Un petit roman doux, réconfortant et tendre, construit sur
des situations parfois dramatiques mais s'attachant à ne pas exagérer le côté
lénifiant, à ne pas mettre en avant le pathos, c'est ce que propose Les Délices de Tokyo.
S'inscrivant dans la veine de la littérature nippone contemporaine, Durian Sukegawa délivre un hymne à la vie et à l'amour entre les êtres d'une rare élégance et d'une sobriété de bon aloi. Comme celui de Je reviendrai avec la pluie, l'auteur s'attache à nous faire vivre les doutes, remords et incertitudes existentielles d'un garçon un peu paumé qu'une vieille dame étrange va remettre, sans qu'il s'en rende compte, sur le droit chemin.
S'inscrivant dans la veine de la littérature nippone contemporaine, Durian Sukegawa délivre un hymne à la vie et à l'amour entre les êtres d'une rare élégance et d'une sobriété de bon aloi. Comme celui de Je reviendrai avec la pluie, l'auteur s'attache à nous faire vivre les doutes, remords et incertitudes existentielles d'un garçon un peu paumé qu'une vieille dame étrange va remettre, sans qu'il s'en rende compte, sur le droit chemin.
Sentarô est le gérant d'une boutique tokyoïte vendant des dorayaki, petites pâtisseries légèrement sucrées composées de deux galettes façon pancake, fourrées d'une pâte de haricots rouges. Il ne le fait pas par vocation, le narrateur expliquant qu'il s'agit d'une dette envers le propriétaire qui l'a sorti d'une situation précaire. Sentarô vit seul et, lorsqu'il ne travaille pas à ses pâtisseries qu'il n'apprécie même pas, il s'adonne à la boisson avant d'aller dormir. Cette morne existence va être bousculée par l'apparition d'une vieille dame, au détour d'un cerisier en fleurs comme ceux qui égayent la ruelle où il officie, une dame qui, malgré son infirmité évidente (elle ne parvient pas à délier ses doigts), le prie de l'engager pour préparer le an, cette pâte délicate dont il ne parvient pas à maîtriser la cuisson. Elle est prête à accepter un salaire de misère pour peu qu'elle puisse travailler, même en cachette. Sentarô finit par accepter, surtout après avoir goûté à ce qu'elle est capable de faire. Il ne se doute pas que cette Tokue Yoshii va bouleverser son existence au point de remettre en cause les rares certitudes qu'il avait encore...
Entre
les dialogues, bardés d'hésitations et ponctués de silences encombrants, et les
lettres que s'écrivent les deux protagonistes de l'histoire, qui enfin
s'épanchent sur leur vie passée, leurs erreurs et leurs angoisses, le récit
progresse par petites touches doucereuses desquelles semblent bannies l'horreur,
la misère, la grossièreté et la violence, comme si l'écrivain préférait jeter un voile discret sur les affres qu'ont pu vivre Sentarô et Tokue, sur ce qui a fait d'eux les êtres qu'ils sont à présent.
Ce qui compte pour Sukegawa, c'est visiblement de dire combien son passé sordide a été utile à madame Yoshii, comment il a fait d'elle cette petite bonne femme attentionnée et méticuleuse, attentive au moindre souffle de la brise, à l'arôme délicat des pétales de fleurs de cerisier ou à la texture soyeuse de la surface de chacun des grains de haricots qu'elle met à cuire dans sa préparation stupéfiante.
La gentille vieille aux doigts crochus qui écoute les ingrédients qu'elle cuisine comme l'ex-taulard qui tient une échoppe de petits gâteaux afin de rembourser une dette sont finalement à l'image de la société japonaise : ils souffrent dignement, en silence, et ne s'épanchent pas sur ce qui les empêche de rayonner. Seuls dans la vie, ils s'y éveillent sur le tard, par la force des choses. Si l'une cherche à en profiter et s'émeut du moindre éclat cristallin du rire des collégiennes qui fréquentent l'établissement, faisant écho à celle qu'elle n'est plus, l'autre ne parvient pas à trouver l'illumination qui lui permettrait de sortir du carcan dans lequel il s'est enfermé tout seul. Insidieusement, une relation maternelle va s'installer entre ces deux-là que la vie a maltraités, et presque oubliés. Car Sentarô, qui a oublié son père en oubliant de se faire pardonner, en a presque oublié de vivre, tandis que Mme Yoshii, au crépuscule de son existence, ne cherche qu'un sens à lui donner et profite de chaque instant passé dans le monde, à pouvoir enfin en faire partie intégrante. L'irruption d'une collégienne aux questions insistantes finira par boucler la boucle, jetant la passerelle manquante entre les générations et réparant les erreurs de l'Histoire.
Ce qui compte pour Sukegawa, c'est visiblement de dire combien son passé sordide a été utile à madame Yoshii, comment il a fait d'elle cette petite bonne femme attentionnée et méticuleuse, attentive au moindre souffle de la brise, à l'arôme délicat des pétales de fleurs de cerisier ou à la texture soyeuse de la surface de chacun des grains de haricots qu'elle met à cuire dans sa préparation stupéfiante.
La gentille vieille aux doigts crochus qui écoute les ingrédients qu'elle cuisine comme l'ex-taulard qui tient une échoppe de petits gâteaux afin de rembourser une dette sont finalement à l'image de la société japonaise : ils souffrent dignement, en silence, et ne s'épanchent pas sur ce qui les empêche de rayonner. Seuls dans la vie, ils s'y éveillent sur le tard, par la force des choses. Si l'une cherche à en profiter et s'émeut du moindre éclat cristallin du rire des collégiennes qui fréquentent l'établissement, faisant écho à celle qu'elle n'est plus, l'autre ne parvient pas à trouver l'illumination qui lui permettrait de sortir du carcan dans lequel il s'est enfermé tout seul. Insidieusement, une relation maternelle va s'installer entre ces deux-là que la vie a maltraités, et presque oubliés. Car Sentarô, qui a oublié son père en oubliant de se faire pardonner, en a presque oublié de vivre, tandis que Mme Yoshii, au crépuscule de son existence, ne cherche qu'un sens à lui donner et profite de chaque instant passé dans le monde, à pouvoir enfin en faire partie intégrante. L'irruption d'une collégienne aux questions insistantes finira par boucler la boucle, jetant la passerelle manquante entre les générations et réparant les erreurs de l'Histoire.
Un hymne à la
sérénité et aux liens qui unissent les êtres et les choses, à ce tissu qui
compose l'univers et dont on n'aperçoit que fugacement la trame que propose ce roman qui a été somptueusement adapté à l'écran par Naomi Kawase.
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