Hulk : Point Zéro



Un arc singulier, magnifiquement orchestré par un Peter David en grande forme qui a su mieux que tout autre explorer la psyché torturée et multiple de Bruce Banner et ses alter-egos. Six épisodes, illustrés par le controversé Todd McFarlane et tirés de la série originale, qui ont été publiés en 1992 sous forme d'album par Semic.

Retour à la case départ donc avec un Hulk gris comme à ses origines (les tout premiers épisodes de 1962 scénarisés par Stan Lee), un Hulk à la personnalité adolescente, libéré de tout complexe, capable de dialoguer voire d'argumenter (et remportant un combat quasiment perdu d'avance uniquement par une puissance dialectique insoupçonnée) : une autre facette du Béhémoth qui se réveille la nuit, laissant un Bruce Banner désabusé errer pendant le jour, appuyé par deux amis fidèles dans sa quête des stocks de bombes gamma que l'armée américaine dissimule au public.

Si David a su merveilleusement bien développer les seconds rôles autour de Hulk, ce dernier demeure le point central, l'axe autour duquel tournent les intrigues. Il y a d'abord cette mission à laquelle un déserteur du S.H.I.E.L.D., Clay Quatermain, a accepté de collaborer, convaincu de l'urgence de la situation et de la vanité de son travail ; à ses côtés, l'inusable Rick Jones, celui par qui tout arriva (c'est lui que Bruce Banner sauva in extremis lors de l'explosion de la bombe qui le transforma naguère en Hulk), ex-partenaire de Captain America et de Captain Marvel, rock star putative commençant enfin à prendre de l'ampleur. Parcourant le pays en van, ils guettent le moindre indice pouvant les mener à la base secrète qu'ils veulent exposer aux yeux de tous, voire carrément faire sauter.


Mais c'est sans compter ceux qui manœuvrent dans l'ombre, dont le Leader, manipulateur hors pair, stratège fourbe et ennemi viscéral du Titan vert-devenu-gris. Disposant d'une technologie de pointe et ayant accès aux dossiers les plus confidentiels de l'armée (plusieurs officiers sont à sa botte), il pourrait fort bien se débarrasser de nos trois héros d'un revers de main. Cependant il poursuit un but précis nécessitant que Hulk se retrouvât à un endroit déterminé à un temps T, après toute une chaîne d'événements qui conduiront à l'accomplissement de sa vengeance et à l'avènement de son plan de conquête. Disposant habilement ses pions tout au long du parcours de Hulk, il le ralentira au besoin en lui envoyant quelques adversaires plus ou moins efficaces tout en prenant soin de préparer longtemps à l'avance quelques artifices tactiques, autant d'appâts devant mener Banner là où il le voudra.

Ce qui n'empêchera pas notre mastodonte préféré d'avoir à chaque épisode de quoi faire parler ses muscles, parfois sur un coup du sort : il croise la route des X-Men volant vers leur destinée - c'est l'époque où ils sont amenés à disparaître à Dallas - et ne se privera pas de l'opportunité de damer une nouvelle fois le pion de Wolverine, qu'il avait croisé longtemps auparavant, alors qu'ils étaient tous deux sur le territoire du Wendigo. Sauf qu'ici, les rôles s'inversent : Logan refuse le combat et c'est Hulk qui vient le harceler. Dans un épisode suivant, Hulk fait face à une créature grotesque qui s'en prend au bétail des fermiers du coin, un être surpuissant qui ne demande qu'un peu de tranquillité et/ou de compréhension, ce qui a le don de l'agacer au plus haut point car il retrouve en lui toutes les caractéristiques de son double vert, celui qui préférait s'isoler du monde plutôt que de l'affronter.
C'est alors que, surgissant du passé, et parfaitement mis en scène par le Leader, un quatrième membre vient se joindre à l'équipe, un membre que Banner ne peut tout simplement pas refuser... et qui précipitera son destin.

Cet album ne dispose d'aucun supplément en dehors de quelques couvertures originales et d'un résumé de quatrième de couverture heureusement assez complet pour les profanes. Il reprend les épisodes 340 à 346 de la série originale et s'achève sur une vision d'apocalypse, une fin spectaculaire qui en annonce d'autres qui seront quasiment calquées sur elle (l'épisode 440, lui aussi écrit par Peter David, se terminera quasiment de la même façon). Les graphismes de McFarlane sont évidemment particuliers, ils ont fait en leur temps couler beaucoup d'encre à l'époque où il s'était emparé des aventures de Spider-Man. Si les visages ont un côté naïf ou grimaçant assez perturbant, il faut reconnaître que l'artiste sait plutôt bien retranscrire la puissance des combats dans lesquels Hulk est engagé et son découpage dynamique confère une grande fluidité au récit ainsi qu'une brutalité assez inhabituelle : le sang, même vert, y gicle abondamment, les membres se brisent et la violence est omniprésente. On s'y fait, finalement, assez aisément.

Un album réussi, un moment crucial dans l'histoire de Hulk.



+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Un album fondé sur un arc complet, pouvant se lire sans trop de connaissances de l'univers de Hulk.
  • Un scénario parfaitement intelligible, retors à point, avec un méchant digne de ce nom dont la perversité n'a d'égale que son ingéniosité.
  • Un Hulk moins puissant qu'à l'époque "verte" mais toujours impressionnant, avec une personnalité différente, capable enfin d'exprimer des émotions.
  • Un côté aventurier assez sympathique avec la "bande à Banner" sillonnant les routes américaines en van.
  • Un arc sombre, au finale apocalyptique, à l'ambiance fortement pessimiste, marquant une évolution notable dans le parcours de Hulk.

  • Des dessins rendant les visages souvent risibles, figés dans des mimiques grossières.
  • Un album fragile sans aucun supplément éditorial et au lettrage grossier.