l'île. Toutes les six semaines, l'un d'entre-eux est relevé par son quatrième collègue et peut donc retourner chez lui pour deux semaines. Tout se passe bien la première année, mais le 15 décembre 1900, le phare cesse de fonctionner. Un navire signale ce dysfonctionnement et une équipe est dépêchée sur place (il faut dire que la zone est très dangereuse pour la navigation). 

Arrivés sur les lieux, les secours constatent que les gardiens ont tout simplement disparu. Les restes d'un repas entamé sont trouvés dans la cuisine, quelques effets personnels (cirés et bottes) manquent à l'appel, et... c'est tout. L'enquête ne donnera rien et 120 ans après, le mystère reste entier. Il a d'ailleurs donné lieu à moult théories, des plus sensées (une vague massive emportant les hommes s'affairant sur l'embarcadère) aux plus farfelues (des créatures surnaturelles enlevant les pauvres bougres). 
Autre possibilité : l'un des types devient fou, il bute les deux autres et se suicide. Vu le côté fun du lieu, ce n'est pas difficile d'imaginer que l'on puisse péter une durite après des semaines d'isolement sur un rocher sinistre balayé par les vents et la pluie. Mais sur place, aucune trace de sang ou de violence ne permettra d'étayer cette hypothèse. 

On le voit, la partie "réelle" de l'intrigue est donc, comme souvent dans ce genre de cas, minime. Les scénaristes avaient donc toute la marge de manœuvre nécessaire pour expliquer cette disparition subite. Malheureusement, leurs choix s'avèrent peu crédibles, décevants, voire même par moment maladroits.
Au-delà de la critique pure de ce long-métrage, ces imperfections permettent aussi de conforter la théorie (longuement développée dans ce dossier) affirmant que l'idée de départ d'un récit n'a pas grande importance et que seule la mise en forme de l'intrigue va en faire une bonne ou, au contraire, une mauvaise histoire. La différence entre Un Plan Simple, véritable chef-d'oeuvre d'écriture, et Keepers, poussif et sans lyrisme ni profondeur, permet de constater le gouffre qui sépare les auteurs ayant une parfaite maîtrise technique de leur art de ceux qui ne se rendent même pas compte de leurs tares. 

Vous l'aurez compris, si vous voulez passer un bon moment, on vous conseille plutôt le film de Raimi qui, bien que très éloigné question décors et personnages, exploite parfaitement les ressorts d'une idée de base identique.  

Et voilà le lieu réel. Bon question bars, cinémas, boutiques, on va pas se mentir, c'est le strict minimum.
En même temps, on est en 1900, donc entre ce qui n'existe pas encore et ce que tu n'as pas les moyens de te payer, 
franchement, qu'est-ce qui pourrait te manquer ?



+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Le cadre, sinistre mais impressionnant.
  • Quelques scènes tendues et plutôt bien fichues.
  • Le casting. 


  • Des longueurs et silences qui échouent à apporter la profondeur qu'ils étaient censés amener.
  • Quelques facilités ou invraisemblances.
  • Un suspense qui, au lieu de monter crescendo, va en s’affaiblissant.
  • L'alibi "histoire vraie", clairement abusif dans ce cas précis. 
La Révolution : bilan de la Saison 1
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On vous avait parlé, le mois dernier, de la série Netflix La Révolution, dont la bande-annonce était plus que prometteuse, il est maintenant temps de dresser le bilan de ces 8 épisodes.

Tout d'abord, il faut reconnaître que les points forts que l'on pouvait deviner en visionnant la bande-annonce sont bel et bien là. Les décors sont fort beaux, la photographie est très soignée, la bande-son est plutôt pas mal également. Bref, d'un point de vue formel, non seulement c'est réussi, mais c'est même d'une qualité rare pour une série française.  
Les principales critiques, notamment de la presse, portent plus sur le scénario en lui-même. Qui n'est pas parfait mais possède tout de même quelques qualités. Mais voyons déjà plus en détail le pitch de cette saga fantastico-historique.

