J'irai mourir dans les Carpates
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Nous nous intéressons aujourd'hui à un premier film très original, entre thriller et comédie : J'irai mourir dans les Carpates.

Nous vous avions déjà parlé de ce projet en 2020 (cf. cet article), une pandémie plus tard, il est temps de décortiquer ce film surprenant, réalisé (et écrit en partie) par Antoine de Maximy. A priori, tout le monde connaît le gaillard, mais pour les rares qui débarqueraient d'une grotte de haute montagne, on vous a concocté un petit encadré, en bas de cet article. En fait, n'hésitez pas à le consulter si vous ne connaissez d'Antoine que sa série J'irai dormir chez vous, car le type est loin de n'avoir que ça à son palmarès. Et puisque l'on parle de cette série documentaire devenue culte, voilà qui va nous permettre de planter le décor du film (une pure fiction cette fois) qui en est tiré.

Lors de ses nombreuses pérégrinations, Antoine a frôlé le désastre et côtoyé le danger à plusieurs reprises. Mais... que se serait-il passé si les choses avaient vraiment, mais vraiment, mal tourné ? Eh bien, c'est ce que l'on découvre ici.
Antoine est parti pour un périple dans les Carpates, mais après un début de séjour plutôt sympathique, tout se dégrade peu à peu. Et c'est peu dire puisque le globe-trotter finit carrément par avoir un accident de voiture. Son véhicule termine au fond d'une rivière, quant à son corps, il n'est pas retrouvé.
L'ensemble de ce qu'il avait déjà tourné et ses affaires restées à l'hôtel sont rapatriés en France. Agnès, la monteuse avec qui il travaillait, se retrouve alors avec des heures d'images à "dérusher". Elle est bien entendu émue de pouvoir assister ainsi, en différé, au dernier baroud d'Antoine. Mais... plusieurs éléments mystérieux commencent également à l'intriguer, notamment quelques rencontres assez effrayantes. Et si la disparition d'Antoine n'était pas un accident ?



Autant le dire, voilà longtemps que je n'avais pas attendu un film avec autant d'impatience. Si comme moi vous l'avez raté au cinéma, sachez qu'il est diffusé en ce moment sur OCS. Et je dois avouer que, malgré de menus défauts, le résultat est largement à la hauteur de mes attentes. 
Tout d'abord, s'il y a bien un réalisateur qui est légitime dans le genre "found footage", c'est bien Maxime. Cela fait évidemment sens avec son parcours et l'intrigue même du récit. Par contre, pour ceux qui auraient été traumatisés par des conneries mal réalisées, du genre Cloverfield ou Rec [1], pas d'inquiétude, on est ici dans quelque chose de tout à fait regardable (et comparable, au niveau de la réalisation des scènes filmées sur le vif, à un Blair Witch par exemple). Ensuite, le choix d'un récit à mi-chemin entre comédie et thriller inquiétant est plutôt bien vu et donne à l'ensemble un parfum bien particulier.

En fait, les scènes sont souvent drôles, inattendues et bien pensées. En tout cas pour la partie comédie, plutôt légère et sympathique (la rencontre avec la réceptionniste vaut à elle seule le détour). Niveau casting, on s'en sort pas trop mal aussi, avec notamment un Max Boublil qui me faisait un peu peur mais qui finalement campe un flic aux antipodes des stéréotypes du genre (et des performances parfois douteuses de l'acteur). 
Pour la partie plus "thriller", là aussi, on a du positif, avec une belle fausse piste et des personnages secondaires (tous les rôles roumains sont joués par des acteurs locaux) convaincants (et pour certains assez flippants). Quant aux décors, ils sont parfaits et reflètent parfaitement l'atmosphère troublante attendue.

