La X Card : quand le politiquement correct envahit les JdR



La X Card, ou « Carte X », n’a pas de rapport avec un vieux chauve pervers qui aime s’entourer d’adolescents ni avec l’industrie pour adultes, hélas. Non, c’est un produit qui provient du microcosme du Jeu de Rôles appelé aussi JdR (prononcer « jidéhère ») pour les intimes.

Le jeuderolecékoa ? Eh bien ce jeu, pas toujours drôle d’ailleurs, est un jeu de société appartenant à la famille des jeux de simulation, mâtiné de contes interactifs et de théâtre d’improvisation. Un joueur au rôle particulier (et ingrat) avec un nom rigolo qui sent bon la soirée cuir et chaînes, le Maître de Jeu (ou MJ), tente de faire vivre des aventures imaginaires, improvisées ou scénarisées, à un groupe de joueurs dissipés, entre deux anecdotes personnelles, pendant que tout ce petit monde boit du Fanta et mange des Pépitos (©Monsieur le Chien) autour d’une table, que ce soit dans le confort d’un appartement ou dans un club spécialisé. Le premier jeu de rôle et le plus célèbre est Donjons & Dragons et a été créé aux États-Unis au début des années 70 par Gary Gygax et Dave Arneson. Globalement, c’est un univers feutré, bon enfant et inoffensif, rempli essentiellement de geeks mais... nécessitant par principe une rencontre humaine, on y retrouve donc toutes les névroses propre à notre espèce. Et c’est là qu’intervient cette « Carte X ».

Je vais dans un premier temps vous expliquer ce qu’est une X Card dans son sens commun et dans un deuxième temps, vous expliquer ce qu’il y a réellement derrière les apparences, selon mon point de vue. Ne me remerciez pas, ma bonté est légendaire.
La X Card, qu’est-ce donc, très cher, je n’en peux plus de cette attente ?! Eh bien... c’est un concept et un outil conçu pour les rôlistes et destiné à protéger les joueurs d’un dramatique traumatisme émotionnel. Pour citer la définition officielle : « C’est une carte sur laquelle figure un X et que les personnes qui participent à une simulation ou à un jeu de rôles peuvent utiliser pour "couper" tout ce qui crée un malaise sans qu’ils aient besoin de donner des explications. À la base, elle a été créée pour rendre les parties en compagnie d’inconnus plus drôles, plus inclusives et plus sûres. »
Notez bien l’utilisation des concepts « inclusif » et « sûreté », ils sont importants. Car la X Card est en fait la pointe immergée de l’iceberg, la énième manifestation d’une culture morbide qui aime le politically correct et tout ce qui permet de se valoriser socialement à peu de frais.

Concrètement, cela se passe comment ? Le Maître de Jeu (ou MJ) va décrire une scène à ses joueurs :  par exemple, ceux-ci sont en train de suivre discrètement un personnage légèrement louche, Borgof l’Énucléeur fou, quand celui-ci rentre dans une boucherie qui sert de paravent à une secte de cannibales. C’est alors qu’un joueur de religion végane, saisit d’horreur à l’idée de voir évoquer une de ces zones morbides où l’on vend de la viande de cadavres, se saisit de la X Card qu’il brandit. Ha ! Exit la boucherie ! Ou encore... imaginez la scène suivante : dans un univers-ville étrange et oppressant que ne renierait pas Guillermo del Toro, voilà qu’un groupe de personnages hétéroclites et paumés se trouve assaillit par une horde de rats-crânes déchaînant leurs éclairs électriques sur eux à la manière d’un Pikachu sous crystal meth. Alors que les personnages défendent leur peau et essaient d’éliminer la menace, l’un des joueurs sent une profonde émotion étreindre son petit cœur sensible ; hier, son hamster chéri Cokinou est mort, et la représentation mentale de ces rongeurs massacrés le plonge dans des abîmes de souffrances ; X Card ! Aux oubliettes les Rats-Crânes. Le MJ l’a un peu dans le cul parce qu’il est censé mettre fin tout de suite à la scène. À lui de se démerder pour pouvoir quand même continuer son aventure. Oui, MJ, c’est vraiment une fonction de merde.