Quelques années avant la Révolution, le meurtre atroce d'une jeune femme déclenche, dans un lointain comté, l'ire de la populace et l'enquête d'un médecin, Joseph Guillotin. Ce dernier découvre bientôt l'existence d'une maladie encore inconnue, le "sang bleu", dont les effets sont ravageurs. Les personnes atteintes... décèdent, puis reviennent à la vie en bénéficiant d'une force accrue, de sens plus aiguisés, elles sont même plus ou moins immortelles, mais elles éprouvent aussi une faim insatiable (et difficilement contrôlable) de chair humaine. Seule manière d'éliminer ces morts-vivants : leur couper la tête. 
Le virus se répand dans l'aristocratie locale, transformant les nobles en monstres assoiffés de sang. Monstres qui vont être combattus par la Fraternité, un petit groupe de résistants qui pourrait bien faire trembler les bases du royaume.

Voilà l'histoire dans les grandes lignes. La trame principale s'attache à une poignée de personnages, dont les Montargis, qui dissimulent pas mal de secrets, ou encore ce fameux médecin, un peu fadasse. Tout n'est pas totalement abouti dans le développement du récit. Certaines scènes sont très téléphonées et accumulent les clichés, et l'intrigue met du temps à décoller et se révèle même quelque peu obscure dans les premiers épisodes. On peut même parler parfois de légères incohérences, ce qui n'aide pas non plus. Mais, au-delà de ça, tout n'est pas à jeter, loin de là.



Tout d'abord, les critiques sur l'aspect purement historique n'ont pas lieu d'être, nous sommes ici dans une uchronie, pas une fiction qui s'attache à réellement représenter la réalité de cette époque [1]. Ensuite, les auteurs, Aurélien Molas, Gaïa Guasti, Sabine Dabadie et Hamid Hlioua, mettent en place une gigantesque métaphore zombiesque certes un peu facile mais pas totalement idiote. Les divers éléments, même s'ils renvoient grossièrement à des symboles bien connus (le sang bleu, la Fraternité, les décapitations ou encore le drapeau tricolore), permettent d'enraciner cette saga horrifique dans une Histoire fantasmée et familière.
Qu'il y ait des maladresses au niveau de l'écriture, des longueurs, des scènes ratées, c'est indéniable, mais l'ensemble se laisse voir et tient en haleine, notamment grâce à certains plans élégants, quelques envolées lyriques ou une violence relativement esthétisée. 

Surtout, mine de rien, La Révolution invente un nouveau type de morts-vivants, entre le zombie classique et le contaminé à la 28 Jours plus tard. Les Sangs-Bleus ont un aspect physique à peu près normal, ils conservent leur intelligence (ou leur absence d'intelligence dans le cas de Donatien), mais ils s'avèrent bien monstrueux et inquiétants. 
Enfin, la scène finale, dévoilant un roi sinistre et flippant, donne clairement envie de voir la suite, ces huit épisodes n'étant finalement qu'une longue introduction.

Dans tous les cas, on est devant un gigantesque bond en avant qualitatif pour la fiction française (au moins sur la forme, le fond restant à travailler sans pour autant être honteux). Du coup, l'on a du mal à comprendre les critiques souvent très vives qui ont plu sur cette série, parfois dès la bande-annonce. Il est clair qu'en France, tout ce qui est SF, fantastique, heroic-fantasy, épouvante, on ne sait pas faire. Il suffit pour s'en convaincre de voir les rares tentatives récentes au cinéma, de Seuls, blindé d'absurdités, à l'encore plus creux Grave. La Révolution n'a heureusement pas ce genre de défauts, ou en tout cas, ils ne sont pas aussi nombreux et prononcés. Il s'agit donc d'une évolution louable, que l'on peut encourager sans rougir. Quand on voit de quoi l'on part, entre un Camping Machin, une Joséphine, Ange-Gardien, ou les conneries de cet acabit, difficile de ne pas applaudir des deux mains quand des auteurs tentent de sortir la fiction françaises des ornières "comiques" ou "polar" (voire pire, "dramatiques" [2]), dans lesquelles elle est engluée jusqu'aux coudes depuis des décennies. 

La Révolution est une série ambitieuse, au titre peut-être prophétique si elle parvient à encourager des projets innovants et originaux qui pourraient devenir le trait d'union manquant entre l'originalité, mais le manque de moyens criant, des projets issus du net et les productions plus professionnelles, qui ont perdu l'habitude, pourtant inhérente à leur activité, de prendre de réels risques.



[1] Les armes à feu de l'époque n'ont évidemment pas la précision d'un fusil de sniper moderne, comme on peut le voir dans certaines scènes, mais dans le contexte, ces étranges pétoires "upgradées" passent pour un élément uchronique de plus. On est loin des inepties de The Walking Dead, quand les personnages se protègent de tirs nourris de fusils d'assaut derrière de la tôle ondulée ou une portière de voiture. 
[2] Entendre par là les films parisianistes et égocentrés (dits) d'auteurs, à l'intrigue inexistante et au casting dépressif. 



