Depuis le monumental Hypérion qui m’avait redonné goût à la SF (après un grand passage à vide au début des années 90), j’estimais Dan Simmons comme étant un des grands auteurs contemporains. L’Echiquier du Mal, considéré par la critique comme son chef-d’œuvre et la suite de la saga des Cantos d’Hypérion m’ont confirmé dans ce jugement.
Mais ici, nous n’avons droit ni à sa vision incroyable de mondes bouleversés ni à sa prodigieuse capacité à adapter son style au narrateur qu’il a choisi (voir comment il a fait d’Hypérion un recueil de récits de pèlerins, mêlant narration à la première personne façon journal intime, et conte dramatique) : dès le premier abord, Nuit d’été se présente comme un thriller dans la lignée de Ca, de Stephen King, de Salem du même auteur et du Cinquième Règne de Maxime Chattam. Du premier, il reprend le genre, une partie de la construction et les interrogations des personnages principaux - essentiellement des enfants. Du deuxième, le cadre avec cette localité dominée par une bâtisse au lourd passé. En fait, ce livre rappelle beaucoup l’œuvre de King, en moins touffu et en nettement plus dynamique. On y retrouve l’ambiance glauque exacerbée par la sensibilité infantile des héros et leur manière bien à eux d’interpréter les signes qui ne semblent pas aussi évidents aux adultes. On y retrouve aussi cette sorte de fraternité typiquement américaine, cet esprit de groupe plus fort que tout (qu’on apprécie notamment dans Stand by me).
L’action se passe dans les années 60, dans une petite bourgade du fin fond de l’Illinois, à la fin du mois de juin qui, en ce temps-là, marquait également la fin des cours. Une bourgade apparemment sans histoire dans laquelle trône cet invraisemblable bâtiment qu’est l’école d’Old Central, édifice titanesque aux origines sombres, peu à peu désaffecté et qui est destiné à être définitivement fermé. Et puis, alors que l’on fait connaissance avec certains des enfants de 9 à 12 ans avec lesquels nous allons passer toute l’histoire, survient un événement, très vite : la disparition de l’un d’eux. Le malaise s’installe alors, mais les élèves sont désormais en vacances et tentent d’abord d’en profiter. Jusqu’à ce qu’ils se rendent à l’évidence : quelque chose est arrivé à ce gosse déclaré provisoirement fugueur. D’autant qu’au même moment, surviennent d’autres faits, de plus en plus étranges et malsains : on perçoit des bruits bizarres, des chuchotements feutrés, un soldat de la Première Guerre Mondiale réapparaît.
D’abord par jeu, puis mus par une profonde conviction, quelques gamins décident de passer à l’action : il y a Mike, le redoublant, un leader né, catholique croyant et qui passe sont temps au chevet de sa grand-mère paralysée, terrorisée par quelque chose d’intangible ; Dale et son jeune frère intrépide, Lawrence, qui a terriblement peur du noir ; Duane, le gros garçon maladroit au génie méconnu, qui s’ennuie à l’école et possède d’effarantes connaissances livresques ; Harlen, dont le langage grossier et les remarques pertinentes cachent un mal de vivre permanent. Ils vont mener l’enquête pour savoir ce qui est vraiment arrivé à leur camarade. Bien entendu, la mystérieuse école d’Old Central est au centre de l’affaire et ils vont petit à petit mettre au jour une terrible menace cachée contre laquelle ils n’auront que leur innocence et leur volonté pour résister.
Nuit d'été fait indéniablement partie de ces ouvrages particulièrement prenants qu'on ne parvient à lâcher qu'avec regret. Il est en outre particulièrement bien écrit, avec cette capacité à ménager le suspense par des paragraphes courts centrés sur l’un des gamins, dans lesquels les pensées des protagonistes se manifestent souvent et grâce à une règle d’alternance bienvenue : on saute facilement des recherches de Duane à la bibliothèque aux trouvailles de Mike ou encore aux discussions des autres à l'intérieur d'une de leurs nombreuses cachettes. Et on vibre avec eux, malgré l’évidente banalité du sujet et des problèmes récurrents de traduction (l’un des adultes est successivement présenté comme shérif puis adjoint puis à nouveau shérif) doublés de coquilles habituelles aux éditions du Livre de Poche.