Petit aparté : être Maître de Jeu, ça correspond à quoi en fait ? La plupart du temps, c’est le gusse qui achète les manuels de jeu, un achat onéreux car ceux-ci sont tirés à peu d’exemplaires. C’est encore le gusse qui va passer des heures à les lire et à les intégrer, puis qui va encore passer des heures à préparer le scénario d’une partie avant de passer des heures à la faire jouer tout en gérant les créatures humaines qui sont à la table, ce qui n’est pas une sinécure. C’est un véritable travail bénévole.   


Bref ! Il s’est passé  quoi, là, dans les exemples cités ?
On a un joueur formidablement autocentré, sans la moindre once de respect pour l’énorme travail que le MJ doit fournir pour que la partie se déroule correctement, qui vient imposer ses névroses à la table de jeu, c’est-à-dire à l’ensemble des participants.
Mais oh ?! Tu n’as pas d’empathie l’Ecclésiaste ou quoi ?! Comment oses-tu dire cela d’une personne qui souffre ?! Ton loisir préféré, c’est de noyer des chatons, c’est ça ?!
Tout le monde souffre, c’est liée à la condition humaine comme nous le rappelle le Bouddha. Mais tout le monde n’est pas obligé de faire chier les autres avec sa souffrance. Et par ailleurs, la vie m’a enseigné que ça n’est généralement pas ceux qui se plaignent le plus qui ont les vies les plus dures.

L’utilisation d’une X Card est un marqueur d’égoïsme remarquable. Déjà, c’est une manière d’imposer sa volonté sans souffrir la contradiction puisqu’il n’y a même pas besoin de se justifier. Ensuite, cela rajoute du poids sur les épaules du MJ qui sont déjà bien chargées. Chaque fois qu’il va introduire une scène, il va se demander si elle va passer ou si elle va être censurée et cela va logiquement conduire à un phénomène bien connu du politiquement correct et des sociétés crypto totalitaires qui vont avec : celui de l’auto-censure et de la pasteurisation des saveurs. Enfin, on est en présence de personnes qui considèrent qu’un jeu de société prenant comme base l’imaginaire, se déroulant autour d’une table et n’offrant pas d’autres risques que des crampes survenues en cherchant son dé ayant fourbement roulé sous un meuble, ou une augmentation de la couche de gras à force de manger des gâteaux, peut être source de souffrances insupportables pour eux ! 

– Tu vois un Orc qui… mais, qu’est-ce que tu fais ?!
– Ben je le bute. Il était en train de harceler émotionnellement 
   le personnage genré, de petite taille et racisé, là.
Les jeunes gens qui n’ont pas le luxe de pouvoir échapper au sordide et à la rudesse de la vie du fait de l’argent de leurs parents parleraient de « fragiles » (ou de « snowflakes » pour les anglophones). C’est un propos féroce et sans nuances que je trouve malgré tout assez pertinent. Quand on est dans ces situations-là, on a une perception prosaïque des écosystèmes et de leur faune.
Alors, que faire face à un adulte se disant traumatisé au point de ne pouvoir supporter l’évocation d’une situation imaginaire dans un cadre ludique et qui demande à être traité comme un petit enfant ? Il me semble pour ma part que les personnes qui en sont à ce point-là de fragilité psychologique feraient mieux de se trouver d’autres loisirs. Je ne recommanderai pas le tricot parce que l’on peut s’empaler avec les aiguilles, sans compter la septicémie, mais peut être que de rester chez eux, couchés dans leur lit, soigneusement enroulé dans une couette moelleuse tel un sushi, pourrait être une alternative intéressante pour eux ?