+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Clairement soigné d'un point de vue esthétique et formel.
  • Une approche originale.
  • Un casting dans l'ensemble très réussi.
  • Quelques scènes inspirées et au lyrisme certain.
  • Proprement ahurissant (pour une série française) en ce qui concerne la qualité de la mise en scène.


  • Une écriture parfois maladroite.
  • Nombreux clichés et scènes prévisibles.
  • Quelques longueurs malgré pourtant le faible nombre d'épisodes.
  • Joseph Guillotin, assez terne et sans charisme.
  • Une première saison qui n'est finalement qu'une longue introduction.
Un Chat dans le Culte #2
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Hey les matous ! Ça ronronne dans les gouttières ?
Si vous ne l'avez pas encore lu, je vous conseille le premier Chat dans le Culte. Et sinon, on passe tout de suite au sujet principal, avec une comédie mythique.
Miaw !

La Chèvre
Deuxième film de Francis Veber en tant que réalisateur (après Le Jouet), La Chèvre sort en 1981 et va devenir l'une des grandes comédies culte du cinéma français. Elle met en scène le personnage de François Perrin (Le grand blond avec une chaussure noire, On aura tout vu...), une variante de François Pignon (L'emmerdeur, Les compères, Les fugitifsLe dîner de cons...). À noter que François Perrin/Pignon n'est pas un même protagoniste vivant différentes aventures, mais bien une sorte d'archétype de personnage lunaire, naïf, maladroit, voire parfois un peu benêt.

Ça raconte quoi ?
La fille du PDG d'une grande entreprise disparaît alors qu'elle est en vacances au Mexique. Son père a beau tout tenter pour retrouver sa trace, rien n'y fait. L'un de ses employés a alors l'idée de lui présenter François Perrin, un individu particulièrement malchanceux. Or, la jeune fille disparue a la particularité d'être elle aussi une incroyable poissarde. La théorie étant que deux malchanceux chroniques vont se prendre les mêmes portes dans la figure, trébucher sur les mêmes obstacles, et donc avoir un parcours similaire. Désespéré, le PDG accepte de tenter cette mission de la dernière chance. Il engage Perrin en lui faisant croire que, grâce à son bon sens et son flair, il est en charge de retrouver sa fille. En réalité, il doit servir d'appât, de "chèvre", et Campana, un véritable détective privé, expérimenté et bourru, se charge de l'accompagner pour vérifier les résultats de cette improbable expérience.

Ça fonctionne comment ?
L'on est ici sur du très classique, à savoir l'opposition de deux personnages foncièrement différents, obligés de coopérer et de se supporter. C'est ce que l'on peut retrouver déjà dans La Grande Vadrouille, avec le gentil et naïf Bourvil et le plus dirigiste et colérique De Funès. Mais, ce n'est pas tout. Ici, le duo ne fonctionne pas seulement sur sa disparité mais également sur sa relation asymétrique, l'un en sachant plus que l'autre. Principe que l'on retrouvera, bien plus tard, dans L'Opération Corned Beef, alors que Jean Reno est obligé de supporter le pontifiant Clavier qui ne comprend rien à la situation. Le fait que Campana sache réellement les raisons pour lesquelles Perrin a été engagé participe bien entendu aux ressorts comiques. Enfin, dernier point, Perrin est ici particulièrement sûr de lui. Loin du Pignon du Dîner de Cons, qui se rend compte qu'il gêne ou que l'on se moque de lui et est conscient de ses limites, de ses défauts, Perrin, dans La Chèvre, est suffisamment niais pour se prendre au sérieux, pérorer et même sermonner un Campana pourtant bien plus efficace que lui.

Pourquoi c'est encore bon aujourd'hui ?
Là encore, pas de surprises : casting béton, avec un Pierre Richard et un Gérard Depardieu excellents dans leur propre registre, et surtout une écriture (de Veber, qui signe le scénario également) à la hauteur, avec un nombre de gags (et de gags efficaces !) qui devrait faire rougir les scribouilleux poussifs qui écrivent la plupart des "comédies" françaises actuelles. Le film dure seulement 1h35, ce qui n'est pas énorme (La Grande Vadrouille ou L'Opération Corned Beef, cités plus haut, durent respectivement 2h12 et 1h45), pourtant, il est tellement dense que l'on n'a aucunement l'impression qu'il est si bref. Et, fait rare, les situations comiques perdurent jusqu'à la fin, sans forcément cet emballement qui vire au burlesque et que la plupart des auteurs ou réalisateurs se croient forcés d'employer pour donner un effet de crescendo qui, bien souvent, rend le récit absurde.

