Caliban est un peu la réponse maugréante et désabusée de Garth Ennis à la catastrophe que constituent les suites de la saga Alien (Prometheus et Covenant). L'auteur britannique n'est pas seulement un flingueur de mythes, c'est aussi un fan, presque transi, et il a saisi l'opportunité qui s'offrait à lui pour ressortir des cartons sa manière à lui d'envisager ce qu'aurait pu (dû !) être le cinquième volet de la franchise initiée par Ridley Scott.
Par bien des côtés, Caliban rappelle davantage Event Horizon
qu'Alien, et la paradoxal huis-clos que constitue un vaisseau en perdition dans
l'immensité cosmique dévoile ici un potentiel inexploité.
L'histoire débute par un accident, mais pas un banal carambolage sur une autoroute : alors que le vaisseau Caliban sillonne l'espace pour emplir ses soutes de minerai extraterrestre, un autre vaisseau surgit du néant pour, non pas entrer en collision, mais littéralement se fondre dans le Caliban. Le choc est moins spectaculaire, mais les conséquences sont terribles : avant même de comprendre ce qui est arrivé (comment deux objets aussi massifs peuvent-ils occuper le même espace ?), il faut d'abord relever les dégâts, colmater les brèches, s'occuper des survivants et se préparer au pire. Évidemment, une fois passés l'incompréhension et les réflexes désordonnés liés à une catastrophe imprévue, les membres d'équipage tentent de s'organiser, en utilisant au mieux les capacités de chacun. C'est là que l'écriture de Garth Ennis, même si elle n'atteint pas les sommets de The Boys ou Preacher, s'avère largement supérieure en terme de pertinence aux infâmes scénarios de Prometheus ou Covenant, dont les scientifiques étaient incapables d'agir autrement qu'en choisissant systématiquement la conduite à ne pas tenir en cas de danger. Garth Ennis met un point d'honneur à développer autant que faire se peut la psychologie de ses protagonistes et les rapports que chacun entretient avec autrui au sein d'une équipe disparate. C'est l'un des éléments de base d'une histoire tentant de passionner les lecteurs en les faisant trembler pour leurs héros.
L'histoire débute par un accident, mais pas un banal carambolage sur une autoroute : alors que le vaisseau Caliban sillonne l'espace pour emplir ses soutes de minerai extraterrestre, un autre vaisseau surgit du néant pour, non pas entrer en collision, mais littéralement se fondre dans le Caliban. Le choc est moins spectaculaire, mais les conséquences sont terribles : avant même de comprendre ce qui est arrivé (comment deux objets aussi massifs peuvent-ils occuper le même espace ?), il faut d'abord relever les dégâts, colmater les brèches, s'occuper des survivants et se préparer au pire. Évidemment, une fois passés l'incompréhension et les réflexes désordonnés liés à une catastrophe imprévue, les membres d'équipage tentent de s'organiser, en utilisant au mieux les capacités de chacun. C'est là que l'écriture de Garth Ennis, même si elle n'atteint pas les sommets de The Boys ou Preacher, s'avère largement supérieure en terme de pertinence aux infâmes scénarios de Prometheus ou Covenant, dont les scientifiques étaient incapables d'agir autrement qu'en choisissant systématiquement la conduite à ne pas tenir en cas de danger. Garth Ennis met un point d'honneur à développer autant que faire se peut la psychologie de ses protagonistes et les rapports que chacun entretient avec autrui au sein d'une équipe disparate. C'est l'un des éléments de base d'une histoire tentant de passionner les lecteurs en les faisant trembler pour leurs héros.