Bien entendu, ça ferait un très bon film.
Il a été présenté comme livre de commande ? Peut-être. C’est loin d’être un chef-d’œuvre en ce sens qu’il ne révolutionne rien, ni dans la forme ni dans le fond. Moi-même, je préfère le Simmons des Cantos, celui qui évoque des espaces infinis, des civilisations et des technologies insensées et des conflits cosmiques - le space opera demeurera à jamais le berceau de mes premières amours livresques. Toutefois Nuit d’été apporte son lot de suspense et de frissons ; le fait d’être en compagnie de gamins résolus à ne pas se laisser faire met en exergue toutes ces émotions que l’âge adulte tend à placer sous l’éteignoir. Car ces gosses sont en vacances et cherchent le plus longtemps possible à en profiter avant que l’horreur ne s’abatte définitivement sur eux. Dan Simmons a vraiment réussi à nous faire partager les réflexions et réactions de ces enfants, pas toujours logiques, jamais calculateurs, froussards pour des peccadilles et manifestant un courage étonnant dans des circonstances qui glaceraient d’effroi n’importe quel adulte. Certes, il y avait déjà tous ces éléments dans Ca, mais ici, on ne passe pas par de très longues allusions au passé : l’histoire se concentre sur cet été dramatique et sanglant (car les cadavres vont très vite se compter par dizaines) et ne nous laisse souffler que pour mieux nous y replonger.
Il a été présenté comme livre de commande ? Peut-être. C’est loin d’être un chef-d’œuvre en ce sens qu’il ne révolutionne rien, ni dans la forme ni dans le fond. Moi-même, je préfère le Simmons des Cantos, celui qui évoque des espaces infinis, des civilisations et des technologies insensées et des conflits cosmiques - le space opera demeurera à jamais le berceau de mes premières amours livresques. Toutefois Nuit d’été apporte son lot de suspense et de frissons ; le fait d’être en compagnie de gamins résolus à ne pas se laisser faire met en exergue toutes ces émotions que l’âge adulte tend à placer sous l’éteignoir. Car ces gosses sont en vacances et cherchent le plus longtemps possible à en profiter avant que l’horreur ne s’abatte définitivement sur eux. Dan Simmons a vraiment réussi à nous faire partager les réflexions et réactions de ces enfants, pas toujours logiques, jamais calculateurs, froussards pour des peccadilles et manifestant un courage étonnant dans des circonstances qui glaceraient d’effroi n’importe quel adulte. Certes, il y avait déjà tous ces éléments dans Ca, mais ici, on ne passe pas par de très longues allusions au passé : l’histoire se concentre sur cet été dramatique et sanglant (car les cadavres vont très vite se compter par dizaines) et ne nous laisse souffler que pour mieux nous y replonger.
Évidemment, avec du recul, et un peu de cynisme objectif, on est en droit d'affirmer qu’il ne se passe finalement pas grand-chose et que le gros de l’ouvrage n’est constitué que de longues digressions sur les décisions à prendre, car nos héros en culottes courtes passent leur temps à hésiter, si bien que les informations cruciales ne parviennent jamais au bon moment. Pour peu qu’on soit insensible à leur détresse, leur sentiment d’impuissance flagrante et leur volonté contrecarrée par la logique des adultes bornés, on peut trouver le temps long au fil de leurs atermoiements tragiques.
A lire le soir bien sûr (avec une lampe de poche et sous la couette…).
A lire le soir bien sûr (avec une lampe de poche et sous la couette…).
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