La petite anecdote en sus
À l'origine, c'était Lino Ventura et Jacques Villeret qui étaient pressentis pour incarner Campana et Perrin, mais Ventura n'aurait apparemment pas été d'accord sur le choix de son collègue. Quand Depardieu est arrivé sur le projet, il a émis le souhait d'interpréter... Perrin. Veber ayant refusé, l'acteur s'est montré particulièrement insupportable durant le tournage. Enfin, selon la légende, parce qu'en réalité, Depardieu, aussi talentueux qu'il soit, c'est le genre à être chiant tout le temps, de base. Un type qui te pète dessus et qui trouve ça drôle, ça donne plus envie de lui mettre un coup de pied au cul qu'un César entre les mains.




Perrin, s'adressant à Campana, puis à un type qui l'a traité d'abruti, puis de nouveau à Campana, sous la plume de Francis Veber.


— Il m'a traité d'abruti, c'est une affaire entre lui et moi, je vous demande de ne pas intervenir. Vous m'avez traité d'abruti ?
— Oui.
— Je pratique les arts martiaux : judo, aïkido, karaté. La première chose qu'on nous apprend, c'est le contrôle. Un type me traite d'abruti, je ne cogne pas, je le regarde et je m'en vais.
— Et ben tire-toi alors.
— Hmf. Vous avez de la chance. Allez, prenez ce chariot et filez. Hmf... vous avez de la chance.
— Gros connard.
— Haha... vous avez de la chance...
— Pédé.
— Ffffiouuu. Je suis arrivé à un contrôle total, en route ! Pardonnez-moi cette démonstration de force, mais j'ai horreur qu'on me marche sur les pieds.



En parlant de prof...
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On a tous connu un enseignant qui nous a marqué. En bien. Oh, bien entendu, on en a connu aussi de moins bons, de plus maladroits, m'enfin, j'avais envie aujourd'hui de mettre en avant les bons côtés de cette profession.

Au primaire, en CM2 précisément (début des années 80), je suis tombé dans la classe du directeur de l'école. Un "maître" à l'ancienne, imposant, strict, mais juste et ô combien doué pour l'enseignement. Il se nommait (et se nomme toujours) André Maljean. 
Cet homme, véritable hussard droit dans ses bottes, avait une mission et s'en acquittait dignement. Bien sûr, nous abordions différentes matières, c'est là le rôle de l'instituteur d'être polyvalent. Mais ce qui me passionnait le plus à l'époque, c'était l'Histoire. Et je crois que c'était aussi ce qui passionnait le plus monsieur Maljean. Au point qu'il a d'ailleurs fini par écrire un livre sur l'histoire de la commune dont il a même été maire. 

C'était le vendredi après-midi. Pendant la deuxième partie du cours, il fallait "gratter" la leçon que l'on aurait à apprendre le week-end. Ça, ça ne m'enchantait pas. Mais la première partie était... fantastique.
Le maître commençait par installer l'une de ces vieilles cartes scolaires (qui ont dû jouer un rôle dans mon intérêt pour les wargames). Puis, il se mettait à nous raconter l'épopée napoléonienne. Des batailles incroyables, des retournements de situation, des coups de Trafalgar (au sens propre et figuré), des intrigues politiques dignes de Game of Thrones... je regardais ça comme un spectacle, fasciné par ces armées anciennes qui s'affrontaient sur des cartes Rossignol ou Vidal-Lablache, bercé par la voix envoûtante d'un passionné qui n'a probablement pas été étranger à ma vocation de conteur.

Même si l'éducation a changé, même si le monde a changé, je sais, pour compter quelques professeurs parmi mes amis (dont certains écrivent sur UMAC), que la passion véritable est encore là. Et si certains vont dans leur classe en traînant les pieds, d'autres ont encore à cœur d'accomplir la mission qui est la leur. Instruire. Élever les consciences. Donner des clés non pour imposer des idées mais pour pouvoir les comparer, les analyser, les réfuter s'il le faut. Faire naître de l'intérêt également, si ce n'est des passions. Transmettre des outils précieux. 