Il me semble également que plutôt que de pratiquer le JdR dans la crainte permanente d’une horreur indicible pouvant survenir à tout moment et en assimilant ce loisir bon enfant aux risques d’une balade bucolique dans le « Bronx », une des banlieues les plus charmantes de Bogota en Colombie, mieux vaudrait suivre une thérapie auprès de professionnels compétents. On peut d’ailleurs pratiquer dans ce cadre-là le jeu de rôle thérapeutique qui relève d’un tout autre domaine. 
Ou alors, peut être... Chapi Chapo RPG ? Et encore, sans doute se plaindraient-ils que l’on est en présence d’un produit scandaleusement « genré » car la fille porte un chapeau rose et le garçon un chapeau bleu...
Au fond, constamment esquiver ce qui pose problème et ce qui effraie est humain, mais c’est aussi un marqueur infantile qui réduit drastiquement les chances de pouvoir résoudre ces difficultés. On lutte ou on meurt, c’est une règle vitale (même si en fait, à la fin, tout le monde meurt. Oui, la vie est une garce pas très gentille). Voilà pour la X Card à proprement parler, ceux qui voulaient juste savoir de quoi il est question peuvent s’arrêter là. Pour les autres...

Mais la X Card, cela vient d’où Père Castor ? À part d’un endroit où le soleil n’est pas censé briller ? Eh bien cette petite carte polémique est un concept issu des « safe words », ces mots-codes chers à ceux qui aiment pimenter leur vie sexuelle avec des pinces à linge sur les tétons et autres joyeusetés sado-masochistes bourgeoises tout en s’assurant de pouvoir arrêter la pseudo-torture à tout moment. Mais c’est également une émanation des « safe spaces » (ou « espaces positifs » dans la langue de Booba) nés dans les années 60 aux États-Unis et qui reviennent hélas sournoisement à la mode.
Le « safe space » est censé proposer un environnement sécurisé, discriminant mais inclusif, un mélange savoureux, où chaque convive sélectionné peut s’exprimer sereinement sans crainte d’être critiqué ou de voir la validité de ses propos être remis en cause ; derrière le joli discours de circonstance, comprendre par là essentiellement des concentrations de gens pouvant exprimer en toute quiétude leur haine du mâle caucasien blanc hétérosexuel cisgenre masculiniste et carniste sans se voir apporter la contradiction. C’est que ces gens-là n’aiment pas la contradiction et la divergence d’opinion, cela les plonge dans un profond désarroi mental et ils en souffrent beaucoup. Car la souffrance vient vite chez ces personnes au derme particulièrement mince.

Papier bitte ! Vous entrez dans une zone de sécurité
où la X Karte est obligatoire, ainsi le rollenspiel
ze déroule richtig, dans l'amour et la joie. 
À noter que le « safe space » s’est  très vite accompagné de « No Platform », c’est à dire mettre en œuvre un bon vieux Lebensraum des familles à partir du « safe space » afin de pouvoir interdire l’accès de zones entières, comme un campus par exemple, à des personnes véhiculant une pensée jugée criminelle, donc non conforme au dogme normatif. Il faut bien réaliser qu’au-delà de l’intolérance, de la discrimination et du rejet de la pensée critique et divergente qui caractérisent ces politiques, ce sont aussi de formidables vecteurs d’infantilisation. Le « safe space » de l’université de Brown, aux États-Unis, proposait par exemple des livres de coloriage, de la pâte à modeler, des oreillers, des couvertures et une vidéo de chiots (comme nous l'apprend la page Wiki sur le sujet). L’infantilisation, un autre mot important.

J’ai en apparence quelque peu digressé sur les « safe spaces » alors que le thème de l’article est la X Card. En apparence, parce que j’avais bien sûr une idée derrière la tête, infâme sournois que je suis. La X Card est fondamentalement une émanation de la société pseudo progressiste qui s’est installée depuis l’avènement du politiquement correct dans les années 80-90, infâme chose venant elle aussi des États-Unis, et qui triomphe de plus en plus dans la société contemporaine. La X Card n’est pas survenue comme ça, de manière spontanée et du jour au lendemain. Il faut bien réaliser que c’est le miasme d’une idéologie qui a impacté considérablement bon nombre de sociétés occidentales et qui est arrivée jusque dans le micro-univers pourtant feutré et inoffensif du JdR, démontrant ainsi la remarquable capacité de pénétration sociale de ce dogme. Car la X Card est aussi un outil politique derrière le paravent de bons sentiments sirupeux typique de ce genre de manipulations sociales sournoises.

