Snotgirl, la nouvelle création de l'auteur de Scott Pilgrim



Dans le premier tome de Snotgirl, intitulé Les cheveux verts n'en ont rien à faire, on découvre le quotidien d'une jeune blogueuse mode, star des réseaux sociaux. Mais derrière son bonheur apparent virtuel se cache une personne souffrante. Un récit dans l'ère du temps (forcément), écrit par Bryan Lee O'Malley, créateur de Scott Pilgrim.
Critique de cette nouvelle bande dessinée publiée chez Glénat Comics et en vente depuis le 13 mars dernier.

Lottie Person est respectée sur la Toile : son site compte énormément de vues chaque mois et une armée de groupies l’idolâtrent grâce à ses conseils beauté, photos de mode, produits sponsorisés, etc. Virtuellement, tout va bien, réellement c'est une autre histoire : Lottie a toujours le nez qui coule (donc de la morve, snot en anglais, d'où le titre), son petit ami l'a quittée après cinq ans de relation et est désormais en couple avec une ancienne stagiaire de Lottie ! Pire : la blogueuse tue accidentellement une rivale lors d'une fête, mais personne n'enquête sur cette disparition. Bizarre.

Scotchée à Snapchat, Instagram et autres réseaux sociaux populaires, entre deux gorgées de café non latte et les invitations à des soirées entre blogueuses… le quotidien de Lottie (tour à tour agaçante et touchante) ressemble quand même à quelques clichés du genre. Heureusement, une scène ou un dialogue toujours improbable ou totalement décalé (une habitude chez O'Malley) permet de respirer un peu entre toutes les informations qui défilent de cases en cases. Il faut dire qu'entre le jargon "digital", les abréviations en anglais, l'argot "jeune", le langage SMS à décrypter, etc., il y a parfois foule de texte et l'ensemble part un peu trop dans tous les sens sans se focaliser sur le plus intéressant. On peine aussi à décrypter la part de l'imaginaire et du réel — un effet volontaire plus ou moins frustrant et paradoxalement palpitant, qui devrait trouver, on l'espère, un sens dans les prochains tomes.

L'ensemble se découvre sans déplaisir mais ne plaira pas à tous les lecteurs, clairement. Ceux qui demeurent étrangers à ce monde féminin et numérique ne seront sans doute pas réceptifs. Ce premier tome fonctionne davantage grâce à son style graphique léché et très coloré, sans aucun doute le point fort du livre. Si la thématique du bien-être et du bonheur virtuels illusoires, en opposition à la souffrance réelle semble alléchante, elle n'est, à ce stade, qu'effleurée et pas vraiment développée de façon trop sérieuse (ce qui semble être le parti pris des auteurs).


Bryan Lee O'Malley (40 ans cette année) est le cocréateur de Snotgirl, débutée en 2015. On lui doit la série culte Scott Pilgrim — dont l'éditeur Hi Comics ! vient de ressortir le premier volume dans une version luxueuse qu'on recommande fortement —  et d'autres travaux plus confidentiels en France. Leslie Hung (la cocréatrice de l'œuvre, cf. son instagram) est une dessinatrice visiblement nouvelle dans le milieu. On ignore un peu qui fait quoi niveau scénario, puisqu'ils sont tous deux crédités comme les créateurs de l'œuvre (et comme dessinateurs dans leurs biographies respectives en fin d'ouvrage). Mais on sait que Hung signe tous les dessins (O'Malley s'occupe de certaines couvertures "variant" et donc, très certainement, surtout des textes et dialogues). Les couleurs — un des atouts de l'œuvre — sont de Mickey Quinn et le lettrage de Maré Odomo, libraire, dessinateur et poète (!). Une équipe atypique pour un comic book qui l'est tout autant.

On l'a dit, l'écriture n'est (pour l'instant en tout cas) pas le point fort de Snotgirl, mais les dessins contrebalancent les faiblesses narratives. Leslie Hung croque son univers avec un élégant mélange entre influences manga revendiquées et, évidement, des traits plus spécifiques aux comics (voire même un côté cartoony). On déplore en revanche un trop grand nombre d'arrière-plans vides, enfin uniquement colorés.

En conclusion, le lectorat qui devrait apprécier Snotgirl est peut-être davantage celui qui est familier de l'univers digital des influenceuses "girly" plutôt que le fan de Scott Pilgrim. Ce premier tome est imparfait, parfois confus, mais suffisamment prenant pour vouloir connaître la suite si on s'est attaché au personnage principal.


Côté éditorial, Glénat Comics propose — comme pour la plupart de ses autres parutions — un objet soigné et contenant plusieurs pages de bonus : croquis préparatoires de Leslie Hung, en crayonnés, noir et blanc ou colorisés, l'ensemble des couvertures originales des cinq chapitres ainsi que les variant covers. De courtes biographies de l'équipe artistique viennent conclure ce livre, qui coûte 16,95€.
Le 13ème chapitre vient tout juste d'être publié aux États-Unis, on ignore le total prévu (trois tomes au minimum pour l'instant).


+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Plus original qu'il n'y paraît.
  • Le style graphique léger et agréable.
  • Extrêmement coloré (un vrai "univers visuel" se dégage).
  • Un humour particulier qui fait mouche.
  • Une résonance moderne intéressante…

  • … mais qui cible un lectorat spécifique.
  • Beaucoup trop de clichés "girly" maladroits.
  • Une thématique "sérieuse" insuffisamment poussée.
  • Parfois trop d'informations textuelles peu pertinentes.