Je n'ai jamais songé à devenir enseignant moi-même. Je ne suis pas suffisamment altruiste. Je ne suis pas suffisamment patient. Je ne suis pas suffisamment optimiste. Mais je crois qu'il est bon qu'il y ait encore, ici, à notre époque, ce genre d'individus, prêts à affronter une classe entière de gamins venus de tout horizon, et pas forcément enclins à écouter patiemment une leçon dont ils ne perçoivent pas toujours l'intérêt. Ce rôle, dans une société mouvante comme la nôtre, est crucial. Parce que ne pas éduquer nos enfants, c'est prendre le risque d'affronter demain des imbéciles. Dangereux, comme le sont tous les ignorants (comment craindre de perdre ce que l'on ne connaît pas ?). Ou prendre le risque qu'ils suivent, par manque de réflexion, des assassins. Qui tuent pour un dessin. 

Hier, un professeur d'Histoire a été décapité parce qu'il avait abordé, dans l'un de ses cours, la liberté d'expression. Je me demande ce que ce brave et essentiel monsieur Maljean nous aurait dit, à nous, encore gamins, le lundi suivant. Il aurait sans doute trouvé les mots pour nous expliquer les enjeux de cette guerre qui ne dit pas son nom. Il nous aurait parlé de la folie de ce monde, cachée par le côté apaisant et mensonger de la novlangue. Avec ses mots à lui, adaptés aux enfants que nous étions, il aurait évoqué l'atrocité d'un crime inutile, abjecte et lâche. 

Mais je ne suis plus à l'école. Le CM2 est loin. Le collège et le lycée aussi. 
Il n'y a plus de cartes colorées, aux frontières bien définies. Plus d'armées parcourant des milliers de kilomètres à pied pour s'affronter dans la froideur de l'hiver russe. Les slogans ont remplacé les étendards. Les crétins à peine pubères ont pris la place des uhlans. Et dans nos villes modernes, les professeurs vivent l'Histoire au lieu de la raconter. Ils laissent du sang sur les trottoirs et un goût amer sur des cahiers dont les pages risquent bien d'être éternellement blanches... ou au moins tronquées.

Un enseignement qui n'enseigne pas à se poser des questions est mauvais.
Paul Valéry



Ces quelques mots sont respectueusement dédiés à la mémoire de Samuel Paty.
La rédaction d'UMAC adresse son soutien et ses meilleures pensées à sa famille et ses proches.  

La Fin des Irin
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La Fin des Irin
est un web-comic, premier tome d'une trilogie suivant un conflit entre deux frères extraterrestres qui ont jadis fait de la Terre une réserve d'esclaves, jusqu'à ce que la variole fasse fuir ces "dieux" de la planète bleue.

L'on rencontre alors Anahita, une jeune femme atteinte d'une maladie rare, qui se révèle être une Irin, métisse entre un humain et l'une de ces divinités venues d'ailleurs. Avec l'aide de Satan, un autre Irin âgé de plusieurs millénaires, elle va découvrir les secrets qui planent sur son origine et va devoir faire la lumière sur un ancien mystère afin de rétablir la vérité au sujet de son père et de sa lignée.

L'histoire qui commence dans un décor que l'on pourrait croire à la croisée des monde de Conan le Barbare et de Stargate provient de l'imagination de Rob McMillan, tandis que les dessins sont l’œuvre de Wouter Gort.
Sur le plan graphique la BD bénéficie de décors variés, de dessins très jolis, voire envoûtants, et de quelques planches à la mise en scène tout à fait réussie. Les premiers moments sont marqués par des scènes violentes qui hanteront les esprits les plus sensibles mais qui trouvent par la suite un contexte qui justifie pleinement les effusions de sang.

Le texte est ponctué d'articles du codex que l'on peut trouver à la fin de certaines pages et ajoute un côté science-fiction "dure" au travers de diverses explications au ton scientifique. Cet aspect Hard SF est justement appuyé par des schémas de molécules et d'appareils que l'on croise au détour des planches.

Ce récit se lit très bien si l'on met de côté le texte dense que l'on peut trouver hors bulles sur quelques écrans. La narration alterne entre passages prenant place dans le passé et le présent et se mêle avec aisance aux dialogues et aux souvenirs des personnages.