Quand j’ai entendu parler de X Card, en plus de trouver le concept risible et après avoir terminé de soupirer, je me suis dis que ça n’était pas quelque chose destiné à rester dans le cercle intime. Ce genre de produit conceptuel se destine par essence à croître comme un cancer et ses métastases osseuses. Personnellement, je considère que charbonnier est maître chez lui. Dans l’intimité d’un appartement, chacun joue comme il veut et fait ce qu’il veut en accord avec ses camarades. Je connais même une table de JdR dont la partie a terminée en orgie sexuelle entre les joueurs, l’intéressé se reconnaîtra, le coquinou. Et à vrai dire, j’en ai rien à foutre de ce qui se passe chez autrui, ça ne me regarde pas. Donc une X-Card, pourquoi pas après tout ?! Il n’y a pas une seule manière de jouer aux JdR mais une multitude. En revanche, quand la chose s’impose en club ou en convention, là, ça ne me va plus du tout. Du tout, du tout ! Parce que je connais bien la stratégie de la clique « progressiste », les politiques manipulatoires et les campagnes de lobbying qu’ils mettent en place pour imposer leur dogme au reste du monde.    

Mais voyons un peu les origines du produit. La X Card a été formellement déposée sous licence Creatives Commons par un certain John Stavropoulos, qui vit aux États-Unis. Ce monsieur, dessinateur, game designer, végan et activiste au CV fourni, a été entre autre Product Manager dans plusieurs boites, notamment la Nike Foundation, une version moderne et industrielle des dames patronnesses d’antan au service de l’entreprise Nike, qui tente ainsi probablement de rattraper l’image désastreuse dont elle a hérité après que l’on eût révélé dans quelle condition elle faisait produire ses chaussures, notamment avec le travail des enfants. Donc la Nike Foundation se targue d’aider des jeunes gens des pays misérables à devenir autonomes. Surtout les jeunes filles en fait. Les jeunes hommes eux, pas trop, mais c’est un détail. Tout le monde sait que leur vie est une route remplie de pétales de roses et de bois de santal ; ils n’ont pas besoin d’aide. À côté de cela, John Stavropoulos est rôliste, MJ et organisateur de conventions de JdR.

Il se trouve que la X Card n’est pas l’alpha et l’oméga de ses efforts pour sécuriser l’univers du Jeu de Rôles, cette jungle sauvage et cruelle où nos légionnaires viennent s’entraîner avant de partir en OPEX. Il est en effet aussi le créateur d’un guide intitulé « How to Run Safer, Accessible, and Inclusive Game Conventions ». J’ai la flegme de traduire, démerdez vous ! En plus de l’utilisation de sa X Card lors des conventions, il préconise de mettre en place des… « safe spaces » (HA !), de faire la chasse aux propos jugés sexistes et racistes mais aussi au harcèlement - visiblement sous le prisme biaisé des normes propres aux Social Justice Warriors (ou SJW pour ceux qui ont déjà beaucoup à écrire), ces parangons du vrai, du beau et du bien – mais également pousse à décourager les joueurs ne partageant pas ces convictions de venir aux conventions (un classique chez les SJW qui aiment à n’avoir autour d’eux que des gens pensant comme eux, cela doit sans doute les sécuriser et leur éviter d’horribles remises en causes existentielles). Il explique également trankilou que si une personne met mal à l’aise les autres, il faut utiliser n’importe quel prétexte pour la dégager, notamment lorsqu’il est question de « harcèlement émotionnel », un terme tellement fourre-tout qu’il en devient grotesque, et termine par une ritournelle sur la diversité qui doit être une source d’obsession à tous les niveaux, y compris celui des personnages à jouer qui ne doivent pas être trop blancs, parce que berk quoi ! Bref, le monsieur remplit le cahier des charges à la sauce SJW norme ISO, rien que du très ordinaire dans cet univers aseptisé au fondement parfumé…