Du reste, et assez vite, on s'aperçoit qu'on est en terrain
connu : si la peur est engendrée par une situation inhabituelle dans des
contrées hostiles ("Dans l'espace, on ne t'entendra pas crier...", vous voyez ce que je veux dire) et
par une menace tapie dans l'ombre et impossible à détecter - sinon par les traces
qu'elle laisse de ses forfaits - la survie est aussi provoquée par l'ennemi
intérieur, le mouton noir, celui qui, pour une raison ou une autre ne réagira pas
comme il faut et mettra ses propres intérêts en avant plutôt que ceux du
groupe. C'est Ash dans Alien, Burke dans Aliens, le retour : mus par l'appât du gain ou
des ordres contradictoires, ils sapent le peu d'organisation que met en place
l'équipage. Même dans l'espace, l'homme est un loup pour l'homme, et pour peu qu'il n'y mettent pas un terme très vite, les survivants finiront par s’entre-tuer avant même de tomber sous les griffes de l'alien (si alien il y a !).
Cette menace sourde mêlée à un danger interne dont les personnages
ne prennent pas conscience est régulièrement la base des meilleurs récits
horrifiques : c'est sur ce point que Caliban se rapproche davantage d'Event
Horizon, voire même de The Thing dont il reprend une partie de la structure.
Cela dit, l'aspect SF n'est pas qu'un décor et Ennis cherchera tout de même à proposer des pistes de lecture assez intéressantes, en dévoilant un univers futur assez sombre, où les Terriens ont essaimé mais n'ont jamais rencontré de civilisations extraterrestres, se contentant d'exploiter les filons des planètes extérieures pour alimenter leur berceau terrestre devenu presque irrespirable.
119 planètes et lunes, et pas une seule d'habitable. [...] La vie extraterrestre ? Oubliez. Un lichen orange trouvé sur un astéroïde, ou bien une sorte de mollusque pataugeant dans ses propres excréments sur une lune. Stations, vaisseaux et air recyclé pour tous. La lumière ? Artificielle.
Cela dit, l'aspect SF n'est pas qu'un décor et Ennis cherchera tout de même à proposer des pistes de lecture assez intéressantes, en dévoilant un univers futur assez sombre, où les Terriens ont essaimé mais n'ont jamais rencontré de civilisations extraterrestres, se contentant d'exploiter les filons des planètes extérieures pour alimenter leur berceau terrestre devenu presque irrespirable.
119 planètes et lunes, et pas une seule d'habitable. [...] La vie extraterrestre ? Oubliez. Un lichen orange trouvé sur un astéroïde, ou bien une sorte de mollusque pataugeant dans ses propres excréments sur une lune. Stations, vaisseaux et air recyclé pour tous. La lumière ? Artificielle.
Cette rencontre fortuite va bien sûr mettre à bas
toutes leurs croyances, tout en menaçant la survie même de l'espèce entière. Toutefois le point fort du récit est plutôt la mise en avant de ses personnages, et notamment Sanchita et Nomi, deux jeunes femmes bien différentes, aussi modernes que le reste de l'équipage est classique.
Sur ce script bien calibré, presque sans surprise (c'est le principal défaut de ce comic référentiel, reprenant des bases déjà souvent développées par ailleurs), Facundo
Percio construit une bande dessinée agréable, au montage dynamique et à
l'encrage alimentant davantage l'ambiance oppressante des corridors obscurs, évoquant ainsi une menace invisible et meurtrière. Moins survolté que dans Anna Mercury, moins tourné vers l'action pure, il
livre une prestation honnête et parvient souvent à satisfaire les exigences gore
d'Ennis, (il y a quelques machins bien crades quand même) mais il manque aussi souvent de précision dans l'action, qui s'avère
parfois confuse, et les visages ne sont pas toujours reconnaissables.
Komics Initiative a réussi son coup avec une belle édition (sortie en février 2020), nantie de suppléments intéressants (une
préface par le Commis des Comics, une interview, des planches de travail), une
traduction honnête du texte original (paru chez Avatar Press), une impression de qualité et un volume conséquent pour 18 € : d'autre éditeurs ayant pignon sur rue pourraient en prendre de la graine.
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