Retroreading : Pour une poignée d'Helix Pomatias

Fantastique, burlesque et univers littéraires se télescopent dans le roman du jour : Pour une poignée d'Helix Pomatias.

Nous avons déjà évoqué l'auteur, Michel Pagel, à l'occasion de la sortie de l'excellent Le Club, roman dont une partie de l'intrigue reposait sur la "magie" de l'écriture. C'est également le cas de Pour une poignée d'Helix Pomatias puisque son héros, Chris Malet, a le don très particulier de pouvoir pénétrer dans l'univers imaginaire des romans et ainsi de changer le cours des intrigues.
Travaillant pour les services secrets français, l'agent se voit confier la mission d'aller sauver un personnage secondaire dans un roman d'horreur. Une mission qui va se révéler particulièrement mouvementée...

Voilà une œuvre totalement atypique, certes non dénuée de défauts, mais hors des sentiers battus et bourrée de saillies brillantes. Pagel s'impose ici comme un véritable auteur, n'hésitant pas à montrer qu'il a autant de couilles que de neurones.
Voyons plus précisément de quoi il retourne.
Le récit, raconté à la première personne par le héros, est décalé, si ce n'est bien barré, et joue à fond la carte de l'humour. Humour très british et pince-sans-rire d'ailleurs. L'auteur s'amuse avec les réalités de l'édition (plagiats, copyright, lettres de refus des éditeurs...) et parsème son histoire de tonnes de références diverses, à Ian Fleming, Dashiel Hammett, Agatha Christie, Raymond Chandler, H.G. Wells, Dostoïevski ou encore Hugo, en passant par la Sheena des comics ou San Antonio... autant dire que c'est vaste.

L'humour, parfois subtil, parfois un peu plus lourd et parodique, est basé, entre autres, sur des jeux de mots assumés, des notes de bas de page détournées ou des tournures stylistiques parfaitement pensées, qui viennent décrire l'action ou l'état d'esprit du personnage avec un second degré efficace et souvent très élégant. Du genre "une infirmière bedonnante entre deux âges mais tout de même plus proche du second" ou "attiré par les ennuis comme un adolescent boutonneux par la page 3 du Sun". Bref, l'on est loin d'une écriture fade et pleine de clichés, le mec a clairement le ciboulot en action.
Ajoutons à cela quelques trouvailles sympathiques, comme le non-espace littéraire, sorte de monde étrange et dangereux où règnent les idées, qu'elles soient à la base de romans publiés, de poèmes enfantins, ou que ce soit des premiers jets, des manuscrits abandonnés ou des personnages supprimés.

L'on a donc tout pour flirter du côté du chef-d'œuvre si ce n'est que... cela manque un peu de fond. Avec un tel sujet, l'on s'attendait à une exploration plus complète de la thématique de l'écriture, ici survolée. Au niveau de la forme, le rythme trépidant, qui ne laisse aucun répit (entre deux fusillades, poursuites ou cascades), le côté absurde (volontaire mais usant) et parfois confus fait que l'on s'ennuie ferme lors de certains passages.
C'est d'ailleurs assez déroutant, l'on passe de l'enthousiasme jouissif au détachement total, voire à la gêne, et ce du début à la fin.

Malgré tout, même si Pagel en fait parfois trop, il faut lui reconnaître un imaginaire débridé et une aisance dans la formule. Pour une poignée d'Helix Pomatias a été publié en 1988 dans la collection Fleuve Noir, puis réédité par la suite aux éditions du Bélial. Le roman figure également au sommaire du recueil Les Escargots se cachent pour mourir.
Disponible à petit prix en version numérique (4,99 €).

Pas aussi abouti que Le Club, ce court roman devrait tout de même convenir aux amateurs de curiosités littéraires.



+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Original.
  • Un sens aigu de la formule.
  • Souvent drôle.
  • Voyage dans les mondes de Papier.

  • Parfois lourd et confus.
  • Une thématique sous-employée.