Nous recevons aujourd’hui un humoriste talentueux que vous pouvez retrouver dans ses chroniques sur France Inter ou encore sur sa chaîne Youtube, remplie d’extraits de spectacle mais aussi de capsules diverses et même de road-trips épiques !
UMAC : Alexis, merci de nous accorder un peu de ton temps, alors, question un peu bateau pour commencer, comment as-tu eu envie de devenir humoriste ?
Alexis Le Rossignol : Ça m’est tombé dessus comme ça, au Mexique, où j’ai vécu pendant 7 ans. Je buvais une bière dans un bar, des humoristes ont débarqué et ont commencé à faire des blagues. Ça a été une révélation, je me suis dit "voilà un truc que je pourrais faire et qui me rendrait heureux".
— Pour acquérir de l’expérience et "tester" les vannes, je crois que les humoristes ont recours aux "plateaux", peux-tu nous en dire plus ? Quels sont les particularités de ce genre de scènes, la concurrence y est-elle rude ?
— Effectivement, il y a plusieurs endroits dans Paris (Paname Art Café, le Fridge, Madame Sarfati, le Jardin Sauvage, Goku…) où le public peut assister à des spectacles d’humour qui durent en général une heure et qui permettent de voir six ou sept humoristes. Et c’est sur ce genre de plateaux que nous testons nos vannes. Comme tu dis, il y a de la concurrence mais je trouve que c’est un milieu assez cool, évidemment tout le monde veut briller et faire le meilleur passage, mais tout le monde sait aussi que celui qui cartonne un soir peut bider le lendemain. Et le bide, ça rend humble…
— Il faut quand même une paire de couilles de la taille d’un stade de foot, non, pour monter sur scène et affronter le public ? Surtout que, contrairement au théâtre, le stand-up ne permet absolument pas de se reposer sur des partenaires, c’est "sans filet".
— J’ai longtemps joué au foot et j’ai vu des paires de couilles beaucoup plus grosses que les miennes. Je ne suis pas un mec particulièrement courageux, je fais ça parce que ça me plaît, et je pense que ma perception du public est juste différente de la tienne. Tu dis "affronter le public", moi je dis plutôt "jouer devant un public", et cette notion de jeu est primordiale pour moi. Je viens m’amuser, tenter de prendre du plaisir et d’en donner, c’est tout.
— Quel sont tes meilleurs et pires souvenirs sur scène ?
— J’ai joué une fois devant des membres de ma famille que je vois rarement. C’était il y a trois ans, une des toutes premières dates de mon spectacle à Paris. Il n y avait pas grand monde dans la salle et ils étaient là, face à moi, les bras croisés. J’étais déjà sur France Inter, je pense qu’ils s’attendaient à un spectacle rodé, efficace, à voir du monde dans la salle, et ils avaient face à eux un type qui se décomposait un peu plus après chaque vanne, qui enchaînait laborieusement tout en se disant "merde… la prochaine vanne va encore moins leur plaire".
Et pour les meilleurs souvenirs, je ne sais pas… Un truc me vient en tête, qui n’est pas un souvenir de scène à proprement parler mais une anecdote liée à une tournée en plein air que j’ai organisée cet été en Bretagne. J’avais envie de créer un événement populaire et accessible, avec une participation libre à la fin du spectacle. Et un jour, un monsieur m’a donné une enveloppe. Dans cette enveloppe il y avait 1 euro, et une lettre qui disait "je suis au RSA, je n’ai pas les moyens d’aller à des spectacles ou au cinéma, mais ce soir j’ai pu rire grâce à toi". Ça m’a donné envie de chialer. Et puis après je me suis dit "1 euro… mais quel crevard quand même… le RSA c’est au moins 500 euros, ils sont où les 499 autres euros ?".
— Tu as une série de capsules, sur internet, intitulé "Roue Libre", où tu parles face caméra pendant que tu te balades… en vélo. Pas trop de chutes à ce jour ? Est-ce que c’est totalement improvisé ? On t’y sens en tout cas très naturel, parfois drôle mais flirtant aussi, à l’occasion, avec une certaine forme de poésie. C’est un mélange volontaire ?
