Bienvenue Rémi, merci de nous accorder un peu de ton temps. Tu es passionné par la Seconde Guerre mondiale, tu pratiques l’airsoft, tu fais également de la reconstitution (assez pointue), tu participes à diverses commémorations, et tu as une chaîne YouTube te permettant de partager ta passion. Nous allons essayer d’aborder tous ces sujets et de les faire découvrir, par l’entremise de ton expertise, à nos lecteurs.
— Tout d’abord, pourquoi t’être spécialisé dans cette période historique en particulier ?
— J’ai grandi dans le sillage de mon père, passionné d’histoire du XXe siècle principalement. J’étais toujours super heureux de retrouver la maison de ses parents dans laquelle étaient gardés des centaines de maquettes, chars et avions. Après, la culture cinématographique m’a un peu aiguillé avec des vieux films comme Quand les Aigles attaquent ou Le Pont de Remagen.
Et à l’âge de 7 ans, mon père m’a offert ma première boîte de figurines au 1/72ème. Des parachutistes US, ça ne s’invente pas ! C’était donc en 1996. Puis je me suis acheté, avec mon argent de poche, d’autres boîtes pour aller avec. Et pendant toute mon enfance, je peignais ces figurines au lieu d’aller jouer dehors ! Je suis ensuite passé à l’échelle de figurines 1/35ème et j’ai ensuite vu que des reproductions existaient en vrai ! Et qu’il n’y avait même pas besoin de les peindre !
— Commençons par l’airsoft, si tu le veux bien. Quel serait ta définition de la discipline ?
— Question très personnelle mine de rien, chaque joueur a sa propre définition, et sa propre manière de pratiquer. Pour ma part, je dirais que c’est un jeu collectif, à pratiquer d’abord avec ses amis, avant de vouloir absolument faire du challenge. Je préfère avoir une bonne tranche de rigolade que des engueulades parce que untel n’a pas senti une bille car il joue pour la gagne.
— L’airsoft continue je crois d’être dominé par les répliques modernes, les répliques WWII sont plus rares, certaines étant très chères… est-ce que, à ton avis, le milieu va évoluer ou l’airsoft "historique" est-il condamné à rester le domaine de quelques passionnés ?
— Je crois que le milieu sera toujours marginalisé, les répliques sont assez rares comparées aux M4 et AK et toutes les versions disponibles, et la fiabilité n’est pas tellement la première des qualités quand on pense airsoft WW2. Ceci dit, cela fait un "écrémage" naturel, l’airsoft WW2 étant parfois aussi poussé que le Milsim. Tout dépend des associations bien sûr. Mais un joueur d’airsoft WW2 pourra aussi passer dans le côté reconstitution, ce qui n’est pas possible pour un airsofteur « moderne ».
— Ton meilleur et ton pire souvenir en partie d’airsoft ?
— Le meilleur : une partie à Toulouse avec 150 joueurs et véhicules. Comme je n’avais pas de réplique avec une bonne portée, je me suis mis infirmier, donc c’était vraiment sympa de courir partout !
Le pire : une autre partie à Toulouse avec 50 joueurs et un véhicule. J’avais une Thompson, ma toute première, et je lui ai mis un canon de précision JUSTE AVANT d’aller jouer. Manque de bol, j’avais des billes cheap. Donc je n’ai quasiment rien pu tirer pour cause de bourrages. Et s’en est suivi des problèmes de batteries. Que du bonheur...
— Un tas d’idées préconçues sont véhiculées par les médias et les ignorants (je ne sais pas pourquoi je fais une distinction entre les deux…) sur l’airsoft, surtout pratiqué en uniforme. Tu as dû déjà recevoir un paquet de réflexions stupides, quelle est la pire chose que tu aies entendue ?
— Il y a plein de choses négatives qui sont dites par les "non sachant", à plusieurs niveaux. Le pote qui ne connaît pas dira « vous jouez à la guerre », lorsque l’antifa primaire dira "vous êtes tous des nazis". Le média qui s’intéressera à l’airsoft aura une chance sur deux de vouloir le descendre, alors qu’on a les mêmes enjeux qu’un simple match de foot finalement. Seul l’outil sera différent. On n’utilise pas nos pieds mais des lanceurs. Et la réflexion la plus stupide est venue de collectionneurs eux-mêmes, qui m’ont traité de FARB (Fast And Researchless Buyer) alors que j’arborais un uniforme historiquement correct, mais dont ils ignoraient tout simplement l’existence.
