Vampire, La Mascarade - La Morsure de l'Hiver, livre 1


"Il existe un autre monde au-delà de la lumière. Un monde qui s'épanouit dans l'obscurité."


Le jeu de rôles


Pour la plupart des geeks (dont votre obscur serviteur), Vampire : La Mascarade est un jeu de rôle contemporain fantastique surfant sur la mode lancée par les romans d'Anne Rice et dont la première édition date de 1991.

Ce jeu a gagné ses lettres de noblesse en tant que porte-étendard de l'approche "narrative" des jeux de rôles. Ses règles sont simples mais son monde est complexe. C'est donc son efficacité qui fait son succès. Ça et... la fascination des gens pour les vampires, bien entendu (et non, Kimberley, je ne causerai pas du succès de Twilight : un vampire, ça ne brille pas plus de deux secondes au soleil... après, ça illumine carrément parce que ça prend feu).
L'édition des 20 ans proposa il y a peu un lifting de bon aloi de la version 2004 du jeu qui, elle, amenait une refonte totale du Monde des Ténèbres sous le nom de Vampire : Le Requiem.
Au fil des ans, le ton est de plus en plus sérieux et le système de jeu est de plus en plus réaliste.
En l'état actuel des règles, le jeu met en scène des clans de vampires qui ont chacun leurs particularités, leurs codes, leurs coutumes, leurs forces et leurs faiblesses. La société vampirique est extrêmement instable au point de parfois devoir créer des conflits avec le monde des humains pour réussir à conserver une cohésion relative ; sans cela, les prédateurs que sont les vampires sont naturellement portés à s'entredétruire. D'ailleurs, notre monde et celui des ténèbres interagit de temps à autre, certains humains étant même au service des vampires, dans l'univers du jeu... comme les hommes d'Al Capone, par exemple, puisqu'il est supposé avoir été lui-même un vampire.

Les Clans sont au nombre de treize dont douze auraient été créés par les "petits-fils" du vampire primordial, Caïn (les Antédiluviens).
Sept de ces clans composent la Camarilla : une secte craignant que les humains découvrent leur existence et mettant en place La Mascarade, une forme d'organisation et de gouvernement vampirique visant à se dissimuler.
L'autre secte importante est le Sabbat. Elle revendique la suprématie du vampire sur l'humain et veut mener la guerre contre les plus anciens vampires, contre les indépendants et forcément contre la Camarilla. Cette secte est une des raisons pour lesquelles le jeu est souvent la cible des critiques des associations puritaines américaines ou des SJW de tous poils... Et c'est logique : les adeptes du Sabbat prônent le darwinisme social, la loi du plus fort. Le Sabbat méprise la Mascarade et voit l'Humanité comme du gibier. Du coup, forcément, les joueurs incarnant des membres du Sabbat créent le plus souvent des personnages amoraux et, lors des séances de jeu, des situations on ne peut plus "problématiques", comme disent certains. Forcément ! Bah oui, forcément... et étrangement, les scènes de sacrifices de bébés et autres joyeusetés du genre, ça n'amuse que moyennement la team premier degré.

Le souci, c'est que chaque vampire est mû, au-delà de sa conscience, par la "bête intérieure", l'essence du monstre prédateur mort-vivant qu'il est devenu. Les vampires doivent souvent lutter contre elle pour ne pas perdre le contrôle de leurs actes et retomber à un état bestial préjudiciable pour eux comme pour leur couverture au sein des humains. Le risque survient souvent en situation de stress intense, de danger ou de grande soif.
Chacune des sectes a sa propre façon d'envisager le contrôle de soi.
La Camarilla pense qu'il ne faut pas s'éloigner de la morale humaine, histoire de mieux se cacher parmi les hommes.
Le Sabbat pense au contraire qu'un vampire ne doit plus se considérer comme humain et assumer sa nature.