— Si une fois ou deux, mais des chutes d’amateurs. Pas la chute à la Jalabert, avec le soleil et les rayons qui vont avec. Les roues libres sont à moitié improvisées, souvent je pars avec un post-it sur lequel j’ai écrit des mots, deux ou trois idées, et j’improvise là-dessus. Après la poésie… c’est pas du Beaudelaire non plus hein… mais bon, on me dit ça de temps en temps, alors je veux bien y croire… En fait les roues libres sont très liées à mon humeur au moment où je les fais, c’est un format que j’ai commencé il y a 4 ans, à l’époque ça faisait 100 vues sur YouTube, je n’ai jamais vraiment réfléchi à un quelconque positionnement, j’y vais au feeling.
— Tu officies également sur France Inter, dans un exercice différent. Alors, il est sympa Naguy en vrai ? Et Leïla, tu l’as dragouillée ? Parce que ça, mine de rien, ça peut en motiver certains à démarrer une carrière d’humoriste.
— Nagui est sympa, oui. D’humeur égale, bon soutien pendant les chroniques, speed mais capable de prendre le temps d’une bonne discussion ou de donner des conseils quand tu le sollicites. Ouais, j’ai franchement pas grand-chose à lui reprocher. Et pour la deuxième partie de ta question, la réponse est non. Que ce soit elle ou une autre, je ne sais pas draguer…
— Il t’est déjà arrivé de partir en road-trip, en stop, pour aller récupérer (si je me souviens bien) une machine à tacos chez un pote. Outre le fait qu’on se doute bien que c’est plus économique que le train, est-ce qu’il n’y aurait pas chez toi un côté un peu marginal (tu as tout de même dormi dans un immeuble abandonné pour finir par aller voir une collection de combi Volkswagen) ? Ce genre d’escapades t’aide-t-il à trouver de l’inspiration pour tes spectacles ?
— Je ne sais pas si c’est être marginal que d’avoir envie parfois de se barrer deux ou trois jours pour faire du stop ou marcher sans but. C’est juste un truc que j’aime faire parce que soudainement, c’est l’inconnu et le hasard qui décident à ta place, tu n’es plus maître de tout, tu fais des rencontres, tu brises la routine. Et tu galères aussi, et c’est con à dire mais je crois que j’aime ça, galérer.
Et effectivement, parfois ça m’inspire, mais pas toujours. En tout cas ce n’est pas pour ça que je le fais. Je le fais parce que c’est une forme de liberté, courte, ponctuelle, mais réelle.
— Comme tu l'as évoqué plus haut, tu es également parti en tournée en Bretagne dans un bus aménagé, en multipliant les endroits insolites. Là encore, ce n’est pas commun, il y a un côté très artisanal, "routard" et proche des gens dans cette démarche. Comment cela s’est-il passé ? Et d’autres régions sont-elles prévues ? Parce que perso, je suis en Moselle, du coup Ploëmel, ça me fait un peu loin.
— J’ai toujours voulu faire des tournées, pour moi c’est l’essence même du métier : aller à la rencontre des gens. J’avais vu quelques images de la tournée Babylon by Bus de Bob Marley et ses musiciens quand j’étais ado. J’avais trouvé ça génial. En début d’année j’ai rencontré Pierre Mainguy, le propriétaire du bus aménagé avec lequel nous sommes partis. On en a discuté, on est devenus potes, on s’est lancés là-dedans. Au feeling encore une fois. Et oui, on prévoit de pousser en Normandie l’été prochain.
[1] Après Les Voies Parallèles, édité chez Plon. |
— Pas vraiment, je lis beaucoup mais pas des trucs drôles. Ou alors quand on me dit "lis ça, c’est drôle", bah je trouve pas ça drôle. Par contre je me marre en lisant des trucs comme Plateforme ou Extension du domaine de la lutte de Houellebecq, même si ce n’est pas censé être drôle. J’aime les personnages de losers, parce que je m’y reconnais. Je peux vous recommander Une vie française aussi, de Jean-Paul Dubois. Il y a des moments d’intense drôlerie.
— Quels sont tes projets à plus ou moins long terme ? Où peut-on venir te voir en ce moment ?
— En ce moment je joue au théâtre du République à Paris, et je suis sur l’écriture de mon deuxième roman [1]. Et puis j’aimerais bien faire du cinéma aussi, ou du théâtre.
— La question traditionnelle qui clôture les entretiens sur UMAC : si tu avais un super-pouvoir, ce serait lequel, et pourquoi ?
— Le super-pouvoir de me téléporter. Penser à un endroit du monde et pouvoir m’y trouver dans la seconde suivante.