La thématique religieuse est naturellement très présente et se retrouve autant dans les dialogues que dans les illustrations, nous laissant nous demander si les créatures que nous rencontrons sont de vrais dieux ou de simples aliens extrêmement avancés sur le plan technologique. Les éléments de l'histoire sont évoqués sans lourdeur pour familiariser le lecteur avec un univers très riche que l'on peut découvrir avec plus de précisions dans les appendices présents sur le site officiel, où l'on peut bien sûr lire également le premier volume de cette saga. 

Ajoutons que les personnages sont tous bien caractérisés et paraissent parfaitement vraisemblables malgré une héroïne principale qui aura sans doute besoin d'un second volume pour se développer et devenir aussi attachante que certains autres protagonistes.

Un web-comic qui témoigne du savoir-faire de ses auteurs au travers d'une histoire bien construite, dont on a envie de connaître le dénouement.



+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Belle mise en scène.
  • Personnages bien écrits.
  • Un côté Hard SF intéressant.

  • Une héroïne à qui il manque un petit quelque chose.

Doggy Bags - Saison 2, tome 16
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Tous les Jean-Kévin de cette page (sérieux, il y en a encore ?) connaissent donc maintenant DoggyBags (ces petits malins ont lu la chronique du numéro 14 ici, celle du numéro 15 , voire même l'article de Nolt ). Il n'est plus guère utile de revenir sur la description de ce qui se veut une série d'anthologie créée par Run sous le Label 619. Le souci étant que, si c'est bel et bien le cas, les Jean-Kévin en question ont dû se rendre compte que je viens de plagier ma propre introduction du tome 15 comme un doppelgänger de Gad Elmaleh.

Du coup : salut, les Jean-Kévin... et les autres. 
DoggyBags, c'est donc une anthologie de suspense, de frissons et d'horreur mêlant un édito engagé, des nouvelles graphiques un peu pulp, des articles informatifs intéressants relatifs auxdites nouvelles graphiques, un poster gratuit et une nouvelle littéraire. C'est la dernière fois que je vous explique le concept, ça devient lourd, les gars. Faites un effort !
Tiens, j'y pense : pas de fausses pubs, dans ce numéro... c'est dommage.
Au sujet de l'édito, il aborde cette fois un sujet peu original sous un angle qui l'est davantage. En effet, Run confie ici le rôle que le Covid19 (trop punk, je n'écris pas LA Covid 19, malgré l'Académie Française, quel rebelle !) a joué sur sa vision des catastrophes fictives... 
Mais qui n'est pas dans le cas ? Après tout, la gestion de cette crise rend les fictions les plus anxiogènes sur le sujet quasi rassurantes...
Souvent, les DoggyBags tournent autour d'une thématique. Cette fois, le seul point commun évident semble être le meurtre, la mort ou les armes à feu... mais c'est le cas de tous les DoggyBags, quasiment. Soyons clairs : vous ne trouverez pas de politiquement correct, pas de bisounours, pas de safe space, pas de moraline dans ces recueils.
Pour ceux qui n'en ont jamais eu entre les mains, c'est un format 25x17, couverture souple, enfermant un paquet de pages sur du papier certes granuleux mais de qualité... et débordant de goût douteux et d'intérêt pour le louche et le macabre. Si Halloween était Noël, on découvrirait ces bouquins sous les citrouilles, emballés dans du papier de verre.

Pour couronner le tout, il est coutumier chez DoggyBags d'accompagner les histoires d'articles exposant leurs sources d'inspiration et... ça fait froid dans le dos !

Première histoire : ROTTEN HEART (de El Puerto et Tomeus)


Dans le paysage paradisiaque de l'Afrique de l'Ouest, en la si calme année 1984, le dénommé Seinfeld (mercenaire de son état) et ses hommes ont planifié de faire de gros câlins aux seigneurs de guerre locaux pour leur rappeler la toute-puissance du pouvoir de l'amour. Malheureusement, après quelques péripéties, ils devront se rendre à l'évidence : il sera malaisé de dispenser autour d'eux une infinité de sentiments choupinets en ayant pour seuls outils des flingues et des explosifs. Déçus mais déterminés à faire cadeau aux pires salopards locaux de quelques balles et quelques rockets, il se résigneront bien vite à les leur envoyer le plus vite possible par le biais de canons appropriés. 
Plus sérieusement... ça cause d'organisations paramilitaires, religieuses, politiques et/ou criminelles qui s'entretuent pour un butin aussi surprenant que déstabilisant et non, ce n'est pas mignonnet le moins du monde. Ce l'est d'autant moins que c'est crédible et passablement réaliste, malgré la dose de fantastique africain que l'on trouve dans le camp des seigneurs de guerre.
La conclusion de la nouvelle est astucieuse et dérangeante à souhait mais pas plus que l'article qui suit faisant état de certaines croyances entretenues au sein des milices d'Afrique de l'Ouest... Vous saviez que ces gars croyaient en l'existence d'un vaccin pare-balles ? Quand je pense que certains de mes concitoyens ont du mal à croire en l'efficacité de celui contre la poliomyélite...

