Tout nouveau, tout beau, c’est Otomo !! Magazine dédié à la Pop-culture nippone, par l’équipe de Rockyrama [1], Otomo se veut sélectif et joue fortement la carte de la nostalgie, à l’instar de 30 ans et demi et d’autres livres traitants des années Club Do, Récré A2, des anciens jeux vidéo… Revue épaisse, au format compact, classieuse, elle est centrée sur le Japon. Otomo propose dans son copieux sommaire cinéma, manga, jeux vidéo, cuisine, animation… le tout enrobé de reproductions de publicités d’époque. L’impression parfois baveuse, les images pixelisées à la limite du crapuleux, dénotent une volonté esthétique de faire du néo-rétro pour se démarquer de la concurrence.
Ce premier numéro à la maquette léchée ne prend pas de risque dans son contenu. Plusieurs articles traitent sans surprise de Leiji Matsumoto (interview et portrait), la succession d’Hayao Miyazaki au sein du Studio Ghibli, Takeshi Kitano (portrait, jeu vidéo et show TV), Godzilla, Kinji Fukasaku, les Tokusatsu [2] ou une collection de photographies Kaijū [3] sous forme de jouets, la mort des salles d’arcade au Japon, le laser disc du Ninja Scroll, le manga Le Vagabond de Tokyo et même d’intelligence artificielle.
Au milieu de tout ce fatras, pas de représentation féminine ! Actrices (Meiko Kaji, Reiko Ike), chanteuses (Yamaguchi Momoe…), dessinatrices (rien que le Groupe de l’an 24 composé en autre de Moto Hagio et Keiko Takemiya)…, ont pourtant aussi porté du bout des bras cette pop culture.
Foisonnant, pour un premier numéro, les articles oscillent entre une écriture intéressante et des réflexions pertinentes et du survolé (Muscleman aurait mérité beaucoup plus de pages !) et un oubli des citations des références, des sources chiffrées, de quelques crédits iconographiques, et hélas, des coquilles dans les textes (répétitions et fautes diverses). La reproduction de planches en anglais du manga Domu alors que celui-ci a été moult fois sorti en français ajoute au manque de sérieux. La mention de Rockyrama, qui pourtant se concentre sur l’Entertainment US, au lieu d’Otomo dans l’article sur les Tokusatsu, fait penser à de l'autopromotion un peu trop appuyée.
L’équipe rassemble des plumes connues et quelques nouvelles têtes. Ainsi, on retrouve les noms de Cédric Littardi à la publication, qui n’en est pas à sa première incursion dans le monde de la presse [4], celui de Pa Ming Chiu (Animeland, J-One, entre autres), Clément Arbrun (Rockyrama, les inrocks…). Il ne manque qu’un encart rendant hommage à tous ceux qui ont déblayé le terrain depuis les années 60-70 puis 80-90 permettant la reconnaissance et le développement de la pop culture nippone en Francophonie (et même s’il s’agit en grande majorité de la rédaction originelle d’AnimeLand [5]). Car c’est bien grâce à eux si ce magazine est là.
Otomo se démarque de la plupart des revues grâce son esthétique : des titres et le sommaire écrits à la verticale, des textes sur des fonds colorés (pas toujours lisibles), le choix des polices de caractères, un rendu photocopie pour certains articles… Le papier intérieur absorbant dégage une bonne odeur d’encre, mais celui de la couverture à tendance à vite s’abîmer. Les 166 pages sont retenues par un dos collé. Les sujets sont plus ou moins classés par thème (manga, yakuza, cinéma…) et l’on se surprend à picorer au gré de ses envies. Car son petit format, rappelant Manga player [6] tient bien en main. La qualité de l’ensemble montre une réelle volonté de partager une passion commune tout en apportant un minimum de contenu.
Otomo n’est donc pas dédié à l’auteur du célèbre manga Akira, mais il rassemble un condensé de la pop culture nippone en omettant aussi de parler de musique et, pourquoi pas, d’art au sens large (Araki par exemple) !
Des articles moins convenus, plus surprenants et allant au fond des choses auraient été les bienvenus dans ce premier numéro. Mais sa maquette soignée, ses partis pris esthétiques et sa thématique forte autour des productions de l’imaginaire nippon font d’Otomo un nouveau magazine prometteur.
Les néophytes découvriront quelques artistes, des objets cultes, les plus calés resteront sur leur faim et attendront patiemment le second opus.
Otomo, Ramen, Kaiju et Pop Culture
Éditions Ynnis 12,50€
Disponible depuis le 6 juillet
[1] Rockyrama s’occupe de l’Entertainment américain depuis environ 3 ans.
[2] Les tokusatsu, contraction de tokushu satsuei « effets spéciaux », regroupent des séries télévisées d’acteurs en chair et en os, parfois un peu kitsch selon le point de vue occidental, riches en effets spéciaux. On y trouve beaucoup de monstres et autres super-héros transformables. Excellent article à ce sujet ici.
[3] Kaijū : bête étrange, terme japonais employé pour désigner principalement des monstres géants tel Godzilla, symbolisant souvent la puissance destructrice de la Nature.
[4] Cedric Littardi est une personne très prolifique. Il a entre autres cofondé AnimeLand, fondé le label Kazé, Déclic Images… Entre 1998 et 2001, il lance plusieurs magazines (Séries TV, CinéFilm (s) et Manga Kids…). En 2012, Il monte le Dernier Bar avant la Fin du Monde, un centre dédié aux cultures de l’Imaginaire, en plein cœur de Paris et crée sa société de holding, Ynnis, qui s’occupe de publier Rockyrama et Otomo.
[5] Pour plus d’infos sur cette période, je vous renvoie sur le livre Big Bang Anime, d'Yvan West Laurence. Une chronique par ici.
[6] Manga player est un feu magazine de prépublication de manga dans les années 90 qui proposait quelques pages couleurs d’articles en plus de divers chapitres de BD.
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