Gigantomachia


Dans un futur très lointain, des géants ont modifié l’écosystème. Désormais assoupis, ils sont parfois vénérés, parfois recherchés pour leur puissance. Une frêle jeune femme, Promé (Prométhée ?) tente de stabiliser le monde avec l’aide du lutteur Délos, car les créatures mythiques, légendaires et destructrices deviennent un fléau. Juchée sur les épaules de cet homme musclé et gentiment naïf de la race des Hu (pour humain ?), ils traversent avec difficulté un désert avant de tomber sur le village des derniers représentants des hommes-scarabées, les Karabos. Pris pour des envahisseurs, nos deux héros sont capturés. Délos doit se mesurer à leur champion, Ogun le brave. Après cette démonstration de force, l’ex-gladiateur s’attire le respect du peuple et découvre que le hameau abrite et vénère un géant endormi. Mais les troupes de l’Olympe débarquent et Délos se range du côté des Karabos pour défaire le titan ainsi que les autres créatures qui l’accompagnent : débute alors une lutte épique...

Gigantomachia est une histoire complète, de Kentarô Miura, créateur de la violente saga de dark fantasy Berserk [1]. Prenant pour point de départ le mythe grec de la gigantomachie [2] mélangé à d'autres références, l’auteur livre un récit post-apocalyptique qui traite de thèmes classiques, comme la religion ou la guerre, les luttes acharnées entre les idéaux impérialistes et le respect de la terre-mère, mélange qui n’est pas sans rappeler l’excellente bande dessinée Nausicaä de la vallée du vent de Hayao Miyazaki.

Le manga nous introduit directement dans ce monde à travers les deux protagonistes qui traversent un désert des plus dangereux. Leur mission reste assez mystérieuse tout au long de leur pérégrination. Délos est un ex-esclave pacifique, qui fut gladiateur dans les arènes de l’Olympe, mais qui répugnait à tuer. Promé possède l’apparence d’une jeune femme autoritaire à la connaissance étendue qui manipule Délos. Pourvoyeuse d’un liquide régénérateur qu’elle secrète en urinant (ou est-ce de la cyprine ?), cette femme-enfant-fontaine-de-jouvence maintient en vie son compagnon.
Kentarô Miura nous offre une interprétation personnelle d’un géant mu par un humain, à l'aide d'une matière organique qui se déploie autour de lui telle une aura qui rappelle l’Attaque des Titans [3]. La métamorphose qui occupe pas mal de cases est ponctuée des explications de Promé, parlant d’ADN et de mécanismes nucléaires… L’avalanche de termes techniques confine à la bouillie indigeste, presque ridicule et parodique ! Les scènes d’action s’étalent en longueur au détriment du reste, relégué en un tas de dialogues denses.


Le style graphique de Kentarô Miura ne déroutera pas les connaisseurs de l’auteur : il n’innove en rien et demeure dans ses habitudes. Les designs des monstres sont recherchés, rappelant ceux qui œuvrent dans Berserk. On retrouve un mélange de créatures aquatiques, d’insectes et divers autres organismes vivants à des échelles complètement différentes et réinterprétées. Les décors sont soignés et tout en finesse. Le dessin, toujours aussi maitrisé, évoque les gravures de Gustave Dorée. Il demeure minutieux jusque dans les moindres détails. Les planches sont très belles bien que parfois surchargées de dialogues.

Cependant, un seul volume n’est pas assez pour explorer l’univers riche mis en place et pour développer les enjeux. Le récit va à l’essentiel, mais en voulant paradoxalement tout expliquer (par le biais d’une Promé très, très bavarde), il devient parfois trop dense à appréhender. Il est difficile de s’attacher à ces personnages en si peu de pages. Ce one-shot est aussi un pot pourri de clichés avec trop de bons sentiments et quelques touches d’humour douteux. Par rapport au titre, peu de géants présents, la mission de Promé n’est pas si développée, alors que la transformation l’est trop.
Du côté de l’édition, le manga ne se démarque pas du catalogue Glénat : jaquette, sens de lecture original, onomatopées sous-titrées, petit format…

Même s’il peut sembler une œuvre opportuniste, depuis le succès et la sortie de la série L’Attaque des Titans, Gigantomachia est une récréation sans prétention aux références mythologiques nombreuses, qui aurait été un point de départ pour une saga passionnante. Si vous n’avez jamais lu Berserk ou si vous ne voulez pas tenter cette longue aventure, ce manga vous permettra de découvrir le graphisme de cet auteur ; pour les autres : totalement dispensable.

[1] Berserk est une longue saga comportant actuellement 37 volumes et qui est toujours en cours de parution depuis 1989 !
Pour résumer à la louche... dans la mythologie gréco-romaine, il s’agit de la lutte épique des Dieux, menés par Zeus, contre la révolte des géants, nés de la Gaïa fécondée par le sang d'Ouranos.
[2] Plus de détails ici.
[3] Dans le manga l'Attaque des Titans,  certains humains peuvent secréter de la matière organique et ainsi se façonner un corps gigantesque...

+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Design des créatures.
  • Quelques idées intéressantes.
  • Trop court pour développer correctement une intrigue.
  • Des personnages trop stéréotypés.
  • Des scènes d'action trop longues au détriment du reste.
  • Des explications sur l'univers et le fonctionnement du géant pas très utiles, voire ridicules.