Revoir Paris... et rêver du jardin



On évoque aujourd'hui le calamiteux Revoir Paris... et le rêve qui a suivi.

Revoir Paris est un film écrit et réalisé par Alice Winocour
Après les attentats ayant frappé Paris, Mia, jeune femme ayant échappé au pire alors qu'elle se trouvait dans une brasserie, se remet difficilement et cherche à retrouver un inconnu à qui elle a tenu la main pendant que l'horreur se produisait.
Tout le film est résumé dans cette phrase.
Quant à l'écriture et la mise en scène, c'est une catastrophe. C'est lent, insipide, vain, sans intérêt... c'est ahurissant de prendre un sujet aussi fort et de parvenir à le vider ainsi de toute substance. Une critique de je ne sais plus quel magazine disait "le film évite tout sensationnalisme". Ah ben oui, c'est clair, il n'évite d'ailleurs pas que ça, il évite aussi toute réflexion, toute émotion et tout parti pris intéressant. La réalisatrice parvient à rester à la surface du sujet en étant d'une prétention insupportable.

Tout tape systématiquement à côté. Virginie Efira en premier lieu. Impossible que le César qu'elle a remporté sanctionne son jeu d'actrice, ce qui a fait basculer les votes, c'est la charge émotionnelle du sujet, certainement pas la performance pathétique d'une Efira mono-expressive. Ceci dit, elle est effectivement parfaite dans le rôle tant le film pue le boboïsme parisien (je sais qu'Efira est belge à l'origine, mais visiblement, le parisianisme, ça peut s'attraper si on ne respecte pas certains gestes barrière, comme avoir un cerveau en état de fonctionnement), avec obligation de caser du bon sentiment partout et ne surtout pas haïr ou condamner qui que ce soit, mais délivrer un message aussi stupide qu'évident : c'est traumatisant d'être traumatisé. 
Magnifique de crétinerie.
Même la phrase d'accroche de l'affiche est scandaleuse : un film d'espoir et d'émotion... avec l'autre qui fait un câlin. Des barbares viennent assassiner des innocents en plein Paris, des familles entières sont détruites, les rescapés vivent dans l'angoisse, les autorités sont totalement incompétentes, les secouristes découvrent des scènes d'horreur et enjambent des monceaux de cadavres, et tout ce que ce film propose, c'est "on peut quand même se faire des câlins" ?!
Pourtant, entre la souffrance des rescapés (autrement représentée qu'avec une Efira qui dégouline de mièvrerie et de guimauve), les causes de cette violence, le légitime sentiment de révolte des gens ou n'importe quoi qui aurait un minimum de sens et d'intérêt, les pistes de développement ne manquaient pas. 

On atteint vraiment des sommets dans l'indigence et la pauvreté tant intellectuelles qu'artistiques. Voilà longtemps que je n'avais pas été aussi révolté par le néant complet proposé par un auteur. Même Mektoub my Love avait finalement plus de contenu, c'est dire ! D'ailleurs, arrivé à 1h15 de film, j'avais l'impression d'être devant depuis 6 heures. C'est un exploit d'arriver au bout. Et même le dénouement du léger élément qui fait office d'intrigue étriquée (le coup du "vous vous êtes enfermée dans les toilettes") est totalement prévisible. Les deux personnages sont tellement proches physiquement que, dès le premier échange, on sait en réalité qui a fait quoi.
Et quel intérêt d'ailleurs ? Mettre en cause des gens qui ont paniqué parce qu'ils avaient peur de mourir sous les balles ? C'est ça ton propos, Alice ? Pas une ligne sur les terroristes (ah si, on dit de l'un d'eux qu'il avait un "visage d'ange"...) mais une mise en cause de certains survivants ? Le tout emballé dans des câlins et des bougies ? Quand on a à ce point-là rien à dire sur un sujet aussi important, on devrait avoir la dignité de ne pas l'aborder.
La réalisatrice fait preuve d'une telle lâcheté intellectuelle, d'une telle capacité à surfer sur l'écume de son sujet, qu'il est difficile de ne pas être pris de nausées devant cette ode à la passivité et au renoncement. Bref, ce n'est pas seulement un très mauvais film, c'est un film pénible à voir lorsque l'on est doté d'un minimum de sensibilité (mais l'on peut comprendre, bien entendu, les gens qui ont été touchés par les attentats et que ce film parvient à émouvoir, parce qu'il les renvoie à de douloureux souvenirs, pas parce qu'il est bon). 


