Retour sur la saga Identity Crisis, peut-être l'une des plus poignantes histoires mettant en scène la Justice League.
La question qui revient le plus souvent chez les lecteurs souhaitant aborder les comics DC (ou Marvel d'ailleurs) est bien entendu le fameux "par quoi commencer ?"
Sous-entendu, "comment faire pour que ce soit facile ?"
La réponse est simple : c'est impossible. Un univers qui comporte des milliers de personnages, dont les relations ont été tissées pendant des décennies, à travers des centaines de séries, ne peut pas s'appréhender facilement. Il faut du temps avant de se sentir en terrain connu, donc l'on peut commencer par n'importe quoi en réalité. Il existe toutefois des sagas plus faciles d'accès que d'autres, non parce qu'elles vous dévoileront tous les secrets de l'univers DC mais parce qu'elles vont vous permettre de découvrir son potentiel sans que votre méconnaissance ne soit un frein.
La saga Identity Crisis fait partie de ses pépites, rares et d'autant plus précieuses.
Voyons déjà un peu le pitch.
Elastic Man est un héros. Mais c'est aussi le plus heureux des hommes depuis que Sue est devenue sa femme. Alors qu'elle a rencontré les plus grands, côtoyé Superman, Flash ou Batman, c'est lui qu'elle a choisi. Elle est sa "lady", toujours prête à lui concocter quelques surprises qu'il fait semblant de découvrir. Mais un soir, un drame survient.
Sue est assassinée alors que son détective de mari était loin de la maison familiale.
Tuer un Masque est une chose. S'en prendre aux familles en est une autre. Toutes les équipes se mettent en chasse pour trouver le responsable.
Lors de l'enquête, un terrible secret est découvert. Par le passé, certains membres de la JLA ont lobotomisé le Dr Light, un ennemi qui avait violé Sue et menaçait les proches des héros. Il se pourrait donc que le meurtre soit une vengeance.
Alors que l'étau se resserre autour de Light, d'autres secrets seront dévoilés, menaçant de faire exploser la JLA. Les attaques, elles, continuent. L'ex-femme d'Atom est agressée, Lois Lane menacée... cette fois, la JLA se bat pour protéger les siens !
Si ce récit est aussi bigrement conseillé, c'est avant tout parce que le scénario de Brad Meltzer est un modèle du genre. Cette histoire policière remarquablement bien ficelée, avec de jolies fausses pistes, est, comme le dit Joss Whedon dans son intro, particulièrement humaine. Elastic Man - pourtant pas le plus charismatique personnage DC - s'avère touchant. L'enterrement de Sue Dibny est déchirant. Le final, à la fois simple et tragique, encore plus. Bref, beaucoup d'émotion et une grande profondeur se dégagent de scènes parfois très dures. Surtout, l'on rentre avec une grande facilité dans l'intimité de ces encapés qui subissent des pertes ou s'inquiètent pour un père, une épouse ou un fils.
Si l'ambiance générale n'est pas forcément à la grosse déconne, l'auteur se permet quelques petites touches d'humour entre les crises de larmes. Et là encore, ça fonctionne plutôt bien. Notons également que les dialogues sont souvent très bons, à la fois fluides et justes (et d'un certain niveau littéraire, Green Arrow allant jusqu'à citer Diane de Beausacq).
Graphiquement, c'est du très beau (et très bon) avec un Ralph "Rags" Morales livrant des planches efficaces, dans un style plutôt réaliste. On peut éventuellement émettre une très légère réserve sur certains visages qui se ressemblent parfois un peu, mais bon on ne va pas chipoter. Certaines scènes sont tout bonnement magnifiques, l'enterrement de Sue, notamment, est particulièrement impressionnant. La colorisation d'Alex Sinclair est, quant à elle, une réussite également.
Enfin, la gestion des personnages est particulièrement habile, Meltzer parvenant à rendre attachants et psychologiquement crédibles des seconds couteaux peu connus du grand public (tout en se servant aussi, bien entendu, des têtes d'affiche). Aucune connaissance préalable n'est nécessaire pour pleinement apprécier ce whodunit super-héroïque, tendu et captivant, qui s'offre même le luxe de poser un problème moral qui dépasse le traditionnel "faut-il ou non buter les criminels ?".
Bref, un sans-faute au niveau de l'écriture et du dessin.
L'album a tout d'abord été (mal) publié par Panini, puis réédité chez Urban Comics, avec cette fois un soin évident, des bonus intéressants et en prime l'arc Mascarade, de Gerry Conway et Dick Dillin (bien plus vieillot narrativement mais proche au niveau de la thématique).
L'album est toujours disponible, dans la collection DC Classiques, au prix de 28 euros (pour 344 pages).
Une excellente histoire, profondément humaine et permettant de rentrer dans l'univers DC avec une étonnante facilité.
Très vivement conseillé.
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