Le Dernier des Dieux 1/4


Il y a trente ans, un groupe de héros a voyagé au-delà des frontières de la création et a tué le dernier dieu vivant, sauvant le royaume de Caïn Anuun d'une armée apocalyptique. Les compagnons légendaires sont devenus les dirigeants de leur monde et ont inauguré une nouvelle ère de paix. Mais cela ne pouvait pas durer
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Urban inaugure son nouveau format (voir encadré "Urban wants you !") avec trois titres-phares dont Le Dernier des Dieux fait partie.

Dans un monde entre heroic fantasy et dark fantasy, s'étendent des territoires dont les débuts sont narrés dans des récits des origines souvent contradictoires (et dont cette édition a le bon goût d'intégrer des extraits aux albums).
Toutefois, s'il est bien un point commun à toutes ces histoires, c'est l'existence de cet escalier noir, situé dans l'orient lointain et menant au-delà de la création, dans le territoire du dieu du vide !

Trente ans avant le récit qui va nous intéresser, Cain Anuun était en proie au fléau mortifère de la Pestefleur, sorte d'immonde gangrène tuant les êtres et les maintenant dans une non-vie aberrante aux allures végétales.
À cette époque, un groupe de valeureux Traquedieux de tous horizons ont gravi les marches noires et ont mis à mort Mol Uhltep, le dieu du vide.
Victorieux, ils remodelèrent ensuite tout Cain Anuun à leur image, et le plus héroïque d'entre eux, Tyr, devint le roi de tout le territoire et de toutes les races.

Malheureusement, lorsque commence cet album, la Pestefleur fait son retour, remettant en cause la version des Traquedieux et les règles régissant tout le territoire depuis trois décennies.
Quelques anciens de la première expédition assistés de nouveaux combattants vont s'unir pour tenter d'en finir enfin, une fois pour toutes.

Le Dernier des Dieux nous racontera en parallèle ces deux quêtes menées à trente ans d'écart, nous offrant combats, héroïsme et description de ce monde torturé au travers de bribes de son histoire et de ses traditions.


L'auteur de cette série n'est autre que Phillip Kennedy Johnson, connu pour avoir collaboré avec les principaux éditeurs de comics américains (DC, Marvel, Boom! studios, IDW...).
Ici, ce soldat de carrière, trompettiste et enseignant, dévoile tous ses talents et ses passions, mêlant récit de guerre, chants et documents prétendument historiques pour nous offrir un univers crédible dans sa démesure et sa sauvagerie, car ancré dans un passé rendu tangible.
Le dessinateur, lui, n'est autre que Riccardo Federeci, que son diplôme d'art a dirigé tout naturellement vers l'architecture et la physiologie pour désormais l'amener à illustrer des planches anatomiques, des bandes dessinées, des campagnes publicitaires...
Peintre et sculpteur à ses heures, il a une connaissance de l'anatomie humaine qui n'est égalée que par son sens de la mise en scène. Chargées mais toujours lisibles, ses planches et ses cases sont sublimées par la mise en couleurs de Sunny Gho qui a le bon goût de ne pas trop saturer sa palette et de ne garder les teintes criardes parfois trop présentes dans les comics que pour les effets de magie ou de pyrotechnie.
Reste à souligner l'illustration de couverture à tomber par terre de Kai Carpenter et l'on aura fait le tour de la talentueuse équipe qui signe cet ouvrage.


Aaah, Le Dernier des Dieux ! Si vous aimez les muscles, la sueur, le sang, la crasse et la violence traités de façon esthétique... euh...ben vous êtes un peu tordu, permettez-moi de vous le dire ! Mais, surtout, vous aimerez ce comic... ou cette BD... Urban veut que vous y voyiez une BD alors je ne sais trop que dire ! Vous l'aimerez encore plus si vous aimez ce qui est beau parce que, crénom d'un pectoral de Cimmérien, c'est aussi beau qu'un lens flare sur le tranchant d'une lame au soleil couchant !
Si vous aimez l'heroic fantasy, c'est tout bon ! Mais si vous aimez la high fantasy, ça pourrait aussi vous parler parce que l'univers est bien construit et l'on trouve, entre les chapitres, des pages entières de légendes, des chants, des cartes, des récits héroïques ou des poèmes posant les bases de ce monde imaginaire et lui donnant corps au point que l'on peut aisément s'imprégner de ses cultures et de la magie qui l'habitent.
Si vous étiez insensible à la beauté graphique, au souffle épique, à la cohérence et à la poésie, vous pourriez encore vous raccrocher aux thématiques développées. 
On y traite de trahisons des idéaux, de corruption (réelle comme métaphorique), d'idéalisation, de sublimation, de racisme, de la place de l'homme, de la nature de la vie, de... Pardon ? Oui, j'en fais beaucoup mais c'est vraiment très bien alors je me sens obligé d'insister un peu pour ne pas que vous puissiez me reprocher d'être passé à côté alors que... d'accord, j'ai compris : j'arrête !
Sachez juste que ce n'est pas le genre de comic qui se dévore ; il est de ceux qui se dégustent. Il est dense, exigeant et bourré d'informations. Son rythme est globalement plutôt lent mais il se précipite au venir des moments dramatiques jusqu'à parfois être trépidant dans les phases d'action. Il demande à son lecteur un minimum d'investissement pour appréhender son univers mais l'effort en vaut la peine.  


Pour les amateurs de fantasy, il est bon à savoir que Le Dernier des Dieux intègre nombre de ses codes et les utilise à sa sauce. 
On a un royaume partagé entre plusieurs races d'humanoïdes comptant entre autres, évidemment, différentes nations humaines et divers clans elfes (ici nommés Aelves et réputés végétariens... mais bon, ce sont des elfes).
La guerre et la conquête y sont omniprésentes dans les pensées et les légendes, le bestiaire y est convaincant et pas farfelu, le territoire possède sa propre carte (un impératif, dans le genre)...
Et, même si l'univers n'est pas dichotomique, il y a néanmoins une opposition entre un camp du Bien (perverti, ici, menteur et malhonnête mais néanmoins défenseur de la vie) et un camp du Mal (propagateur de corruption et de mort).
Ce mal, d'ailleurs, fait de lourds clins d'œil à des figures emblématiques des univers de fantasy. La corruption en question a des allures de corruption de Nurgle, par exemple, si certains ici connaissent l'univers de Warhammer. 


Et, comme promis, avant de passer au résumé traditionnel, parlons un peu de ce nouveau format mis en place par Urban...

+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Le dessin de Federeci est sans faille, selon moi.
  • L'histoire de Johnson est certes assez classique à l'heure actuelle mais l'univers dépeint est touffu et détaillé.
  • La qualité d'édition est au rendez-vous.
  • Très belle entrée en matière dans cette nouvelle collection Urban.
  • Rien d'important.
    À moins d'être allergique à la fantasy, cet album est un hérault tout à fait honorable du genre.