De nous, il ne restera que des cendres #1


Au Japon, , un assassin aux multiples talents – notamment dans l’art du travestissement en frêles jeunes femmes – joue de son identité trouble pour se rapprocher, mettre en confiance et abattre ses cibles. Il est secondé par Jing, une collègue qui ne tait pas son attirance à son égard tout en l’aidant à préparer ses costumes. Pion dans une organisation mafieuse taïwanaise – la Qing Tian Bang – installée au Japon, il possède un tatouage sur l’une de ses épaules. Il recherche l’homme en lien avec ce dessin, car celui-ci a massacré sa famille.


Ce premier volet de De nous, il ne restera que des cendres propose une structure très classique : un chapitre, une affaire. Le tout est relié par deux fils conducteurs : les enjeux politiques entre les mafias et la quête de Yû.

L'auteur, Akira Kasugai, possède une patte graphique légèrement rétro, plutôt élégante, bien que déjà vue. Les talents et la grâce toute féminine de Yû se déploient dans les cases. Les découpages des scènes d’actions sont lisibles et les personnages s’avèrent enclins aux pirouettes gigantesques en tirant dans tous les coins. Ça frise le John Woo. Par le biais de Yû, l’artiste joue sur les identités : homme/femme, japonais/taïwanais (il possède les deux prénoms), mais aussi les relations entre ce dernier et son boss.

Cependant, à moins d’avoir un œil acéré et de connaître le Japon, l’époque à laquelle se déroule le récit sera à deviner au travers de quelques indices : la mention de l’ère Heisei (« paix en devenir », 1989-2019) – sans aucune note de l’éditeur pour préciser –, le titre du film Femmes de Yakuza (1986, de Hideo Gosha), un baladeur cassette, des téléviseurs cathodiques, des appareils photo à pellicules, un ersatz de discothèque Juliana (où les jeunes femmes allaient se trémousser sur un podium en tenant un éventail)... et bien sûr, l’absence des dernières technologies. Cela permet d’évacuer les apports et les contraintes des smartphones, drones et autres ordinateurs puissants.


Akira Kasugai semble vouloir placer son histoire dans la lignée des mangas d'action des années 90 à la manière d’un Gunsmith Cat (petites pépés et pétarades) de Keinichi Sonoda, et non pas dans les pas des grands récits de Yakuzas, tels que ceux illustrés par Ryoichi Ikegami (Crying Freeman, Heat...). Le milieu interlope se rapproche plus d’une forme de folklore, d’une sublimation romantique de la pègre. L’auteur élimine, dans son hommage joliment emballé, l’impact des affrontements entre les diverses mafias chinoise et taïwanaise sur le sol japonais.

Quelle idée saugrenue a eu l’éditeur Kana de remplacer le titre original, que l’on peut traduire par le Caméléon sombre (Nibiiro no Chameleon) – faisant référence à l’art du travestissement et évoquant, dans le contexte "vengeance + terme animalier" le manga et les films Sasori, la femme scorpion [1] – , par un titre très laid, d’une poésie à deux balles que l’on retrouve sur des mangas de type isekai [2] et le LN [3] !

Impossible de prédire si De nous, il ne restera que des cendres, qui comportera 4 volumes, sera rondement mené jusqu’au bout ou si l’artiste abandonnera son public sur un sentiment d’inachevé, hélas courant dans les mangas. Agréable à l’œil, le premier volume de cette série B se lit sans peine mais elle n’apporte rien au genre.

[1] Le premier film de la saga est sortie en 1972. L'héroïne, jouée par Meiko Kaji, va tout faire pour assouvir sa vengeance après avoir été trahie et jetée en prison.

[2] Genre de manga qui mettent en scène, pour leur majorité, un benêt d’étudiant/de jeune salaryman balancé via un camion dans un monde alternatif où il passera de gros loser à Roi du Pétrole en faisant tomber les pin-ups locales.

[3] Abréviation de Light Novel, manière de pondre un roman-feuilleton au Japon, mais quasi sans description – un véritable arrachage de cheveux pour traducteurs...


+ Les points positifs
- Les points négatifs
  • Un manga qui sera bouclé en 4 volumes.
  • Un héros qui joue sur plusieurs identités.
  • Un graphisme charmant.

  • Des mafias folkloriques.
  • Un ensemble très convenu.
  • Une mauvaise traduction du titre.