Activités paranormales et franches rigolades sur youtube


Petit sujet particulier sur un domaine qui fait fureur sur youtube et amène un tas de margoulins à truquer – plus ou moins bien – leurs vidéos : le paranormal et, notamment, les « chasseurs de fantôme ».

Je commence par préciser que je ne porte aucun jugement de fond sur le paranormal en général. Il existe d’ailleurs parfois des sujets relativement bien faits (mais qui n’ont rien de spectaculaires) qui traitent d’expériences réellement troublantes. N’oublions pas non plus que la science elle-même défend des dogmes qui sont amenés à changer et qu’elle ne pourra de toute façon jamais expliquer « tout », ne serait-ce que l’existence de l’univers [1].
Faut-il croire aux esprits, aux phénomènes de hantise ? Je n’en sais fichtre rien. Il convient certainement de garder l’esprit ouvert et parallèlement d’éviter de tomber dans la crédulité totale. Ce qui n’est peut-être pas chose facile pour de très jeunes gens ou des personnes souffrant de troubles psychologiques ou de difficultés passagères.

Il existe un chasseur célèbre sur youtube, plutôt sympathique, dont le pseudo est GussDx. Il n’aborde d’ailleurs pas que le seul domaine du paranormal mais aussi le gaming par exemple. Il a été totalement décrédibilisé en avouant un jour avoir truqué l’une de ses vidéos. Un peu dommage d’autant que le gars n’était pas un illuminé et que certains de ses reportages avaient même parfois une certaine valeur culturelle ou historique par rapport aux lieux visités.
Enfin bon, il s’est laissé avoir au jeu du spectaculaire, mais il a avoué. Rien de méchant, personne n’est à l’abri d’une erreur, et en plus, le mec assume.

Tout le monde n’a cependant pas ce genre de remords ou d’intégrité. Il existe des spécialistes du fake qui osent tout et se moquent bien en réalité du sujet qu’ils traitent ou des gens à qui ils s’adressent. Et dans ce domaine, il en est un qui surpasse tout le monde : Jery, chasseur de fantômes. Vous trouverez facilement sur youtube des exemples de ses « enquêtes ».
Même si ça m’embête un peu de lui faire de la pub, je ne résiste pas à l’envie d’évoquer le François Pignon du paranormal. Parce que vous allez voir, ce n’est vraiment pas le plus doué de la bande. Et ce qui est gênant, c’est qu’il en vient même à proposer ses « services » à des gens apparemment en grande détresse. Et là c’est beaucoup moins drôle.


Alors, voyons un peu le gaillard. Déjà, Jery, c’est monsieur 100%. Où qu’il aille, il rencontre systématiquement des « phénomènes paranormaux », ah ben, ça serait con de gâcher une vidéo. Il faut dire que pour lui, un plancher qui craque ou une vague ombre au fin fond de la forêt, c’est une entité.
Oui, à ce compte-là, chez moi aussi c’est Amityville, et la forêt derrière chez moi, c’est Blair Witch.
Bien sûr ce grand enquêteur ne peut pas se contenter de petites choses banales comme ça, donc il truque ses vidéos. Cela a déjà été démontré techniquement sur le net, des internautes ont par exemple retrouvé des sons dont il s’est servi (il les a collés en stéréo sur une piste mono, en inversant simplement le sens de lecture) ou encore ont repéré des coupures lors de scènes présentées comme tournées en continu. Mais, démontrer techniquement ses élucubrations, c’est lui faire un bien grand honneur car, honnêtement, rien ne va dans ses reportages et on se marre au bout de cinq minutes.

