Suite de notre tour d'horizon des meilleurs comics (cf. notre dossier Best Of) avec WE3, une œuvre tragique mettant en scène d'adorables bestioles.
Bandit, Tinker et Pirate auraient pu continuer à couler des jours paisibles au sein des familles qui les aimaient, malheureusement, ils ont été enlevés. Aujourd'hui, ils ne sont plus que des numéros.
1, 2 et 3 sont des prototypes destinés à atteindre l'objectif du "zéro mort" sur les champs de bataille humains. Implants, exosquelettes et améliorations en tout genre ont fait d'eux un véritable arsenal sur pattes. Ils ont même acquis un langage basique, une intelligence presque... humaine.
Quand les tests se terminent et que la deuxième phase s'engage, 1, 2 et 3 deviennent obsolètes. Sacrifiables.
L'une des scientifiques responsables du projet, prise de remords, les laisse s'enfuir. C'est alors toute l'armée US qui se lance à leur poursuite. Aidée, bien sûr, par quelques molosses de guerre. 1, 2 et 3 vont devoir se battre. Encore. Pour leur survie mais aussi pour retrouver le chemin de ce qu'ils appellent, parfois, "maison".
Voici une histoire qui risque fort de vous marquer durablement. L'excellent scénario a été écrit par un Grant Morrison dont on connaissait déjà le talent mais qui parvient, ici, à nous toucher peut-être plus encore que d'habitude grâce à de petits animaux, aussi dangereux qu'émouvants. Les dessins sont signés Frank Quitely, pas un inconnu non plus donc, qui nous offre un découpage incroyablement travaillé, des angles de vue originaux et stupéfiants d'efficacité, des traits frisant la perfection et, grenade à fragmentation sur le gâteau, quelques scènes qui peuvent aisément figurer parmi les plus spectaculaire jamais vues.
La planche ci-dessous montre, par exemple, un type en train de se faire... "évaporer" par un tir nourri. Les projectiles semblent surgir de la page pour boucher notre champ de vision et ce n'est qu'après un moment que l'on commence à distinguer du sang, des membres, derrière ce pudique brouillard de balles. Sensations garanties.
Le fait de choisir, comme personnages principaux, un chat, un chien et un lapin peut sembler quelque peu enfantin. C'est du moins ce que l'on peut se dire au départ, surtout en voyant les animaux arborer des armures très "manga", aux douces couleurs pastel. C'est pourtant une habile trouvaille qui fonctionne très bien. Non seulement l'opposition entre l'innocence des bêtes et le rôle qu'on leur destine n'en est que plus évidente mais, surtout, le lecteur - à moins d'avoir un putain de cœur de pierre - est cueilli tout de suite.
Les animaux ne sont pas choisis au hasard d'ailleurs : ce sont probablement les espèces les plus proches de l'homme, les plus attachantes, mais aussi les plus fragiles et tributaires de nos actions.
Le danger évident serait de verser dans l'anthropomorphisme et, en cherchant la corde sensible, de nous prendre pour de gentilles nouilles trop émotives. Pourtant, le risque est évité et c'est presque l'inverse qui est mis en scène, car à travers la perte de leur "animalité", c'est bien de la perte de l'humanité - ou de ce qu'elle devrait être - qu'il est question.
Bien des dérives sont possibles sur l'interprétation du sens de cette série. Il n'est pas question d'en faire un pamphlet anti-militariste (l'homme est ainsi fait qu'il a besoin d'avoir des flingues pour calmer les ardeurs de ses voisins) ni d'en profiter pour sacraliser l'animal au-delà du bon sens (certaines expérimentations doivent être tentées si elles peuvent sauver des vies). Par contre, si l'on quitte les fanatismes idéologiques de tout bord, l'on peut se laisser aller à méditer sur la place de l'animal dans la société (même celui qu'on bouffe, un poulet, c'est moins mignon qu'un chaton, mais ce n'est pas une raison pour l'élever en batterie) ou sur celle de l'homme, qui corrompt tout et se donne bonne conscience pendant cinq minutes en signant une pétition contre la corrida (sans même connaître les tenants et aboutissants de cette pratique) puis sans va joyeusement reprendre son rôle de connard absolu au volant de sa Renault en roulant, sans le faire exprès évidemment - les imbéciles ne font jamais rien exprès - sur la première bestiole qui traverse une rue un peu trop droite et trop longue. Les petites habitudes à la con tuent bien plus que les "grandes causes". Mais qui se préoccupe vraiment des petites habitudes à la con ?
Ce comic Vertigo, d'une centaine de pages, a été publié par Panini en 2006, puis réédité par Urban Comics en 2012 dans une version Deluxe, agrémentée de bonus. Ce dernier ouvrage est toujours disponible au prix de 15,50 euros.
Une belle BD, bénéficiant de magnifiques dessins et d'un propos suffisamment rare et profond pour vous remuer le bide, voire les méninges.
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