Bonjour, je suis le modèle dominant ! Tu le sens que ça
va chier pour ta gueule ?
Donc, nous avons ce produit made in USA. Pourquoi s’en soucier ? Parce que les USA sont le modèle occidental dominant et que par conséquent, toutes les idéologies et les modes malsaines, idiotes, débiles, vulgaires et déliquescentes nées là bas finissent tôt ou tard par s’installer chez nous. Cela a été le cas du Politiquement Correct, du féminisme extrémiste et du Risque Zéro par exemple. Et c’est bien ce qui s’est passé. En creusant un peu la question pour rédiger cet article, j’ai réalisé que si bien sûr il y avait des partisans de ce produit parmi les rôlistes français, il y avait surtout déjà des tentatives de lobbying pour imposer des chartes en convention posant les principes de la X Card aux tables de jeu.
Ces gens-là ne sont pas très nombreux en France. Mais le JdR, c’est une micro-niche économique et un microcosme. Black Book Editions, l’éditeur français le plus actif, cumule sur sa page Facebook moins de 9500 personnes. Wizards of the Coast, l’éditeur américain de Dungeons & Dragons, atteint à peine 117 000 personnes. En comparaison, les 4,3 millions de personnes qui suivent la page Facebook de DC Comics font rêver. Et que dire des 31 millions de personnes qui suivent Marvel Studio ?!

Peu nombreux donc mais actifs, pugnaces, hargneux et pratiquant l’intimidation en meute. Ces gens qui se posent en personnes fragiles voulant bénéficier d’un statut protégé et qui ont le mot « inclusif » constamment à la bouche sont dans le même temps des usagers gourmands des politiques discriminatoires et ils sont capables de violences psychologiques décomplexées qu’ils ne reconnaissent bien sûr jamais comme telles. La violence, c’est toujours les autres, évidemment. Mais c’est compréhensible, ils sont issus de l’école de clavier-jutsu qui brandit les mots-codes féminisme, racisme et plein d’autres trucs en -isme à longueur de journée et à toutes les sauces, comme moyen de valorisation sociale, comme outil d’oppression dissimulé et sans risques ou comme business. Ils utilisent donc les outils éprouvés que sont la manipulation émotionnelle, la manipulation du langage, la manipulation des faits et l’occultation de ce qui dérange, l’indignation sélective, la survictimisation, la survalorisation morale personnelle, la discrimination, la diffamation, le harcèlement et parfois même les menaces physiques comme j’ai pu le constater à quelques reprises. Quand on gratte le vernis « progressiste » dont ils se sont entourés fort opportunément, ce que l’on trouve en dessous n’est guère reluisant. Et comme dans le cadre du JdR, ils évoluent dans un tout petit écosystème, leurs actions se retrouvent par la même occasion amplifiées.

J’exagère ? De l’hyperbole ? Comme tout un chacun, cela peut m’arriver. Dans ce cas précis, je ne le pense pas. J’aimerais rapporter une anecdote personnelle récente. J’ai connu personnellement quelques professionnels du monde de l’édition du JdR, connaissances qui se sont délitées avec le passage des années et les vicissitudes de la vie. Il y a quelque temps, j’ai été amené à papoter avec un jeune créateur de JdR qui terminait son jeu et qui aurait bien aimé profiter de mon réseau. Je lui ai donné ce qui me restait, c’est à dire vraiment pas grand-chose. Mais ce qui est intéressant dans l’anecdote, c’est que ce jeune créateur paniquait à l’idée de la manière dont son jeu allait être maltraité sur Internet par les « influenceurs » du monde du JdR, car sa création ne s’embarrassait pas des fameux codes progressistes. Ayant passé un demi siècle sans avoir besoin qu’un gosse se filmant dans sa chambre me dicte mes états d’âme, j’avoue avoir souri à ses inquiétudes récurrentes. Et puis en rédigeant cet article, j’ai été amené à me réactualiser.

