Teen Titans : the Judas Contract


Les Teen Titans, dans leurs différentes acceptions, ont constitué dès le départ une alternative intéressante aux grands récits dramatiques impliquant les héros tutélaires de l'univers DC : créés en 1966, ils permettaient de cultiver ce bouleversement spécifique à l'âge adolescent ainsi que les relations plus ou moins paternelles entre les membres de la JLA et leurs successeurs putatifs. Cependant, à l'instar des New Mutants construits sur des bases similaires, le succès n'a pas toujours été au rendez-vous malgré des équipes artistiques ambitieuses en charge des projets. La fin des années 1970 fut ainsi fatale à la première mouture de la série qui n'avait pas su trouver une véritable ligne directrice, avant de renaître en 1980 avec le duo Wolfman/Pérez.

The Judas Contract
constitue un bon point de départ pour qui souhaite appréhender l'équipe de jeunes loups costumés qui s'est constituée autour de Robin/Dick Grayson : l'extraterrestre Starfire, Changelin, Kid Flash, Wonder Girl, Raven et Cyborg. Une équipe pas encore totalement définie, qui se cherche une âme et des raisons de continuer après leur précédente action d'éclat contre les hommes de Brother Blood. Certains des membres ont des velléités de départ, d'autres choisissent de se mettre en couple ou cherchent à nouer des liens un peu plus forts que la simple camaraderie : le groupe est clairement dans un entre-deux et l'avenir leur apparaît incertain. Et, pour le coup, de nouveaux membres pointent le bout de leur nez... 

Sauf que le ver est dans le fruit, et l'un des nouveaux partenaires n'est pas sincère dans ses intentions : aucun suspense ici, puisque nous le découvrons très vite, même si ses motivations paraissent obscures (et ne cesseront jamais véritablement de l'être). Faisant bonne figure auprès de ses coéquipiers, le traître a tissé des liens étroits avec l'un de leur pire ennemi, qui lui-même est au service d'une organisation qui a juré leur perte. C'est beaucoup pour une équipe balbutiante dont le leader a encore du mal à s'affranchir totalement de ses anciens super-mentors (Batman et Superman) : un poids qui sera longtemps la pierre d'achoppement des aventures du futur Nightwing (cf. Grayson, agent of Spyral ou encore Batman & Robin Eternal).


La série a été d'ailleurs directement adaptée en 2017 en un film d'animation qui reprend une très grosse partie des éléments constitutifs, mais nous nous cantonnerons aux épisodes réunis en 2004 en album, disponible en version Deluxe ou chez Eaglemoss dans la collection DC Graphic Novels.

Avec le recul, les épisodes se suivent un peu péniblement : ça déblatère beaucoup, parfois dans le vide, Marv Wolfman semble ne pas vraiment savoir comment conclure son arc narratif qui a tout de la période de transition - et on aimerait parfois que l'intrigue avance plus vite. C'est l'époque qui veut cela, sans doute, alors que cette écriture pouvait probablement être plus facilement acceptée il y a quarante ans... Pourtant, nombre d'éléments dramatiques sont présents dans le récit : des décisions lourdes de conséquences, des morts, des départs et des secrets trop lourds à porter. Il faut admettre en outre qu'une grande place est laissée au développement des personnages, anciens comme nouveaux, avec des dialogues souvent juteux et percutants. On comprend que ce moment dans la série est bien plus qu'un simple intermède : il jouit d'ailleurs d'une excellente réputation car il pose les bases plus solides sur lesquelles The New Teen Titans seront bâtis. 

Il n'empêche que, pour ceux qui ne sont pas des fans absolus de ces héros juvéniles, la sauce a du mal à prendre et beaucoup d'intrigues semblent cousues de fil blanc. En outre, Raven est clairement sous-exploitée au point qu'elle est mise hors de combat beaucoup trop facilement, et il est impossible de nier que Grayson tire la couverture à lui (ses atermoiements, parfois pénibles, constituent le fil rouge de l'arc).

Quant à George Pérez, il est clair qu'il n'a pas l'aisance démonstrative de ses plus grands succès (cf. Crisis on Infinite Earths) et son trait toujours élégant reste trop souvent cantonné dans des cases étroites ; toutefois les déchaînements de Terra (qui manipule la terre et les forces telluriques) ont suffisamment d'impact pour annoncer des lendemains plus spectaculaires et l'on trouve çà et là quelques effets de groupe assez stupéfiants dont le dessinateur a le secret. Les amateurs de sa ligne claire y trouveront leur compte et apprécieront les détails dont il parsème nombre de ses planches. L'image choisie pour l'en-tête de l'article devrait vous en convaincre aisément.

Suivant les éditions disponibles, vous aurez la possibilité également de trouver un épisode bonus extrait de The Brave & the Bold  et datant de 1964, avec la première réunion de super-teenagers (Robin, Aqualad & Kid Flash). Malgré une mise en page assez aérée, on a vraiment du mal à se plonger dans ces récits d'un autre âge, à la naïveté confondante et aux dialogues désuets. Là, pour le coup, la nostalgie a bien du mal à nous faire avaler l'intrigue.



+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Un moment important dans la construction de ce groupe de super-héros.
  • Une équipe artistique parfaitement rodée.
  • Des personnages confrontés à des décisions capitales pour leur avenir.
  • Des dialogues plutôt bien écrits.




  • Un suspense régulièrement désamorcé, soit volontairement (l'identité du traître) soit du fait d'une paresse d'écriture manifeste.
  • Des antagonistes manquant de charisme et aux motivations obscures.
  •  Un tempo un brin languissant.