Donc, une fois acquis, je ne les ai pas lus. Classique. Je pourrais avancer de nombreuses raisons, aux premiers rangs desquelles figureraient la quantité à lire (deux gros volumes tout de même, ce qui n'est pas fréquent dans le monde des comics) et l'envie, cette dernière étant régulièrement dégoupillée par les critiques assassines lues çà et là. X-Men la Fin est arrivé en fanfare mais s'est vite fait oublier.
Puis arriva le moment où je devais déterminer si sa place dans mes rayons était justifiée (oui, j'en ai largement terminé avec la volonté de tout conserver : la place n'est pas extensible à l'infini et je n'hésite plus à me séparer de ce que je ne relirai plus). Un passage chez le médecin et l'occasion de la salle d'attente fit le larron.
J'ai lu. Donc.
OK, je ne vais pas le conserver. Cependant, ce n'est pas le désastre annoncé. Quoique, si, en fait.
Chris Claremont annonce la couleur assez tôt : il y aura des morts, beaucoup, des larmes, des actes héroïques et désespérés, des individus qui vont sauver le monde tout en étant encore et toujours incompris voire rejetés par la majeure partie de l'espèce humaine. La réapparition, aux confins de la galaxie, du Phénix entraîne aussitôt des actes terroristes meurtriers sur Terre à l'encontre de la communauté mutante, fomentés par Sinistre qui semble avoir partie liée avec deux coalitions tentant de reprendre le pouvoir sur l'empire Shi'ar. Rien de nouveau, les ingrédients sont connus. Sauf que, puisque c'est une apothéose, il verse dans l'apocalyptique : tout est emphatique. Ceux qui connaissent le gars redoutent déjà ses travers : le bonhomme ne s'est guère amélioré en prenant de l'âge et l'équilibre miraculeux qu'on lui connaissait à l'époque des mythiques arcs Proteus et Dark Phoenix cédait progressivement le pas à des intrigues multiples s'enchaînant tant bien que mal et ponctuées par des dialogues sentencieux de plus en plus lourdingues. Ici, non seulement c'est le cas, mais si le montage parallèle entre le massacre des élèves de l'Institut Xavier, l'enquête menée par un commando d'X-Men, la campagne électorale de Kitty Pryde pour le poste de maire, le groupe cherchant à protéger le Phénix encore convalescent à bord du Starjammer, offre d'énormes possibilités scénaristiques, on se retrouve régulièrement interloqué par un découpage parfois abrupt, comme si des cases manquaient, nuisant en cela au bon déroulement de l'ensemble. Certaines interventions ressemblent furieusement au cheveu dans la soupe teinté de deus ex machina et le liant nécessaire à l'intelligibilité du script, pourtant un des points forts de Claremont, fait cruellement défaut.
C'est Sean Chen qui lui est associé. Je ne voudrais pas encore une fois faire mon vieux con en me remémorant les planches de Byrne, mais ce dessinateur échoue souvent dans la simple représentation des personnages, avec des visages un peu trop uniformes et un manque général d'expressivité. Les explosions sont explosives, les bastons bastonnantes mais le style apparaît grossier et traduit mal les actions des groupes (n'est pas George Pérez qui veut). Il faut parfois revenir en arrière pour comprendre pourquoi tel personnage est blessé (et, encore une fois, ce n'est pas toujours évident) ou pourquoi un autre a disparu.
Reste l'intrigue en elle-même. Il est clair qu'il y a la volonté pour Claremont de faire son Crisis, sauf qu'il peut en outre se permettre d'éliminer les héros les plus significatifs - vu que c'est censé se situer à la fin de l'épopée mutante. Les piliers de la communauté X tombent comme des mouches - et parfois vraiment, mais vraiment bêtement. Scott et Xavier passent leur temps à faire le compte, le nombre de décès dépassant bien vite celui des survivants capables d'agir encore. En outre, il y a des traîtres (bizarrement, toujours les mêmes) et des revenants. Des jeunes encore plein d'illusions, des vieux un peu désenchantés. Des couples improbables, ou trop évidents. On passe de surprise en surprise : certains n'ont pas changé, d'autres complètement. Le triangle amoureux de Scott Summers vire au quatuor, Wolverine est plus souvent alité que sur le terrain, Bobby Drake se met à philosopher et Emma joue les mères poules. Dans quelle mesure ces choix constituent-ils la trame de ce que Claremont avait décidé en son temps pour les équipes X, je ne saurais le dire. Certains sont évidents aux yeux des anciens lecteurs, d'autres interloquent.
Toujours est-il que tout cela nous amène à une confrontation cosmique entre ce qui reste des mutants et la fine fleur de la Garde impériale Shi'ar. Ce n'est pas la première fois. Et, là aussi, on est bien loin de leur premier face à face (à l'époque de l'empereur D'Ken et du Cristal de M'Kraan, lorsque Jean a littéralement sauvé l'univers) ou même de l'intensité poignante de leur second, sur la Lune (lorsque Lilandra avait décidé de la mort de Jean/Phénix). Il n'y a ni ampleur ni élégance, juste de la dévastation et quelques actes isolés. L'intérêt semble ailleurs, dans ce qui se déroule derrière ces conflits, là où se cache le véritable ennemi. Claremont s'est débrouillé pour nous embrouiller, tissant sa toile avec une multitude de cibles potentielles (à part Apocalypse et le Roi d'Ombre, on verra entrer la plupart des pires adversaires des X-Men) pour mieux nous duper à la fin. Sur ce plan, c'est assez réussi, même s'il a dû recourir à bon nombre de situations retorses et artificielles. Lorsque les héros tombent, du coup, on est davantage en colère que véritablement triste : l'amertume et la déception remplacent ce qui aurait dû être grandiose et émouvant. Ce ne sont pas les belles paroles qui sauveront l'entreprise qui ne parvient presque jamais à convaincre.
Quant à Wolverine : la Fin qui vient se rajouter au second volume, c'est nébuleux, moche et raté. A mille lieues d'un Old Man Logan.
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