Rewind : Henri, Porte des Lilas

Retour de la rubrique Rewind se penchant sur un vieux tube. Après le Brigadier Sabari d'Alpha Blondy (cf. le premier article, ici), on aborde une zik radicalement différente.

En 1981 sort le tube Henri, Porte des Lilas de Philippe Timsit (rien à voir avec Patrick).
Le titre, joliment nostalgique de nos jours, est déjà à l’époque quelque peu douloureux et mélancolique, malgré une mélodie enlevée, notamment sur le refrain.
Il s’agit en effet d’une histoire un peu amère : un ancien musicos, parti faire son service militaire, se rend compte qu’entre-temps l’un de ses potes est devenu la star du rock en France. Il tente alors de reprendre contact avec lui et de lui quémander du taf.

Les paroles évoquent un moment crucial pour la musique ("avec nos guitares électriques, on a fait changer la musique") et plus spécifiquement l’époque des "yéyé". Un rock pourtant soft (mais perçu comme ô combien transgressif) prend alors le dessus sur les gentilles ballades. Les rockers sont encore en costard, mais on sent que la tenue les gratte.
La chanson parle aussi, mine de rien, de la difficulté de vivre de son art (plus précisément ici de la musique, forcément, Henri étant bassiste).

Mais, là où ça devient encore plus intéressant, c’est que Philippe Timsit évoque de vraies personnes dans sa chanson, même s’il est difficile de démêler le vrai du faux entre les différentes théories et rumeurs.
Le "Henri" de ce titre pourrait en effet être soit Aldo Martinez, ancien bassiste des Chaussettes Noires (qui s’adresserait alors à Eddy Mitchell), soit Henri Leproux, créateur du Golf-Drouot, le "temple du rock" (qui pourrait éventuellement s’adresser à Johnny Halliday). Il semblerait en réalité que l’hypothèse Aldo soit la bonne, notamment si l’on tient compte d’une interview que l’intéressé aurait donné à Jukebox Magazine et dans laquelle il expliquerait la création de la chanson et sa gêne devant un Timsit le faisant passer pour un paumé alors qu’il parvenait à vivre de son travail.

Enfin, amusante anecdote concernant les paroles, tous les sites, de YouTube à Bide et Musique, retranscrivent ainsi les paroles de l’un des couplets :
Y avait des filles plein les coulisses,
Tu voulais pas faire comme Elvis.
Ce qui n'a aucun sens... qu’est-ce qu’il est censé faire, Elvis, que l’autre évite ?
En fait, il s’agit d’une hallucination auditive, la véritable retranscription, qui elle a du sens, est :
Y avait des filles plein les coulisses,
Tu roulais par terre comme Elvis.

Oh, ben du coup, c’est compréhensible maintenant !