D’abord, c’est un bien piètre acteur. Il faut le voir jouer l’étonnement ou la peur, dans le genre « j’en fais des caisses », ça vaut le détour. Mais surtout, rien ne colle jamais, tout est mal improvisé, plein d’hésitations, d’incohérences, d’énormités, c’est un festival. C’est même souvent (involontairement) très drôle. Par exemple, Jery s’est fait attaquer par Amon, un démon égyptien (qu’est-ce qu’il foutait en France, on ne sait pas, peut-être avait-il eu vent de la réputation de Jery) qui l’a méchamment griffé pendant son sommeil. Ooh ! Oui, les démons, ça griffouille de nos jours, c’est plus ce que c’était.
Attention quand même, Amon, c’est déjà le démon costaud et gradé, une sorte de général, chef de 40 légions démoniaques, à l’origine des loups-garous, c’est pas le peigne-cul du coin, il a un joli CV. Et en même temps, vu que c’est gratos, Jery n’allait pas prendre un sous-fifre. Lucifer himself, ça aurait été trop gros, mais Amon, il s’est dit que ça passait.
Bref, il se filme en nous montrant son bide et de vagues traces de griffures (je l’imagine en train de se lacérer avec le capuchon de son Bic… misère) et explique qu’il a peur (normal) et qu’il hésite à retourner à l’endroit où il a rencontré le fameux démon (normal, si un truc comme ça t’arrive, tu flippes sévère). Sauf que là, s’il hésite, c’est dit-il parce « qu’il se connaît, s’il y retourne, il va lui rentrer dedans ».
OK, le mec traite cette affaire (un minimum dangereuse si elle était vraie) comme une embrouille avec un voisin quoi. Il a peur de ne pas pouvoir se contenir en fait, haha.

Évidemment, Jery est très courageux, donc il décide d’y aller, parce que « ça se fait pas d’agresser les gens comme ça ». Et là, il se livre à une séance d’exorcisme à se pisser dessus. Du jamais vu. Même dans une parodie, personne n’aurait osé ça. Il parle au démon comme si c’était une racaille de quartier, il s’énerve tout seul, tape un sketch hallucinant qui ferait passer Jim Carrey pour un introverti qui joue tout en retenue.
Jery contre Amon reste pour moi l’un des chefs-d’œuvre youtubesques comiques incontournables, c’est bien simple, c’est beau comme du Azoulay. Mais il y a des gens qui, contre toute attente, prennent ça au premier degré. Pourtant on ne peut pas dire que le mec fasse des efforts niveau crédibilité.


Un truc qui est très difficile à faire quand on ment (surtout quand on improvise, or Jery, c’est pas le bosseur minutieux, c’est plutôt le glandeur près du radiateur), c’est de rester cohérent. Et chez lui, ça ne loupe pas, c’est maladresse sur maladresse (je rappelle que ses « truquages techniques » ont déjà été démontrés, je ne reviens donc pas dessus et m’intéresse juste à son « jeu » d’acteur et sa narration).
Par exemple, alors qu’il explore une baraque abandonnée, il installe du matériel pour permettre un contact avec des entités. Il s’adresse aux esprits, leur demande de se manifester… et quand il entend un vague bruit, il joue le mec stupéfait, puis dit qu’il va se barrer parce qu’il a peur. Donc, un démon légendaire, il lui met un coup de pression comme si c’était un caïd de cour d’école, mais un plancher qui craque, ça lui file la chiasse au point qu’il songe à détaler… bizarre quand même. D’autant que c’est ce qu’il est soi-disant venu chercher.

En réalité, bien entendu, il essaie juste de créer une ambiance, mais bêtement, sans se préoccuper de la personnalité qu’il affiche dans d’autres vidéos. C’est un peu comme si vous aviez combattu un dragon mais que vous sursautiez au moindre écureuil aperçu.
Des exemples de mensonges mal gérés, il y en a des tas. De nouveau concernant cette même bâtisse, Jery raconte une histoire, survenue « 10 ou 15 ans auparavant », que son oncle lui aurait rapportée. En gros, le tonton tombe en panne, de nuit, devant la baraque, là il entend des « hurlements » effrayants (abominables, vraiment le truc qui lui glace le sang). Il essaie de faire du stop pour se barrer, pas moyen. Finalement, il pousse sa caisse tout seul, et « au bout de quelques dizaines de mètres, elle redémarre ». Le tonton rentre chez lui, apeuré et convaincu d’avoir vécu une expérience paranormale terrifiante.