Deuxième histoire : Tool (de Mud et Evin)


S'inspirant ironiquement du slogan avançant qu'une arme n'est qu'un outil, cette nouvelle graphique repose sur un procédé dont j'avais déjà apprécié l'efficacité dans le très bon roman États de lame de Pascale Fonteneau : faire parler l'arme et non le criminel ! Ici, l'on a droit aux mémoires d'un Colt Python, d'un Beretta 92F, d'un AK-47 et d'un Colt M16... soit les armes utilisées dans les fusillades perpétrées par les frères Stovall le 28 septembre 2001 au Colorado.
Ce n'est pas la première fois que Doggybags met en images des faits divers réels mais cette prise de position au niveau de armes est ici bien vue tant l'obsession des deux frères pour l'armement a joué une place importante... Ici, les armes parlent, ont soif de sang et semblent manipuler les humains, les poussant à commettre des tueries autodestructrices qui sont pour elles autant d'actes érotiques. Perturbant ? Oui. Pertinent ? Aussi. Ce drame attire notre attention sur le cas de ces super-owners entassant les armes de tous calibres non dans le légitime but de simplement les collectionner mais par réelle fascination pour leur potentiel de destruction. Certains possèdent de véritables arsenaux contenant même des armes de guerre, des casques et gilets pare-balles... ce qui fait d'eux des gens bien plus armés que les policiers qui leur font face le jour où ils décident de passer à l'action. Des gens difficilement arrêtables.

Troisième histoire : REAL SOCIOPATH (de Run et Ké Clero)



Les auteurs reviennent ici sur l'affaire Donnah Winger, cette jeune mère américaine massacrée à coup de marteau dont le mari a assisté au meurtre avant de tuer lui-même l'agresseur... 
Affaire qui bouleversa l'Amérique à deux reprises : lorsque l'on dévoila cette histoire et... lorsque l'on dévoila que c'était un mensonge cachant une vérité bien plus glaçante encore.
Rien ne vous sera épargné : c'est cru, violent, sans une once de compassion... ça porte bien son nom.
On vous offre là une plongée en apnée dans la sociopathie. Bienvenue dans le monde enchanté des personnes agissant sous le coup de leurs impulsions immédiates, sans se soucier des conséquences. Run confesse en préambule avoir toujours été terrorisé par ce type d'individus imprévisibles, lui qui est du genre à toujours tout planifier... et c'est avec empressement que l'on se range à son avis après la lecture de ce récit.
Au niveau du dessin, celui de la première histoire est assez simpliste et parfois maladroit mais il sert le propos et fait le taf. La deuxième histoire bénéficie d'un trait précis et détaillé, comme il se doit d'une histoire axée autour d'objets mécaniques de précision. La troisième offre un dessin un peu torturé aux traits anguleux et c'est bien le moins qu'elle méritait. 


+ Les points positifs - Les points négatifs
  • C'est du DoggyBags dans tous ses excès et toutes ses audaces. Ce qui est très bien.
  • Ça amène son lot d'informations et de réflexions... ce qui n'est pas le cas de toutes les BD qui passent entre nos mains.
  • La qualité de cette collection reste égale et c'est un petit exploit digne d'être salué d'une frénétique rafale de... non... d'applaudissements. De rien d'autre... 

  • Le dessin de la première nouvelle me semble un rien léger par rapport aux autres mais n'est en rien indigne.
  • Ça pourrait choquer les lecteurs les plus sensibles, je suppose... mais la couverture annonce la couleur, non ? Alors qu'ils restent à l'écart de cette lecture et qu'ils nous laissent en profiter !
Du transparent qui mérite d'être vu
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Avec Transparent, on aborde des sujets lourds avec cependant une approche subtile et efficace.

