West Legends 6/6 - Butch Cassidy & The Wild Bunch

"Qu'est-ce qu'un revolver ? Ni pire ni mieux qu'un autre outil, une hache, une pelle ou une pioche.
Qu'il en sorte du bien ou du mal dépend de qui s'en sert."
Butch Cassidy


Sixième et dernier tome de la collection West Legends aux éditions Soleil, Butch Cassidy & The Wild Bunch nous met plutôt dans l'embarras... Il a été agréable de découvrir un à un ces albums explorant l'ouest sauvage dans les pas de six de ses plus fameuses légendes et l'on aurait aimé refermer la dernière page de celui-ci avec un soupir de satisfaction. Vous pourrez trouver ici nos chroniques des tomes sur Wyatt Earp, Billy The Kid et Wild Bill Hickok ; chacun d'entre eux nous avait plutôt plu et nous en recommandions la lecture... Que dire, alors, de cet ultime numéro ?

Quand débute la narration, Butch Cassidy et sa horde sauvage attaquent l’Express de Wilcox. Car oui, on va suivre un salaud de détrousseur, faut-il le mentionner ? Mais un salaud qui rechigne à tuer, c'est déjà ça. La horde espère tirer de ce braquage coûteux en explosif quelques 100.000 dollars que l’Union Pacific acheminait vers la banque des Philippines. Mais les renseignements de la bande semblent pas mal foireux et le butin s'avère bien plus maigre que prévu. Acculés et poursuivis par des marshals, les bandits vont chercher à se refaire la cerise en mettant la main sur les richesses d’une mine abandonnée apparemment prometteuse. C'est moi ou c'est improbable, une telle aubaine ?
 
À leurs trousses, il y a le shérif Josiah Hazen et quelques alliés pas franchement disposés à jouer la résolution de toute cette affaire autour d'un poker. Cassidy et ses hommes se retrouvent bien vite à être hébergés par le pasteur Whitcomb et ses ouailles attardées et recluses, comme des troglodytes, dans les infrastructures de la vieille mine. Petit souci on ne peut plus dérangeant : la petite communauté est en réalité une sorte de secte autarcique constituée d'anthropophages. C'est ballot... des hôtes on ne peut plus accueillants, en somme ! Et du coup, ça va partir en fusillades contre les cannibales et les forces de l'ordre.


Christophe Bec au scénario et Michel Suro au dessin narrent de façon pas mal romancée, semble-t-il (c'est à espérer), un épisode de l'existence de la horde sauvage, alors traquée par des représentants de la loi quasiment aussi peu recommandables que leurs proies.

L'auteur a fait ses preuves sur le deuxième tome consacré à Billy The Kid. Conscient qu'il doit ici encore mettre en scène un type peu reluisant, il a l'intelligence de lui offrir des antagonistes moralement bien plus déviants que lui en la personne de marshals capables d'abattre un pauvre indien qui n'a commis comme seul crime que de ne pas accepter de les renseigner. Et que dire, alors, de ses autres ennemis qui vont jusqu'à bouffer de la chair humaine arrachée à de pauvres gars encore en vie ?  C'est sûr qu'à côté de ça, un pilleur de train décrit comme ne détroussant pas les ouvriers de leur moyen de subsistance et préférant tirer sur le cheval de ses poursuivant plutôt que sur les hommes qui les montent... c'est un enfant de chœur au cul béni par la Sainte Vierge ! À noter que l'on ignore si Butch Cassidy les a bel et bien rencontrés mais ces fameux anthropophages ont vu leur existence historique confirmée par la science il y a peu, puisque l'on prouva que des actes de cannibalisme ont bien été commis dans la communauté de Jamestown, première colonie anglaise installée en Virginie, durant les famines de l’hiver 1610... Charmant ! [1]

Le dessinateur, lui, a signé les quatre tomes de la série SunDance consacrée à Charles Harvey Longbach, sortie à partir de 1995 chez Glénat ; c'est peut-être ce qui a motivé son choix puisque Sundance Kid est anecdotiquement présent dans cette BD... mais était-ce bien inspiré ? Comprenons-nous bien : à aucun moment ce n'est vraiment raté. Mais c'est assez souvent inexpressif, bien trop dénué de détails, passablement insipide voire un peu moche et, à dire vrai, un peu vite expédié dans certaines cases. Un trait extrêmement anodin et oubliable. C'est triste pour une série qui offrit bien mieux auparavant.


Un album dramatiquement inconstant dans son dessin comme dans son rythme. Les trente premières pages réussissent l'exploit de nous offrir un braquage et une chasse à l'homme avec une jolie distance entre poursuivants et fuyards sans pour autant nous offrir des masses de cases nous donnant à voir les grands espaces de l'ouest... mais le dessinateur saurait-il en rendre la majestuosité ? Les trente pages suivantes nous font basculer dans de la violence psychologique et physique rappelant les dîners de famille dans Massacre à la tronçonneuse mais sans jamais vraiment parvenir à rendre cela palpable tant le récit se précipite et tant le dessin semble inapte à rendre compte de l'horreur de la situation. C'est vraiment, vraiment dommage.

Oh... Et, à tout hasard : je sais que je vous ai dévoilé presque quatre-vingts pourcents de l'histoire, mais je ne m'en excuserai pas : la quatrième de couverture elle-même le fait ! 


[1] On vous recommande à ce sujet l'excellent film Bone Tomahawk (2015) et, tant qu'à parler d'une horde sauvage, le long-métrage du même titre de 1969 est évidemment incontournable (si vous aimez les jeux vidéo Red Dead Redemption, foncez !).


+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Introduire de l'horreur dans ce type de récit est une idée plutôt intéressante.
  • (Le concept de la collection reste sympathique : un album, un épisode de la vie d'une légende de l'ouest sauvage.)
  • Le rythme narratif est mal géré.
  • Le dessin n'est pas à la hauteur.
  • Une conclusion de collection bien en-dessous du reste, malheureusement.