Elle n’est pas longue cette anecdote hein, mais qu’est-ce qu’elle contient comme conneries…
Déjà, un truc comme ça, ça marque un peu non ? Tu entends des cris épouvantables dans la nuit, alors que tu es seul, en panne sur le bord de la route, il y a moyen de s’en souvenir. Or là, il y a une fourchette de 5 ans quand même. On pourrait se dire que c’est Jery qui ne sait plus trop la date, et non le tonton, mais Jery est passionné par le paranormal depuis l’âge de… huit ans, car comme il l’expliquera dans des vidéos « story time », il a vécu un tas d’évènements étranges (ce qui est bien pratique pour faire une vidéo à la maison entre deux explorations). Donc, un truc comme ça, soit on s’en souvient, soit on demande des précisions, surtout si l’on sait que l’on va faire un sujet dessus.
Bon, je passe sur le mec qui pousse sa caisse tout seul, ce qui est possible, mais au point de lui donner de l’élan sur « plusieurs dizaines de mètres » et ensuite de la faire redémarrer… c’est un putain de Golgoth le tonton.
Et puis le final, évidemment, décrédibilise tout le reste. Parce que, si vous entendez des hurlements atroces venant d’une maison, même abandonnée, de nuit comme de jour, vous faites quoi vous ? Ben oui, vous téléphonez à la gendarmerie, parce que vous ne savez pas en réalité ce qu’il se passe, quelqu’un se fait peut-être agresser ou pire. Vous ne vous dites pas, « tiens, ça crie, ça doit être un fantôme ».
D’ailleurs, un comportement sensé rajouterait du crédit à l’histoire, puisque l’on pourrait alors finir sur « les flics sont venus et n’ont rien trouvé », quelque chose dans le genre, hop, je termine en légende urbaine. Mais non, Jery veut simplement placer ses hurlements sinistres, et comme il n’a rien préparé, il les balance sans se soucier de l’habillage, de la cohérence du récit.


On pourrait continuer comme ça longtemps, évoquer l’utilisation de la spirit box [2], du K II et du Mel Meter [3], mais le simple babillage de Jery est si énorme et maladroit qu’il est déjà à lui seul une source inépuisable d’émerveillement et de rigolade.
Allez, un exemple supplémentaire. Lorsqu’il s’adresse aux « entités », Jery leur demande de s’exprimer, d’utiliser son matos pour parler, il va même plusieurs fois toucher sa langue de son doigt en émettant des sons bizarres, comme s’il s’adressait à un demeuré (ah mais, je vous jure, il faut voir ça, le mec est hallucinant). Heu… je suppose qu’un esprit, en se désincarnant, ne devient pas complètement con pour autant. Comment expliquer les mots (l’interprétation poussée que Jery en donne en tout cas) de la spirit box si les fantômes sont crétins au point de ne pas comprendre ce que « parler » veut dire ?

C’est comme ça tout le temps, on navigue entre débilités et pseudo-spectaculaire. Parce que le mec n’a pas juste combattu un démon, bah non, il a été aussi possédé, il a libéré des âmes d’un ancien cimetière (il aime rendre service), il a été ceinturé chez lui, dans l’escalier, par une apparition, il s’est même fait jeter des cailloux par un esprit (certainement l’esprit le plus lucide de la bande, qui en avait plein le cul du gaillard).
Attention, je ne me moque pas de sa propre éventuelle crédulité, il n’est pas du tout crédule ce mec, c’est un escroc, je me moque du fait qu’il soit malhonnête mais surtout extrêmement maladroit et fainéant dans sa malhonnêteté.
Il n’est pas le seul à truquer des vidéos, on voit ça tout le temps, en urbex [4] par exemple, où de jeunes gens (souvent) mettent en scène de fausses agressions, la découverte de faux cadavres, etc. Ce n’est pas très glorieux, mais ce sont la plupart du temps des one-shots, sans véritable but. Qu’un adulte essaie de gagner sa vie sur de l’esbroufe, en abusant les plus naïfs, c’est déjà plus douteux. Mais qu’il se propose en plus « d’aider » des gens qui, certainement, souffrent réellement (de la perte d’un proche, d’une dépression, peut-être même de véritables phénomènes effrayants), ça devient non seulement malsain mais moralement puant. Et cerise sur le gâteau, le type fait même genre de tenter de déceler, chez les autres, les éventuels « fakes ». Sans complexe, à la Cahuzac.
Cela tourne même à l'horreur et au sordide extrême quand le type fait semblant de s'adresser à des enfants morts et leur parle comme s'il était dans une cour d'école et jouait avec eux... 