Souvenez-vous, on vous avait déjà parlé de Wanch à l'occasion de la sortie de son excellent In Bloom. On replonge dans l'univers de l'auteur avec un album auto-produit de qualité, qui raconte une histoire en apparence simple mais poignante.

Tout commence avec la libération d'un vieux détenu. Un détenu au visage dur, fermé, aux réactions parfois violentes. Un détenu qui tente de reprendre contact avec la famille qu'il a détruite. Notamment son petit-fils, qui se débat avec les conséquences d'un passé chargé.
Greg, le petit-fils en question, n'a pas d'emploi. Il n'a plus de compagne. Mais il a une fille qu'il aime. Et pour elle, il ferait tout. 
Seulement voilà, quand le destin vous colle aux semelles comme un vieux chewing-gum rance, il est difficile de s'en débarrasser. De ne pas retomber dans les mêmes schémas. De retrouver la lumière lorsque l'on a passé une vie entière dans les ténèbres.
La frontière entre fantasme et réalité est tellement mince qu'il suffirait d'un rien, d'un mot de travers, pour la franchir...

Eh bien... cet auteur est décidément à suivre de près, parce que lorsqu'il se décide à vous raconter une histoire, c'est du genre à vous faire gamberger longtemps après la dernière page tournée.
Encore une fois, comme pour In Bloom, on est dans de l'intime mais qui n'est pas égocentré, dans du réel mais qui est magnifié par l'écriture, dans de la leçon de vie mais qui n'est jamais pédante ou trop démonstrative. Un exploit déjà en tant que tel.



Difficile d'évoquer les qualités de cet album sans trop en dévoiler. L'on va donc rester vague sur les faits, très bien amenés, par petites touches, et se concentrer sur ce qu'ils évoquent chez le lecteur.
Ce qui est au centre de ce récit, c'est non seulement les actes et le poids des mots, mais plus encore les actes manqués et les non-dits. Ce qui n'est pas dit, ce qui n'est pas fait, ce que l'on ne voit pas, ces gens qui sont transparents et souffrent de ces regards vides ou rares, vont faire basculer des destins et entraîner les pires errances.

D'un point de vue graphique, c'est très bien réalisé, à partir de vues réelles évoquant Mons, en Belgique, d'où est originaire l'auteur. Cela a l'avantage d'ancrer le récit dans le quotidien et le "vrai", tout en permettant, notamment grâce à une colorisation qui fait sens et des angles de vue très efficaces, de bénéficier d'effets quasiment cinématographiques (le zoom arrière sur Marie, attendant "son" Eugène, est un exemple de cette maîtrise narrative qui fait le lien entre chaque scène et prend aux tripes).

En ce qui concerne les personnages, on les découvre par bribes presque négligeables, avant que, comme dans la résolution d'un puzzle, une vue plus large nous fasse réaliser à quel point nous, lecteurs, sommes aussi les jouets de nos préjugés et les victimes passives et malléables du drame qui se déroule, pourtant, devant nos yeux, alors que nous ignorons des indices évidents, aussi voyants que la typographie du titre. 
Transparent évoque non seulement la force dévastatrice du manque, mais aussi ces blessures reçues trop tôt, qui jamais ne se refermeront et feront place à des réactions trop dures, trop folles, aux conséquences non voulues, et donc non assumées. Cette belle histoire évoque aussi ces monstres qui salissent tout et rendent suspects même les plus innocents baisers. Elle évoque le pouvoir des Mots, le pouvoir du Jugement, rapide et sans nuances, le pouvoir de l'a priori, le pouvoir d'un système prompt à écraser, conclure et festoyer sur les ruines de vies dévastées en un clin d’œil, ou presque. Elle évoque aussi, avec retenue et gravité, ces chemins définitifs que certains empruntent pour se libérer de l'inacceptable. 

Voilà, donc, que ce soit clair, c'est pas joyeux, mais, bordel, que c'est fichtrement bon, tant sur le fond que la forme !
Qu'un album d'une telle qualité soit auto-édité devrait faire honte aux éditeurs.
  



+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Une narration subtile et maîtrisée.
  • Des dessins et une colorisation servant parfaitement le récit.
  • Une thématique grave, abordée avec finesse et intelligence.
  • Émotionnellement chargé. 


  • Tellement bon et ambitieux que ça aurait mérité une vingtaine de pages supplémentaires pour développer les personnages et leurs relations.