Les clans soutenant la Camarilla

Les Brujahs (surnommés la racaille... clan d'origine de l'héroïne du comic). Un des clans fondateurs de la Camarilla.
Les Gangrels (surnommés les apatrides). Ce clan a pactisé avec les ennemis jurés des vampires : les loups-garous. Ils vivent hors des villes en raison de leurs caractéristiques physiques animales. Très récemment, ils ont quitté la Camarilla, devenant des indépendants.
Les Malkaviens (surnommés les déments ou maîtres de la folie). Les Malkaviens sont un clan mystérieux qui prétend se souvenir de la vraie mort, avant leur renaissance en vampire.
Les Nosferatus (surnommés les rats d'égouts). Les Nosferatus sont monstrueux, mais paradoxalement plus humanistes que les autres vampires. Ils vivent cachés sous terre et usent des secrets des autres vampires dans leurs propres intérêts.
Les Toreadors (surnommés les dégénérés). C'est un clan constitué principalement d'esthètes. Ils sont très proches des humains, dont ils aiment beaucoup la compagnie et se délectent de la politique (Kimberley les trouve sans doute très hot).
Les Tremeres (surnommés les sorciers). Ils sont très structurés et maîtrisent une puissante magie. Ils sont devenus vampires par choix.
Les Ventrues (surnommés les sang-bleus). Ils se considèrent comme les garants de la société vampirique qu'ils sont les seuls à pouvoir guider. Influents et capables de détruire la vie d'un vampire en quelques coups de téléphone, il ne se privent jamais de le faire (Kimberley me fait savoir qu'elle les kiffe). 

Les Clans du Sabbat

Les Lasombras (surnommés les Gardiens ou Maîtres des ombres). Ce sont des manipulateurs. Leurs ennemis de toujours sont les Ventrues avec lesquels ils se disputent la suprématie sur les vampires : pouvoir de l'ombre contre autorité réelle.
Les Tzimisces (surnommés les démons). Originaires de Transylvanie, ils sont à l'origine des mythes comme celui de Dracula (qui était un membre de ce Clan). Ils ont le pouvoir de manipuler la matière vivante : que ce soit la leur ou celle des autres.

Les Clans neutres

Les Assamites (surnommés les assassins). Un clan indépendant, issu du monde islamique, dont le QG se trouve en Turquie. Ce clan prône le respect des humains mais l'extermination des vampires de générations plus récentes.
Les Giovannis. Clan possédant des connaissances en nécromancie et en occultisme. Leur QG est à Venise. Dépravés, consanguins, nécrophiles, incestueux, ils ne créent de nouveaux vampires qu'au sein de la famille mortelle Giovanni... étant donné leurs mœurs, ils plaisent énormément aux ligues de vertu eux aussi !
Les Ravnos (surnommés les mystificateurs). Des vampires nomades, souvent de culture gitane. Ils maitrisent le pouvoir de l'illusion mais ils sont particulièrement détestés par la Camarilla.
Les Sethites (surnommés les serpents). Seul clan ne descendant pas des Antédiluviens, ils descendent du dieu égyptien Seth (ça claque, non ?). Ils se contrefichent de la politique des vampires mais sont spécialisés dans la corruption de l'Humanité et obsédés par le réveil de Seth.


Le comic en question


Comme le succès est au rendez-vous, les produits dérivés affluent : quelques romans, une mini-série et un paquet de jeux vidéo ont vu le jour, au milieu de centaines de goodies... mais c'est bien d'un comic que nous allons parler en ce jour.

Nous y suivrons le personnage de Cecily Bain, lieutenant brujah du Prince de Minneapolis ("Prince" n'est qu'un titre, il s'agit ici d'une femme vampire très ancienne et puissante). Invitée par sa maîtresse à faire d'un humain sa descendance, elle hésite un temps à faire bénéficier sa sœur gravement malade de la vie éternelle. Mais elle sait qu'elle la condamnerait aussi de fait à la damnation... Elle optera donc pour l'adoption d'une jeune vampire dont elle ne sait rien, Alejandra, lui accordant sa protection et s'engageant à faire d'elle une créature de la nuit à part entière en lui enseignant tous les aspects de sa nouvelle existence... même si une petite enquête préalable sur les origines de la jeune et jolie vampire brunette n'aurait sans doute pas été un luxe !