— Justement, sur ta chaîne, tu fais des présentations de répliques mais aussi d’uniformes. Et contrairement à ce que l’on pourrait penser, se lancer dans la confection d’une tenue complète, c’est toute une aventure. Combien de temps cela prend-il en moyenne pour avoir une tenue, non réellement "finie" (car j’ai cru comprendre que ce n’était jamais le cas), mais au moins "portable" ? Par quelles étapes faut-il passer ?
— Tout d’abord, il faut de la doc. Qu’elle soit numérique, papier, orale (connaisseurs) et surtout des photos d’époque. Sans ça, vous pourrez acheter tout et n’importe quoi, il y aura peu de chances que ce soit bon. Une fois que vous savez ce que vous voulez (mes vidéos aident aussi), vous pouvez vous lancer dans l’estimation du budget, où acheter, etc. Et prioriser. J’ai moi-même un tableau Excel avec les pièces qu’il me manque pour commander au fur et à mesure pour tel ou tel uniforme. L’idée c’est de ne se plonger que dans un seul uniforme à la fois, pour ne pas se perdre. Évidemment, je ne peux plus faire ça depuis des années ! Je dois tout gérer à la fois si je veux faire tourner ma chaîne YouTube...
Et après, il faut oser porter l’uniforme pendant une sortie et demander des conseils aux autres. Ne pas hésiter à vouloir s’améliorer. Il vaut mieux être curieux que de rester dans son coin en se pensant correct.
— À propos des uniformes, pourrais-tu nous donner des exemples de détails "qui changent tout", de petites trouvailles auxquelles on ne pense pas forcément et qui t’ont rendu particulièrement fier ? Ça peut être aussi bien un accessoire rare qu’une astuce pour l’améliorer.
— Tout bête : la patine. Un uniforme neuf sera globalement moche. Mais comment faire pour le patiner si on ne peut pas le porter puisqu’il est trop neuf ? Cercle vicieux... Il faut donc patiner artificiellement votre uniforme. Il existe tout un tas de méthodes, en fonction de la matière, mais il sera primordial de s’intéresser à ce point dès le début. Après je ne dirais pas qu’il y a quelque chose qui me rend particulièrement fier, la fierté doit être, à mon sens, laissée de côté pour correctement pratiquer l’Histoire. Sinon ça se transforme en batailles d’ego et on oublie la raison pour laquelle on est là. (true story...)
— Combien de temps mets-tu pour réaliser une vidéo ? À quel point YouTube a pris de la place dans ta vie ?
— Très bonne question, je n’aurais pas mieux demandé ! Une vidéo unboxing me prendra une heure, à tout casser. Une vidéo d’uniforme me prend entre 2 et 6 semaines. Mais bien sûr, c’est en admettant que j’ai déjà tout le matériel et que je n’ai rien besoin d'acheter, sinon on rallonge les délais...
YouTube est devenu ma passion principale, avant même de faire des parties d’airsoft ou des reconstitutions. Je ne fais pas parti d’un groupe ou d’une association, et je me sens plus utile derrière une caméra que sur un terrain. Donc je préfère me dire que je suis d’abord un collectionneur qui aime partager avant d’être un reconstitueur ou un airsofteur. Résultat, je consacre entre 1 et 6 heures par jour à YouTube, quand j’ai du temps entre mon vrai travail et ma vie de famille, sociale, etc.
— Tu participes aussi à des reconstitutions, lors d’événements particuliers (commémoration du débarquement en Normandie, de la libération de Paris…), ça n’a évidemment plus rien à voir avec l’airsoft. Qu’est-ce que cela représente exactement pour toi ?
