Ce livre est un cadeau.
Les circonstances dans lesquelles je l’ai trouvé, discrètement posé dans
mon casier à l’école, accompagné d’un mot tout aussi discret mais sincère,
suffiraient à expliquer pourquoi j’y attache plus d’importance qu’il ne devrait
en avoir. Mais, après tout, c’en est ainsi de tous les livres. De toutes les
œuvres d’art, d'ailleurs. Elles font écho au sentiment, aux émotions que l’on ressentait au
moment d’entrer en contact avec eux. Le livre, de par sa forme parfaite,
s’inscrit précisément dans un processus de communication entre les personnes
qui ont été mêlées à son existence, de l’auteur (et ici le dessinateur) à son
dernier récipiendaire, en passant par les éditeurs, vendeurs et acheteurs
précédents.
On me l’a offert. Pour me consoler, partager un peu de ma douleur et aider le temps à la déliter.
On me l’a offert. Pour me consoler, partager un peu de ma douleur et aider le temps à la déliter.
Geste profondément touchant, et juste. De la part d’une
« simple » collègue. Qui ne travaille même plus à l’école.
On ne saurait en être plus reconnaissant.
On ne saurait en être plus reconnaissant.
Non pas que ce don efface tous les autres, les témoignages d’affection et
les sollicitudes de ces derniers temps. C’est juste que, par son côté décalé,
différent, il se détache et prend une valeur considérable.
L’ai-je aimé pour autant ? Difficile à dire.
L’objet en lui-même est fort beau : les éditions Baker Street ont fabriqué un bel écrin au texte d'Eliette Abécassis avec des pages de bonne qualité, agréables au
toucher, une disposition claire, aux grandes marges et aux caractères larges,
une couverture à volets légèrement glacée sans atours inutiles, dont la première s’orne
d’une des splendides aquarelles de Marc Crick, présenté comme
photographe, dessinateur et auteur, signant ici, pour la première fois, des
illustrations pour un autre écrivain.
Cependant, au départ, il m’a un peu agacé et j’en ai appréhendé la
lecture : sa présentation laissait augurer d’une sorte de quête
personnelle chargée de symboles obscurs, mais surtout s'appuyait sur la description d’un
personnage singulier, qui existe réellement, sorte de gourou mondain conseiller
de dirigeants et globe-trotter de surcroît. De fait, c’est à peu près ce qu’il se
passe : la narratrice (l’auteur) se fait aborder par un homme qui la
harcèlera gentiment en lui révélant des fragments d’une vision la concernant,
concluant sa diatribe par la question : Peux-tu traduire cette
vision comme tu la ressens ?
La narratrice, elle-même philosophe, cartésienne et attachée à la vérité,
se refuse d’abord à entrer dans son jeu. Mais, progressivement, tout en
écoutant la manière dont cet Anaël se décrit et raconte son passé,
elle se met à comprendre les tenants et aboutissants des visions et finit par
déterminer qu’elles impliquent non seulement son avenir, mais également son
passé, et la manière dont le voyant et elle s’avèrent inextricablement liés.
Par ce dialogue, Anaël expose sa propre philosophie, d’une manière presque
comique tant elle est convenue, mais qui force le respect par sa sincérité.
Certes, on pourrait dire à l’instar de Coluche : Il a
des idées sur tout ; il a surtout des idées. Je vous ai
sélectionné quelques-unes de ses pensées ci-dessous.
La poésie nous emmène vers nous-mêmes. La religion fait descendre le ciel sur terre.
Le rire […] nous permet de dire l’indicible. Il nous fait parler du tragique, évoquer ce que personne n’ose dire. Le rire est une force subversive qui surgit en plein quotidien.
Au final, ce n’est pas tant le portrait de ce singulier voyant qui retient
l’attention, mais la manière dont le glissement s’opère entre la réalité un peu
floue du départ (la narratrice monte sur un bateau dont elle ne connaît pas la
destination) et les escales qui sont autant d’interstices entre le passé
légendaire et des bribes d’un avenir indistinct, où s’inscrivent en filigrane
les sagesses héritées de traditions ancestrales (africaines) dont Anaël se pénétrera au cours de ses voyages d’enfance. A la suite du dévoilement de ce
passé, Eliette insère les briques qui fonderont son avenir, un avenir où elle
devra servir de vecteur au message que lui ont inspiré les visions.
On y parle amour, compassion et compréhension et on y échafaude un
futur un peu plus rayonnant.
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