UMAC's Digest #7 - Spécial BD & Moyen-Age

Les sélections UMAC dans l'actu de la pop culture



Ce millénaire de notre Histoire, entamé par la chute d'un empire et la fin de quatre siècles de paix, terminé par la découverte d'un nouveau monde, a toujours fasciné les auteurs par ses bouleversements socio-économiques, ses crises politiques et surtout nombre de mystères dus à un manque d'éléments fiables. Notre chère Éducation Nationale se complaît encore à diffuser quelques poncifs désormais réfutés par la communauté scientifique sur les mœurs et les coutumes de cette longue période.
Du coup, réel ou rêvé, le Moyen-Age est devenu le lieu privilégié de nombres de récits, mythes, sagas et légendes qui nourrissent encore l'imaginaire de nos contemporains. Moi-même, dès que je vois le mot "Templiers" ou "Graal", je ne peux réfréner les pulsions d'achat qui m'ont conduit à acquérir, et dévorer, trois albums récents.

-- BD --

Tout d'abord, la collection Celtic des éditions Soleil propose une série entamée en 2006 consacrée à la Quête du Graal, rien de moins. François Debois & Stéphane Bileau réinventent le concept en commençant avec le tome "Arthur Pendragon"dans lequel le vieux sage Merlin, flanqué d'un jeune et vigoureux Arthur, de Dame Lidoine et son fils Keu, débute une quête qui devra mener à l'unification de la Bretagne. En chemin, il raconte à ses compagnons comment il a acquis Excalibur et la certitude qu'Arthur est l'Élu dont la terre a besoin.
Un récit entraînant, sur un rythme enlevé, fondé sur une version sérieuse du mythe arthurien : les auteurs ont fait des choix historiques cohérents tout en puisant dans d'autres mythologies (notamment gréco-romaine) et en conservant une certaine forme d'humour bon enfant ; ce qui fait qu'on passe allègrement de la féerie enchanteresse d'Avalon aux landes desséchées et ternes des champs de bataille. La colorisation pimpante de Stambecco et les dessins sylphides de Bileau semblent destiner les albums aux plus jeunes toutefois, même si les plus âgés apprécieront les références et le jeu constant avec l'image de nos héros. Ainsi, s'il n'a pas la consternante incompétence de la version Kaamelott, Merlin ne fait usage de sa magie qu'en rechignant. En revanche, les amateurs de grands déferlements de pouvoirs en auront tout de même pour leurs yeux, notamment lorsqu'Arthur brandira Excalibur face à un ennemi doté également d'une épée enchantée. On se croirait dans Elric...
Si une intégrale des trois premiers volumes est parue en août 2009, il semble bien que la série ait été relancée avec un quatrième tome en 2011 et une réédition des premiers.
Sympathique, malin et frais.
#quêtedugraal


Qui dit Quête du Graal, de nos jours, ne peut plus ignorer le travail effectué par Alexandre Astier sur la série Kaamelott. Les lecteurs d'UMAC, ancienne ou nouvelle formule, connaissent forcément le bonhomme dont Nolt a longuement parlé, notamment pour ses spectacles (Que ma joie demeure et récemment l'Exoconférence). 
Casterman propose pour l'heure (la série n'est pas achevée) 7 albums dessinés par Steven Dupré et édités entre 2006 et 2013. On y retrouve le ton particulier de la saga télévisuelle, ce côté décalé qui fait que les altercations entre les protagonistes prend souvent le pas sur l'intrigue. Dialogues irrésistibles, bons mots percutants dans des histoires plaisantes quoique souvent anecdotiques, certaines directement inspirées par un ou plusieurs épisodes. 

Ma préférence va sans doute au tome 6, le Duel des mages, très drôle mais plus dense et plus enlevé que les autres et doté d'une chute pour une fois réussie. Les dessins sont également plus détaillés, le style de Dupré s'affinant nettement dans le temps, avec la volonté de coller au visage des acteurs de la série TV.
#kaamelottenbd


Chez Delcourt, Alcante & Gihef ont lancé l'an dernier un projet ambitieux chargé de redéfinir certains événements historiques en y apposant le sceau du mystère, un peu à la manière des X-Files. Après une relecture du Krach de 1929, ils se sont frottés à la Fin des Templiers, aidés aux pinceaux par Brice Cossu. Pas évident quand on sait le nombre d'auteurs qui, depuis les années 1960, se sont penchés sur le cas de cet ordre militaire rattaché directement à la Papauté qui, malgré l'échec des Croisades, était devenu à la fin du XIIIe siècle une force stratégique et surtout économique de premier plan au point de provoquer l'ire de Philippe le Bel, lequel donnera le 13 octobre 1307 l'ordre d'arrêter tous les Templiers présents sur le territoire - mais ne parviendra pas à mettre la main sur le fameux "trésor".
Mise en page classique, couleurs sombres, beaucoup de violence et un peu de nudité (pas toujours justifiée) destinent cet ouvrage aux adultes. La théorie avancée sur l'origine du "Baphomet" (la fameuse idole que certains des accusés avouaient adorer) et le destin des derniers dépositaires de l'Ordre peuvent faire sourire, mais cela est traité avec sérieux : le but n'est pas de changer le cours de l'Histoire (le dernier Grand Maître finira bien sur le bûcher en 1314) mais d'apporter un éclairage déviant sur certains faits. Ça n'a pas l'impact et la maîtrise de l'excellent Crusades, mais c'est censé susciter la curiosité (et c'est un one-shot) : il suffit de tenter de deviner pourquoi une caravelle figure sur la couverture...
Le troisième volume (sur la Bataille de Hamburger Hill) vient de paraître, et ils annoncent un suivant consacré au... Titanic.
Pourquoi pas ?
#templiers

Revenons aux éditions Soleil mais gardons le même dessinateur pour la série les Enquêtes du Misterium écrite par Jean-Charles Gaudin et narrant les péripéties d'une troupe ambulante présentant des spectacles et résolvant en sous-main des énigmes. Franchement, si le premier volume ne s'intitulait pas "le Mystère Baphomet", je n'aurais pas mis la main au portefeuille. Je n'ai pas regretté mon impulsion pourtant, même s'il faut bien reconnaître que l'intrigue reste légère (une sorte de monstre cornu assassine des commerçants d'une cité et le seigneur Geoffroi ne sait plus à quel saint se vouer) et que le lien avec la mythologie templière est encore plus ténu. La ligne claire de Brice Cossu ressort plus distinctement ici avec des couleurs plus vives et une mise en page plus aérée.
Le principal intérêt du récit repose sur l'héroïne, la fille du forain, douée et perspicace - en plus d'être mignonne. Évidemment, dans un XIIIe siècle encore plongé dans l'obscurantisme, le fait que ce soit elle qui mène l'enquête en fait grincer des dents plus d'un et elle devra opposer une volonté de fer et une rigueur très moderne aux superstitions et aux peurs ataviques de la population.
Ça reste toutefois assez anecdotique dans son propos et le tout se terminera par un spectacle pendant lequel les révélations seront apportées.
A réserver aux plus jeunes, les autres risquent de rester sur leur faim (et contrairement à la Fin des Templiers, pas de bidoche ni de nibards). Le deuxième tome doit sortir incessamment.
#meurtremysterieuxaumoyenage