— J’ai toujours commencé l’airsoft en me disant "quand je serai prêt, je ferai de la reconstitution". Ainsi, j’ai fait ma première sortie à 19 ans, en 2008, en Normandie. Les deux pratiques vont de pair je trouve, l’une permettant de montrer du matériel au public, l’autre permettant de réellement s’en servir. Seuls ceux qui ont eu à manipuler des chargeurs savent comment les ranger dans les porte-chargeurs, comment gérer l’équipement sur le brelage de manière pratique (pas la pelle sur le devant par exemple !). Ceci dit, le public est souvent présent en reconstitution, ce qui n’est pas le cas en partie d’airsoft, donc l’approche à adopter sera différente. Certains n’arrivent pas à faire la passerelle quand d’autres y arrivent très bien. Tout dépend de son niveau d’exigence, qui sera forcément différent si on ne fait que de l’airsoft, ou aussi de la reconstitution, qui sera beaucoup plus poussée.
— Toujours sur les reconstitutions, je sais par exemple que tu as déjà défilé, dans un véhicule militaire sur les Champs Elysées, en chantant la Marseillaise. Est-ce que tu as un autre souvenir, particulièrement émouvant, lié à un événement du même ordre ou une commémoration ?
— Quand j’ai rencontré Spielberg et qu’il m’a proposé un rôle dans son prochain film.
Non, je déconne !! [part en pleurant]
Effectivement, remonter les champs en hurlant la Marseillaise était une grande expérience. Le refaire en 2019 également, surtout que je n’étais pas officiellement dans le dispositif (plus de place disponible).
Faire la marche des paras en 2010 a également été émouvant, je la referais bien un de ces jours ! Mais en vrai, je suis ému à chaque fois qu’un jeune me reconnaît, me demande une photo/un autographe, car je suis toujours étonné qu'on puisse regarder mes vidéos sur YouTube... !
— Voir des gens porter des uniformes militaires (allemands ou non d’ailleurs) peut très vite, chez certains béotiens, s’amalgamer à du "fascisme". Notre société est de moins en moins permissive et tente de contrôler la fiction, le jeu, les auteurs (cf. cet article ou encore celui-ci). Est-ce que tu as peur pour l’avenir de l’airsoft ou celui du domaine de la reconstitution historique ?
— Oui, nous avons tous peur. Les réglementations sont de plus en plus restrictives, parce que c’est mal de se souvenir du passé, en atteste l’actualité tous les jours. Les cours d’histoire à l’école perdent de plus en plus de sujets, la pensée unique se met petit à petit en place, et la reconstitution historique vient à contre-courant de tout ça. Donc nous regardons tous d’un œil inquiet les interdictions des armes, les neutralisations qui massacrent les armes historiques (soi-disant pour notre "sécurité"... mais les lois créées suite aux attentats du Bataclan n’ont pas empêché un autre terroriste de prendre un poids lourd à Nice. A-t-on interdit les poids lourds, les couteaux, les voitures depuis ?).
Évidemment, je fais du gros raccourci, mais alors que nous ne faisons pas de mal en pratiquant notre passion, les lois viennent nous taper dessus. L’étape d’après sera sans doute l’interdiction pure et simple de l’uniforme allemand. Sous quel prétexte, on l’attend encore, mais ça va bien tomber un jour...
— Nous terminons en général nos entretiens avec une question bien particulière : si tu pouvais avoir un super-pouvoir, ce serait lequel et pourquoi ?
— Ce n’est pas tellement un super-pouvoir mais une super-envie : pouvoir vivre de ma passion ! Mais je sais que ça n’arrivera jamais, YouTube et Facebook me rappelant au quotidien que je ne suis qu’un marginal, et qu’il vaudrait mieux faire des vidéos "prank" ou de chats mignons.
Sinon... pouvoir remonter le temps, et ramener plein de casques de paras allemands du passé pour les mettre sur mon étagère dans le présent !
Un grand merci à Rémi/Neo035 pour nous avoir permis d'en apprendre un peu plus sur ces passionnants sujets. Nous vous conseillons vivement ses nombreuses vidéos de présentation d'uniformes, de répliques ou de personnalités. Vous trouverez également sur sa chaîne des tutoriels très utiles ou encore des courts-métrages. Bref, il y a de quoi faire si le sujet vous intéresse, le tout avec la petite touche d'humour spécifique au sieur Neo. Et si son travail vous plaît et vous semble digne d'intérêt, n'hésitez pas à l'aider en participant, même un peu, sur son Tipeee ou MyTip.
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