"Les hommes ont tué la mer. Elle revient les hanter..."
En ce mois d'octobre 2021 sort La baleine blanche des mers mortes. Derrière cette couverture, dont la beauté n'a d'égale que la simplicité évocatrice, se cache le préquel du roman d'Aurélie Wellenstein intitulé Mers mortes.
Pour commencer cette chronique, il me faut vous expliquer le postulat de départ de l'auteur.
Nous sommes dans un futur post-apocalyptique consécutif à une catastrophe écologique d'ampleur mondiale : toutes les mers et tous les océans se sont asséchés. Pas besoin de vous faire un dessin : c'est la faute à notre pollution et, a fortiori, de notre faute. Hydrocarbures, acides, plastiques, métaux lourds... il faut dire qu'on s'est donné du mal pour bien faire les choses, hein !
Les humains, dans leur grande suffisance, survivent donc tant bien que mal, persuadés de n'être que les victimes de cet état de fait.
Mais les mers mortes et leurs habitants disparus n'en resteront pas là car des marées hautes de mers fantômes charriant les âmes de toute la faune qui y vivait vont bientôt se précipiter sur les terres et voler les âmes des survivants.
Les mers mortes narre la vengeance de cette nature bafouée et elle le fait de façon symbolique, poétique et parfois glaçante.
Cette bande dessinée nous raconte la rencontre entre deux personnages initialement opposés dans leurs combats comme dans leur nature profonde : Bengale et Chrysaora.
Lui est un survivant dur à cuire que les marées fantômes semblent éviter (on apprendra pourquoi). Il ne craint pas que les fantômes marins lui volent son âme et s'aventure sans trembler partout où ses pieds le portent. Actuellement, il est à Paris. Une ville de Paris dévastée, en ruines... Elle, c'est une jeune femme qui danse littéralement avec les fantômes de méduses lors des apparitions de la mer fantôme !
Lui est un survivant dur à cuire que les marées fantômes semblent éviter (on apprendra pourquoi). Il ne craint pas que les fantômes marins lui volent son âme et s'aventure sans trembler partout où ses pieds le portent. Actuellement, il est à Paris. Une ville de Paris dévastée, en ruines... Elle, c'est une jeune femme qui danse littéralement avec les fantômes de méduses lors des apparitions de la mer fantôme !
Ils vont bien vite être confrontés à un groupe de survivants terrés dans l'Opéra Garnier. Musiciens, ces gens jouent pour calmer la fureur d'un gigantesque fantôme de baleine blanche qui a dévoré l'âme du fils du chef d'orchestre. Le maestro tâche, depuis, de récupérer cette âme afin de la rendre au corps hébété de son enfant.
Bien vite, on comprendra que les musiciens sont assez loin d'être très hospitaliers, que nos deux héros ne sont pas nécessairement du côté de l'Humanité et que les choses ne tourneront pas comme nous l'aurions anticipé... mais dans un univers aussi étrange, l'histoire contée ne peut être conventionnelle.
Tout cela semble sans doute très étrange ainsi résumé mais cela s'impose comme une évidence à la lecture de la BD tant l'univers est à la fois pertinent et empreint de poésie.
En cela, les dessins d'Olivier Boiscommun sont d'un très grand secours (Boiscommun, le dessinateur des trois premiers tomes de Troll avec Morvan et Sfar aux éditions Delcourt, quels bons souvenirs d'adolescence avec ce classique de la BD que je m'étais offert en coffret avec mes premières paies d'étudiant !). Toujours aussi habile dans les traits et efficace dans la transmission des émotions, Boiscommun fait ici le choix de la couleur directe à l'aquarelle qui manque tant à certains albums actuels : ça apporte aux planches une luminosité et une profondeur de champ qu'on ne voit que trop peu souvent.
Tout ici fleure bon le projet porté avec amour et respect.
Une fois de plus, la stratégie de Drakoo consistant à engager des auteurs de romans en guise de scénaristes s'avère payante : c'est une vraie et intéressante histoire qui se paie le luxe d'être tantôt bouleversante, tantôt amusante, qui n'est pas excessivement anthropocentrée (ce qui serait imbécile dans un récit mettant en scène la vengeance d'animaux) et donne la parole à ces créatures marines dont nous n'avons su entendre le cri muet (même moi, ça me rendrait poète !).
Cela va sans doute sembler excessif mais... vous ne trouverez rien qui ressemble à ce projet ailleurs.
La baleine blanche des mers mortes est une de ces rares BD écolos qui sont parvenues à faire avaler au quarantenaire que je suis un message écologiste sans lui faire lever les yeux au plafond. Ce n'est jamais lourdement moralisateur, ce n'est en rien prosélyte, ce n'est pas hypocritement écolo dans le seul but de faire des ventes, ça ne met pas en scène avec pathos une enfilade de bons sentiments dégoulinant de moraline... C'est juste une bonne histoire qu'on lit avec plaisir, avec laquelle on ne peut qu'être d'accord et qui convaincrait les plus spécistes et carnivores d'entre nous (au nombre desquels je suis) d'être d'accord avec son propos.
Le malheur, dans tout ça, c'est que ça va sans doute me pousser à me plonger (haha !) dans la lecture des romans d'Aurélie Wellenstein. Je n'avais jamais entendu parler d'elle auparavant (ouais, bon, on a tous nos lacunes, d'accord ?) mais là, pour le coup, cet univers audacieux me tente bien... Et pour que le GriZZly soit intéressé par une romancière préoccupée par les causes écolos et animales, c'est qu'elle a su gagner à ses yeux des galons de probité littéraire ! Entendons-nous bien : je respecte les animaux et la nature. Je suis un heureux campagnard et j'aime les bestioles... mais les écolos me donnent le plus souvent des envies de rouler en 4X4 au milieu d'une réserve naturelle, rien que pour les faire rager. Alors qu'ici, j'ai juste envie de me mettre à militer pour Sea Sheperd !
Parce que c'est beau et intelligent.
Hors de question pour moi, par conséquent, d'en dire plus sur l'histoire ou ses rebondissements, sur le ton ou les techniques de dessin... Cette fois, faites-vous vraiment un avis par vous-mêmes et craquez pour cette couverture intrigante. Quand une BD ne se moque pas de vous, qu'elle vous emporte ou non, vous ne sauriez regretter son achat. Or, celle-ci vous parle comme à un adulte mais va chercher au fond de vous cette âme d'enfant qui nous a tous un jour poussé, dans nos jeunes jours, à aimer les animaux de façon inconditionnelle...
Elle vous prend au sérieux, prend son thème au sérieux mais sans se prendre, elle, au sérieux ; en gardant légèreté, poésie et quelques touches d'humour.
Une réussite, ni plus ni moins.
Une réussite, ni plus ni moins.
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