Quelques réserves toutefois, malgré la présence à l'écriture de Thomas Poujol, un scénariste débutant mais qui a tout de même plus d'expérience qu'Antoine. Tout d'abord, la partie "française" de l'enquête est assez longue, voire répétitive. Et plombée par l'agaçant stagiaire. Certes, c'est voulu qu'il soit chiant, mais il n'emmerde pas juste la monteuse, il finit par énerver le spectateur lui aussi. D'autant qu'il joue comme une poêle à crêpes. Ensuite, la partie thriller aurait certainement gagné à être plus étoffée. Il manque sans doute une ou deux scènes pour faire monter la pression et s'imprégner de l'ambiance glauque de cette région reculée et a priori hostile. Enfin, la résolution de l'énigme passe par un inélégant topo final de l'un des enquêteurs, sous la forme d'un monologue explicatif qui sonne très artificiel. On pourrait encore ajouter à cette liste de ratages Alice Pol, transparente et d'une fadeur déroutante. Peut-être est-ce en partie dû à la direction d'acteur, m'enfin, le manque de charisme n'est probablement pas issu d'une consigne du metteur en scène...
Donc, ce n'est pas parfait, mais pour être honnête, aucun de ces défauts ne plombe véritablement le film, que l'on suit avec plaisir jusqu'au dénouement.

Voilà donc quelque chose de très inhabituel, plutôt drôle, léger, un brin flippant, novateur dans le ton et la forme, et bourré de petites idées brillantes (ne serait-ce que le long zoom durant le générique, qui dévoile un dernier mais important détail). 
Pour une première expérience, avec peu de moyens, c'est une belle réussite qui détonne dans le paysage cinématographique français, composé le plus souvent de films chiants et prétentieux ou de comédies lourdingues et convenues. J'irai mourir dans les Carpates s'avère aussi atypique qu'agréable et s'appréciera d'autant mieux si l'on connaît déjà un peu son attachant réalisateur et interprète principal. 

Ultra-conseillé !
Un film innovant qui donne envie de renouer avec le cinéma français pour peu qu'il ose sortir des sentiers battus et qu'il conserve cette fraîcheur salvatrice dont le long-métrage est empreint. 




[1] Impossible de regarder Cloverfield et Rec plus de 5 minutes tellement la caméra bouge dans tous les sens pour donner une impression de... ben, on sait pas trop, pas de réalisme en tout cas, parce que personne ne filme comme ça, même le pire des amateurs. Zooms sur des pieds, secousses dans tous les sens, même quand il ne se passe rien et que le type n'est pas stressé, plans de traviole, mise au point hasardeuse, c'est simple, on dirait que c'est filmé par un singe atteint d'une crise d'épilepsie. 


Gros plan sur le réalisateur

Si vous ne connaissez pas Antoine de Maximy, dites-vous bien qu'à côté de lui, Indiana Jones est un petit joueur casanier et maladroit. Car avant de réaliser (pendant 15 ans !) les célèbres J'irai dormir chez vous, Antoine a été reporter de guerre et a aussi participé (comme preneur de son, cameraman, réalisateur...) à de nombreuses expéditions scientifiques.
Pour vous donner une idée, il est allé recueillir un échantillon de lave au sein d'un volcan en activité, il est allé sur le "radeau des cimes" explorer la canopée des forêts tropicales, il est allé fouiner dans des grottes, est descendu dans des gouffres de glace sur la banquise, a navigué... et même lorsqu'il n'était "que" présentateur télé, il trouvait le moyen de faire de petites cascades, comme dire au revoir en démarrant sa bagnole alors qu'il était à l'extérieur, puis courir après pour rentrer par la fenêtre et prendre le volant, le sourire aux lèvres.
Il est comme ça Antoine, un peu fou (nous vous conseillons, sur sa chaîne youtube, sa série de vidéos, exceptionnelles, J'irai rajeunir chez vous, qui présente plus en détail ses aventures de jeunesse) mais très sympathique.



+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Antoine dans sa plus étrange aventure !
  • Un mélange agréable entre comédie et thriller.
  • Le cadre, angoissant à souhait.
  • Des petites trouvailles scénaristiques inattendues.
  • Les seconds rôles roumains.


  • Un déséquilibre entre la lente et longue partie française et les péripéties roumaines.
  • Quelques acteurs bien à la ramasse ou insipides.
  • Un final perfectible dans sa forme.