Simultanément, nous y découvrirons, en périphérie de la ville, une famille d'Anarchs à laquelle Cecily est liée et qui est en proie à des événements tragiques et révélateurs de troubles à venir qui risquent bien de frapper tous les vampires.

En plus de cela, les dernières pièces d'une machination visant à renverser le Prince se mettent en place et Cecily, qui fut les "bottes crottées" de cette autorité désormais plus que compromise (ah ça, oui, plutôt !), va se retrouver à devoir survivre à une condamnation à mort émise par tout ce que le gouvernement des vampires compte comme aspirants au pouvoir.

Cecily parviendra-t-elle à maintenir la Mascarade en résistant aux troubles qui agitent la Camarilla ?

Scénariste et joueur régulier, Tim Seeley signe cette histoire imprégnée de tout ce qui fait le charme obscur du jeu de rôles : intrigues, violence, sensualité, pouvoirs... Il est aidé par Tini Howard et Blake Howard.
L'on pourrait reprocher à ce comic d'être un rien opaque pour les non initiés mais le fait est que l'univers de Vampire, La Mascarade se mérite : il est dense et fourmille de subtilités dans les relations entre les clans et les liens de pouvoirs.
En ne se concentrant que sur quelques clans pour ce premier tome et une intrigue politique relativement évidente, il permet aux novices d'intégrer petit à petit suffisamment d'éléments pour tout comprendre sans que cela paraisse indigeste. Bien entendu, Alejandra est pour cela bien commode puisque ce vampire nouveau-né va jouer le rôle de petit candide et ainsi justifier pas mal d'explications intradiégétiques de ce qu'est le Monde des Ténèbres.
Ce tome 1 gère très bien le rythme de narration et alterne les moments d'exposition et les moments d'action de façon très gratifiante pour le lecteur : tantôt l'exposition explique les raisons de la violence à venir, tantôt elle désamorce la boucherie passée... mais jamais un bain de sang ne semble gratuit, comme c'est trop souvent le cas dans nombre de vraies parties de jeux de rôles, si on joue avec des bourrins... trop souvent, donc (dédicace à qui de droit, se reconnaîtra qui pourra ou voudra).

Le dessin de Devmalya Pramanik et Nathan Gooden rend bien hommage à la licence même si j'apprécie étrangement davantage le trait de l'intrigue secondaire impliquant les Anarchs (raison pour laquelle l'image servant de titre à cet article ne représente pas Cecily mais une des vampires de cette clique). Le tout reste néanmoins de bonne facture dans cette veine désormais bien connue de dessin semi-réaliste 

La mise en couleurs d'Addison Duke oscille entre efficace et carrément inspirée. L'ensemble a une teinte un peu désaturée qui convient pas mal à l'ambiance nocturne indispensable à cet ouvrage. Souvent, la seule couleur vibrante de cette étrange nuit américaine sera le rouge... ça manque sans doute de subtilité mais ça a le mérite d'être parfaitement clair !

Retenons enfin les magnifiques artworks des couvertures de la série qui sont signés Aaron Campbell et qui sont à eux seuls des sources d'inspiration possibles pour mille et un scénarios de jeu !

Un album qui plaira aux adeptes du jeu tant il lui est fidèle, aux gens fascinés par les vampires (mais fais-toi soigner, Kimberley, sérieux... ces gens sont morts, okay ?) et aux amateurs de comics matures aux intrigues riches et bien foutues.



+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Une façon intéressante d'entrer dans l'univers complexe de ce jeu de rôles emblématique.
  • Une intrique solide.
  • Un dessin à la hauteur (mais bicéphale).
  • Une édition avec de jolies dorures et tout... ça fait plaisir.

  • L'univers compte ses propres codes, son vocabulaire, sa mythologie... tout n'est pas expliqué et ça pourrait perdre certains lecteurs.
  • Le dessin reposant sur deux plumes différentes, il y a parfois une différence de style perceptible d'une planche à l'autre... ça peut gêner.