Exposition Osamu Tezuka à Angoulême

L’exposition consacrée à Osamu Tezuka est un événement en soi : plus de 200 originaux sont présentés, planches de manga, illustrations et celluloïds.

Incontournable pour ce qu’il a apporté à la bande dessinée nippone et au monde de l’animation, les Japonais surnomment Osamu Tezuka : Manga no kamisama, « Le Dieu du Manga » [1]. Inventeur du manga moderne [2], il a produit environ 170 000 pages et est le père de plusieurs héros emblématiques [3] devenus chers aux japonais.

Né en 1928, il connut la Seconde Guerre mondiale, ce qui conditionna une appétence pour des thématiques fortes qui vont imprégner ses productions : un solide engagement contre la guerre, le respect de la nature, de la vie et de toutes les créatures, et un profond scepticisme envers la science et la civilisation. Les films (Chaplin...), les dessins animés (Disney, Popeye...), les livres en provenance des États-Unis l’influencent fortement.
Il suivit des études de médecine, dont il sortit diplômé, sans cesser de dessiner, et devint rapidement professionnel. Sa narration fit évoluer les récits destinés aux garçons et aux filles. Ils marqueront des générations de lecteurs et permettront l’émergence de mangakas tels que Gô Nagai, Shotaro Ishinomori, Ryoko Ikeda et tant d’autres. Osamu Tezuka va ainsi nourrir l’imaginaire de millions de japonais. Il tenta l’aventure de l’animation en fondant Mushi productions puis Tezuka Productions. L’adaptation pour le petit écran d’Astro le petit robot, en 1963, aura beaucoup de succès. Ses créations les plus célèbres, Astro, déjà cité, mais aussi  Léo et Princesse Saphir, ont été diffusées à la télévision française.
Il s’aventurera aussi du côté de la bande dessinée adulte et plus marginale avec le magazine Com. Il adapta ses histoires à un lectorat plus âgé en réaction aux nouveaux mangas, qui paraissent créés parfois par d’anciens assistants, sous la bannière du gegika, ces mangas pour adultes où le sexe, la violence, les sujets de société, les tranches de vie sont traités dans un style plus réaliste, plus dur que les autres bandes dessinées.

Les histoires de Tezuka s’avèrent variées, intelligentes et touchantes, avec un trait qui s’adapte au ton ainsi qu’un travail de mise en page et de mise en scène recherché (cadrages audacieux, trouvailles graphiques pour appuyer certaines situations, personnages récurrents d’une œuvre à une autre, rythme trépident...). Le Dieu du Manga n’aura de cesse de s’améliorer, affinant son trait, devenant plus mature dans ses thématiques, explorant les noirceurs et les recoins de l’âme humaine, tout en interrogeant la société de l’époque avec une continuelle envie de se renouveler. Longue carrière, avec plus de 500 œuvres papiers, sans compter toute la production animes, les illustrations, le développement de merchandising...
Tezuka était venu dans les années 80 au FIBD. Il nous quitte en 1989 à Tokyo.

Cette exposition est co-réalisée par Stéphane Beaujean et Xavier Guilbert, avec l’aide de Tezuka Production. Elle se concentre sur les travaux de l'auteur situés entre 1950 et 1990. Les œuvres sont divisées par ordre chronologique et par thème. L’exposition se situe dans la salle un peu étroite et sombre qui a accueilli l’an dernier l'exposition consacrée à Kamimura.
Les planches, illustrations et celluloïds, sous verres, sont accompagnés de cartels à côté desquelles des panneaux touffus délivrent moult informations les contextualisant par rapport à leur époque. En regardant ces originaux, le travail de Tezuka et de ses assistants saute aux yeux : outre des traits maîtrisés, l'on distingue du collage, des retouches à la gouache blanche, des poses de légères trames, ou encore du scotch, tout cela modifiant ingénieusement les planches. Dès le début, on sent l’amour du japonais pour Disney, les frères Fleisher : des personnages élastiques, hyper expressifs, qui deviennent au fur et à mesure des décennies et du ton plus réalistes. L’ensemble des pièces présentées a plutôt bien vieilli. Les planches demeurent magnifiques, propres et éloquentes, sans que la compréhension de la langue originelle ne soit nécessaire.

Grâce à sa boulimie de travail, sa remise en question perpétuelle, et ses nombreuses expérimentations, tout en cumulant succès et échecs dont il titre des enseignements, Osamu Tezuka demeurera un artiste important qui aura plus que marqué son Art. Depuis 1971, une récompense à son nom est décernée tous les ans à un mangaka pour la qualité de son scénario.

Jusqu’au 11 mars 2018 au musée d’Angoulême.

[1] Dans le sens de "saint patron", pas d’un dieu monothéiste.
[2] Le manga est passé d’un ensemble de strips à un récit s’étalant sur une centaine de pages.
[3] Astro, le petit robot, Saphir l’héritière du trône pourvue d’un cœur de fille et d’un cœur de garçon, Léo, le lionceau courageux, Black Jack, le médecin marron talentueux, Phénix, l’oiseau traversant le temps et les époques à la rencontre de la destinée des humains.