Même regard vide pendant tout le film. Tu le sens, là, le César arriver ?


Mais ce film m'a tellement marqué que j'en ai rêvé la nuit suivante. Petit conseil si vous voulez vous souvenir de vos rêves au réveil : soit vous vous levez pour écrire ce qui s'est passé (un peu chiant), soit vous vous répéter deux ou trois fois les événements dont vous vous rappelez avant de vous rendormir. 
Et donc, dans ce rêve, je suis dans une rue et je croise Jean Dujardin (que je n'aime pas du tout) et un autre gars, inconnu, mais censé être acteur lui aussi. Et dans mon rêve, les deux ont joué dans Revoir Paris. Ils me demandent ce que j'en ai pensé, et je leur réponds, avec beaucoup de tact : "Mais c'est la pire merde que j'ai pu voir ! C'est honteux de faire des films pareils !"
Là, ils me regardent vraiment méchamment, comme s'ils allaient me sauter dessus, mais au final je passe mon chemin et je vais dans un restaurant, en terrasse.

Je me rends compte au bout d'un moment que Dujardin et son pote sont eux aussi dans le resto. Et qu'ils viennent à la table à côté de la mienne ! La situation est tendue. 
Ensuite, il y a une distorsion logique, comme souvent dans les rêves, et je me retrouve chez moi, avec Dujardin et Efira sur mon canapé.
On parle toujours du film, Dujardin me chuchote que je devrais changer de sujet parce que Virginie a honte et qu'elle est gênée. Et je lui sors, pour clore le débat : "Ce qu'il y a de positif pour toi, c'est que tu ne risques pas de jouer dans un truc pire que ça... au moins dans les deux prochaines années".
Sous-entendu, "tu es capable quand même de faire pire".
Là, on commence à rire tous les trois. Dans mon rêve, la vanne est totalement irrésistible, on en pleure de rire, on se tombe dans les bras tous les trois. C'est un beau moment. Je leur explique que je ne veux pas les blesser, que je suis juste outré par tous ces conteurs qui n'ont rien à raconter. 

Puis, je crois qu'on passe la nuit en boîte (allons bon, nous voilà super potes !), je ne me souviens pas bien de cette partie. Et au matin, on est de retour, Dujardin, des potes à lui, et moi, au fameux restaurant. On y prend un super petit déjeuner. Je déguste de succulents gâteaux, certains meringués, d'autres à la chantilly, ils sont légers, super bons, là-dessus, rien à dire, c'était délicieux. Bravo Alice !
C'est à peu près là que je me réveille.
Du coup, si je devais noter ce film je lui mettrais quand même 5 étoiles. Et en commentaire : "J'ai surtout aimé la complicité avec Dujardin et les gâteaux meringués. Par contre le reste, c'est de la merde."

Les câlins c'est important. Les bougies aussi. C'est ça notre vraie force.
Ah, c'est beau la capacité de résilience d'un peuple...



+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Toute la partie onirique, mais pour être honnête, je ne peux garantir que vous fassiez le même rêve après le film.


  • Un sujet fort mais que la réalisatrice parvient à ne jamais aborder vraiment.
  • Le côté aseptisé et vain.
  • L'impression de temps qui se fige.
  • Efira, qui ne parvient pas à transmettre la moindre émotion. Avec un sujet pareil, l'exploit méritait bien un César, effectivement.
  • L'aspect téléphoné et maladroit du seul élément censé être un peu surprenant.
  • L'absence totale de fond ou de point de vue. 
  • L'ignoble idéologie du "vous n'avez pas le droit de haïr les monstres qui vous tuent, juste de faire des bisous" poussée jusque dans ses pires absurdités.