Je suis un fossile du JdR, les jeux que je maîtrise sont liés aux jeux auxquels je jouais pendant mon adolescence en bon réactionnaire que je suis, et la seule célébrité de ce monde que je reconnais, c’est Gary Gygax, les autres, je peine à seulement retenir leur nom ! Pourtant, ses inquiétudes n’étaient pas infondées ; il y a bien désormais une branche « Jeux de Rôle » chez la Social Justice Warriors Inc. et cela bataille sec sur les réseaux sociaux. Ainsi, une des plus grosses pages Facebook consacrée aux JdR, « Discussion de Rôlistes » (6200 membres) se retrouve régulièrement transformée en champs de bataille entre paladins du dogme progressiste et infâmes réactionnaires sans doute néo-nazis et mangeurs de bébés (©L’Odieux Connard). J’éprouve de la compassion pour le modérateur de cette page, d’autant plus qu’il essaie de rester neutre dans le conflit, ce que les sectateurs du dogme progressiste ne lui pardonnent pas, au vu des messages que j’ai pu voir passer. Pour ces extrémistes, ne pas embrasser leur cause, c’est forcément être maléfique !

Pour revenir à la X Card, en France, un des fers de lance de son installation chez nous semble être une romancière et une créatrice de JdR, une certaine Axelle Bouet, qui se présente comme militante féministe et humaniste (sur ce dernier point, ça ne mange pas de pain et ça fait toujours bien sur un CV). Ne connaissant ni le personnage ni son jeu, « Les Chants de Loss », je suis allé découvrir tout ça sur son blog.
Pour le JdR, pas mal du tout, j’ai même été impressionné par le travail accompli et j’ai souri en retrouvant dans son jeu des éléments que j’avais moi-même intégré dans l’ébauche du mien (qui n’a jamais dépassé le stade du projet). Respect pour le taf !
Les « humanistes » faut toujours s'en méfier. Surtout ceux qui t'expliquent
que ça leur donne le droit de chier sur tes passions ou devant chez toi.
Pour le reste… au sujet de la X Card, cette personne écrit (je cite deux passages) : « Si vous ne comprenez pas que pour comprendre les limites de l’autre, il faut quitter ses chaussures et marcher dans celles de l’autre, vous êtes égoïstes. Vous ne le faites sûrement pas exprès, mais vous êtes à cet instant un gros con » mais aussi «  Et quant à celui des joueurs ou du MJ qui me dit qu’il en a rien à fiche et que cela ne sert à rien : mec, t’es juste égoïste et con… il serait temps que tu marches dans les chaussures des autres, un peu … ». Axel Bouet nous donne donc une leçon d’humanité en employant le bon vieux principe « si vous ne pensez pas comme moi c’est que vous êtes du popo ».
Pierre PERRET chantait : «... Qu'on soit con ou pas con, on est toujours le con de quelqu'un... » Quant à l’égoïsme, le dénoncer c’est bien, le dénoncer de manière non sélective, c’est mieux. Quid de l’égoïsme du joueur qui se torche avec les intérêts de la table de jeu au profit de son intérêt à lui ? C’est pas un égoïste de première lui, hum ?! Et pour ce qui est de l’empathie, je l’ai souvent vue prétendue, je l’ai rarement vue être appliquée réellement autrement que de manière très sélective, au mieux. Les gens la racontent, se la racontent et nous la racontent. Ainsi va l’humain...

