Anthologie Misty



Nous l’annoncions en 2018, l’anthologie Misty, publié par Delirum, distille un concentré de récits horrifiques issus de la revue éponyme dont la cible originelle était les jeunes filles, dans la pure tradition des illustrés britanniques entre les années 50 et 80 [1].
Misty fut créée par Pat Mills, à qui l’on doit l’hebdomadaire 2000 AD et le cultissime Judge Dredd. Elle connut son heure de gloire à la fin des années 70, là où, en France, les bandes dessinées à destination d’un public féminin brillaient par leurs quasi-absences.

L’anthologie concoctée par l’éditeur francophone Delirium alterne des récits à épisodes et de très courtes nouvelles. Les auteurs creusent le sillon de l’ambiance et des phénomènes paranormaux avec une certaine subtilité puisque même l’aspect social n’est pas oublié. Pouvoir psychique, manipulation mentale, dimension parallèle... constituent le sommaire de ce numéro riche en atmosphères éclectiques qui propose un joli panorama du fantastique des années 70-80.

Le livre se compose de 5 histoires :

Moonchild : brimée par ses camarades de classe qui voient en elle une sorcière, Rosemary Black endure les sévices de sa mère qui pense que le mal croit en elle ; la faute a une cicatrice en forme de croissant de lune. Pourtant, cette femme qui refuse l’électricité est elle aussi considérée par ses voisins comme maligne. Les ragots, le milieu scolaire sont autant d’épreuves pour Rosemary, dont le cœur oscillera entre le Bien ou le Mal. Moonchild ne cache pas sa relecture de Carrie, écrit par Stephen King.

Racines : Jill Trotter se retrouve chez son grand-père, dans un petit village loin de tout. La nature est belle, les personnes âgées, en pleine forme ! Mais pourtant, tout cela parait bien irréel.

Les quatre visages d’Ève : Ève Marshall est sujette à de nombreux cauchemars depuis son lit d’hôpital. Elle ne se souvient de rien avant son accident. Seule, sans amie, elle découvre que la fenêtre de sa chambre dispose de barreaux, qu’un gardien rôde dans le jardin avec son chien. Impossible pour elle de sortir... Mais voilà qu’au beau milieu de la nuit, ses parents l’emmènent dans une maison isolée. Cette histoire est inspirée par Audrey Rose, un film de Robert Wise.

L’ombre d’un doute : la jeune Mary entend claquer la porte de la grange, en pleine nuit ; elle décide d’aller voir ce qu’il se passe.

Les sentinelles : Deux immeubles se font face, deux tours jumelles. L’un agréable à vivre, l’autre, en délabrement. La famille de Jan est expulsée du logement qu’elle occupe ; contraints de squatter dans le bâtiment en ruine, ils seront confrontés à des événements troublants. Les auteurs nous proposent de suivre des personnages au sein non pas d’une maison hantée, mais d’un immeuble !

Pour un prix modique, au vu du nombre de pages, l'anthologie Misty, s’avère, pour le lecteur francophone, une véritable curiosité de ce que les Britanniques offraient aux jeunes filles. Si les graphismes accusent leur époque, ils n’en demeurent pas moins variés, élégants et soignés. Le découpage se veut audacieux mais frôle de temps en temps l'indéchiffrable. Les noirs et blancs apparaissent très contrastés, avec des détails parfois bouchés et charbonneux ; les planches proviennent de pages numérisées des revues. Peu de coquilles dans cette compilation, si ce n’est la présence d’une tirade mal placée sur la tête d’un personnage.

L’anthologie Misty nous montre que l’on peut créer des récits où les auteurs ne ménagent pas leurs héroïnes, en ciblant un public de jeunes filles sans tomber dans la mièvrerie, avec des dessins gracieux et des mises en pages ambitieuses, à défaut d’être toujours parfaitement lisibles. Un second opus serait le bienvenu !
Pour ceux que la langue de Shakespeare ne rebute pas, quelques recueils sont disponibles et proposent des thèmes comme "Loups-Garous femelles"...

Anthologie Misty, traduit de l’anglais par Jean-Paul Jennequin et François Peneaud. Scénario de Pat Mills et Malcom Shaw. Dessins de Juan Ariza, John Armstrong, Maria Barrera Castell, Mario Capaldi, Brian Delaney. 176 pages, 24 euro

Site de l'éditeur

[1] Pour en savoir plus sur l’histoire de la bande dessinée britannique pour les jeunes filles : ici.


+ Les points positifs
- Les points négatifs
  • Des graphismes et des récits variés.
  • Le rapport prix/nombre de pages.
  • Couverture rigide, belle qualité d'impression sur papier très blanc, images nettoyées.


  • Planches à la lecture parfois confuse.
  • À quand un autre opus ?