Jery (ou Steve, ou Kevin, ou Piou-Piou, peu importe son vrai nom) a certainement des tas de qualités. Il pourrait sans doute même être drôle s’il assumait ses fictions. Mais ce n’est ni un enquêteur, ni un exorciste, ni un spécialiste d’un domaine qu’il ne connaît pas. Et encore moins un psychologue ou un mec bien intentionné, capable d’aider une personne en réelle détresse.
La course au fric (ou à la popularité), sur le net ou ailleurs, ne permet pas tout.
On peut ou non croire au paranormal, on peut s’amuser du sujet ou le traiter avec sérieux, mais abuser les gens les plus crédules, même pour gagner un ou deux abonnés, surtout sur un sujet aussi potentiellement scabreux [5], c’est tout de même une belle attitude de crétin sans principes. Il n’est ni le premier ni le dernier, mais de temps en temps, ce n’est pas si mal de tenter de sortir certains d’une bouse qui peut être amusante de loin, au second degré, mais qui peut vite boucher les sinus et d’autres choses essentielles si l’on sniffe ça avec trop d’espoir et un discernement altéré par la peine.

La fiction peut avoir un effet cathartique, pas le mensonge.




[1] Peu importe l’explication, que ce soit un Big Bang précédé d’une origine mathématique, un dieu, une percussion de branes dans un multivers, au bout du bout, il faudra un effet qui soit sa propre cause, ce qui échappe totalement à notre logique humaine.
[2] Il s’agit d’un appareil, assez bruyant, qui scanne des fréquences en continu. Cela permet de générer, au milieu d’une sorte de bruit blanc, des sons aléatoires qui peuvent ensuite s’interpréter, avec beaucoup de largesse, de manière « intelligible ».
[3] Il s’agit d’appareils censés mesurer les perturbations ou champs électromagnétiques, un simple talkie-walkie les fait monter dans le rouge. De plus, contrairement à ce que beaucoup pensent, le fait que l’électricité soit coupée dans un bâtiment ne signifie pas forcément qu’il n’existe aucun champ électromagnétique en son sein (d’ailleurs, le propre matériel de l’enquêteur influe sur ce genre de gadgets, très différents du matériel professionnel).
[4] Exploration urbaine, qui consiste à visiter des lieux abandonnés et à filmer ou prendre des photos des différents spots. Sur le fond, ça n’a rien de récent, qui n’a pas exploré étant jeune une baraque abandonnée ou un fort ? (en Moselle, les accès à la ligne Maginot ne manquaient pas il y a encore 20 ans, j’avoue que je suis moins axé sur le crapahutage de nos jours)
La seule différence aujourd’hui réside dans le fait qu’il faut montrer l’exploration, et donc générer des vues, ce qui donne lieu à une surenchère souvent ridicule.
[5] Si vous abusez des pigeons en leur vendant une méthode pour agrandir la bite, c’est tout de même moins impactant que parler d’esprits et de communication avec l’au-delà, donc d’éventuels proches. Exploiter l’idiotie ça reste de l’escroquerie, mais ce n’est pas comme exploiter la souffrance. Même dans l'enculerie, il existe une échelle.