Je joue aux JdR depuis 35 ans. J’ai joué à domicile, en club ou en convention avec tout un tas de gens, de toutes les catégories sociales, de l’étudiant au cadre sup, en passant par le branleur de taureaux. J’ai rencontré des gens venant de tous les horizons et de tout âge. J’ai joué avec des enfants et des adultes. Parmi les adultes, j’ai vu défiler des hommes, des femmes, des hétéros, des homos, des handicapés, des gens qui avaient le cancer, des gens qui avaient été violés dans leur jeunesse, des gens qui avaient été torturés physiquement par leurs parents, des gens qui avaient été SDF, des gens que l’on avait manqué de tuer, des gens qui avaient tués… tous ces gens souffraient, il s’agissait d’êtres humains après tout. Pourtant, aucune de ces personnes n’a exigé que je change une scène de la partie pour son confort personnel. Ces gens affrontaient leur souffrance morale comme des adultes et non comme des enfants craintifs et/ou capricieux. Et surtout, ils avaient la décence de choisir ne pas poser la charge de leurs problèmes sur les épaules d’autrui dans le cadre d’un loisir où les gens viennent se changer les idées pendant quelques heures et à peu de frais.

La X Card, ainsi que tous les autres produits conceptualisant la sécurité jusqu’au ridicule et porteurs de l’inclusif discriminant, sont les héritiers à la fois de la politique du « Risque zéro » générée par Ronald Reagan dans les années 80 quand il a lancé le projet IDS, mais aussi du politiquement correct apparu à peu près à la même période, et enfin des campagnes socio-politiques d'un certain féminisme moderne déviant.
La société contemporaine est devenue, entre autre, une société d’enfants vagissants voulant être rassurés à tout prix, quels que soient les artifices utilisés pour cela. On a transformé le citoyen en consommateur fébrile, angoissé et surtout, dévirilisé. Qui sait encore que jusque dans les années 60, les jeunes adolescents volontaires et âgés de 14-15 ans recevaient une formation au maniement des armes à feu et au close-combat par les militaires ? Et qu’il n’était alors pas inhabituel que des gamins de 10-12 ans aient à marcher une bonne heure en short, seuls, pour se rendre jusqu’à leur école, été comme hiver ?  Aujourd’hui, on en est arrivé à imposer des ballons en mousse dans les écoles primaires pour éviter tout risque lorsque les enfants jouent ! L’écart est… saisissant ! Et quand je parle de virilité, il faut la comprendre au sens large et non seulement comme attribut purement zboubesque. Ma grand-mère a traversé la frontière de la France occupée vers la zone libre en pleine nuit, avec un enfant de 3 ans sur le dos, un enfant de 4 ans accroché à la main gauche et une valise à la droite. Et quand les soldats allemands leur ont tiré dessus, elle n’a pas brandit une X Card pour faire cesser une agression émotionnellement insupportable, elle a continuée sous les balles. 
C’était une autre époque avec des gens d’une autre trempe ; déjà, ils avaient une colonne vertébrale.

Nous sommes en plein dans l’Ère de la Chochotterie et la X Card n’en est qu’une manifestation somme toute très ordinaire. Il y en aura d’autres, hélas...   

— Ah quand même ! Vous êtes en retard, on a déjà commencé. Vous avez vos X Cards ?
— Non. On est juste passés te dire que finalement, on allait jouer ailleurs.
— Ah bon ? Mais… c’est dommage. Pourquoi ?
— Alors, parce qu’on déteste tes potes végans qui se la pètent et veulent nous dire quoi bouffer alors qu’ils sont incapables de reconnaître une bestiole dans la nature, on n’aime pas non plus tes copines féministes qui font des descentes d’ovaires à chaque fois qu’on fait une blague, on n’a pas envie de prendre en compte la couleur d’un personnage imaginaire pour soi-disant lutter contre le racisme, et surtout, on se fait grave chier chez toi. On préfère aller picoler et jouer avec des gens pas fréquentables. Question de fun. Et de liberté. Pis franchement, cette idée de jouer déguisé, c’est de la merde.
— Heu… je… c’est… mais… c’est mon chat !
— Ah, oui, j’allais oublier. Il te supporte plus non plus. Tes déguisements de Pikachu, ça l’emmerde. Il vient vivre avec nous. Bon, ben à plus !



Traduction française du document de John Stavropoulos sur la X Card

Site de la Fédération Française de Jeux de Rôle

Site d'Axelle Bouet

Chapi Chapo RPG