Retour sur Hellboy, un comic aussi original que percutant.
Le pitch tout d'abord. Hellboy nous conte les aventures d'un démon, initialement invoqué par Raspoutine pour le compte des nazis, et recueilli ensuite par l'armée américaine. Quelques années plus tard, Hellboy travaille pour le BPRD (Bureau for Paranormal Research and Defense) et parcourt le monde, affrontant des menaces mystérieuses et variées.
Voilà, nous sommes donc en gros dans le domaine du paranormal. Graphiquement, le dessin de Mike Mignola est très stylisé, non réaliste, et joue sur les contrastes en utilisant la technique du clair-obscur. Certaines cases sont parfois très dépouillées et simplistes, mais l'ensemble parvient tout de même à générer une atmosphère troublante et à faciliter l'immersion pour peu que l'on ne soit pas réfractaire à ce style particulier.
Cependant, ce qui marque le plus dans l'œuvre de cet auteur, c'est essentiellement son choix narratif. La plupart des volumes (édités en France chez Delcourt) fonctionnent en fait comme un recueil d'histoires fort courtes et constituées d'une douzaine de planches (parfois seulement huit !). Le gros défaut de ce parti-pris est qu'il est difficile - voire impossible - de camper des personnages secondaires un tant soit peu développés. De plus, à peine rentré dans une ambiance rapidement créée, le lecteur se voit bousculé vers la suite, à la rencontre d'un autre lieu.
Nous ne sommes donc pas en présence des longs récits habituels mais, passé un moment de surprise - voire de gêne - l'on finit par s'y faire et se laisser entraîner dans cette expérience surprenante. Les vampires succèdent aux fantômes ou aux sociétés secrètes, les pays et les époques défilent, tout comme les visages grimaçants, et on en arrive à se laisser bercer par cet onirique voyage.
Malgré les thèmes horrifiques et démoniaques de ses histoires, Mignola reste néanmoins dans une forme très esthétisante de l'épouvante, sorte de cauchemar lisse dans lequel le sang coule mais prend l'apparence d'un joli aplat. Il est évident que l'on peut sentir dans Hellboy l'influence de certains écrivains, comme Edgar Allan Poe. L'une de ses nouvelles, Le Ver Conquérant, a d'ailleurs donné son titre à l'un des TPB de la série. Il faut reconnaître qu'un véritable parallèle existe entre ces deux auteurs, non seulement dans l'ambiance générale qui se dégage de leurs récits mais également dans leur manière de privilégier l'atmosphère plus que l'histoire au sens strict.
Notons tout de même l'importance de Hellboy lui-même pour son charisme (et son physique atypique) mais aussi et surtout pour son rôle essentiel de "trait d'union" entre les différents lieux et protagonistes. Le personnage, démon, aventurier en quête de son passé, agent d'une organisation qui est loin d'être irréprochable, est d'une grande richesse et se trouve même lié au Roi Arthur, Mignola n'hésitant pas à puiser dans les mythes et l'Histoire pour asseoir son univers baroque et gothique.
En conclusion, voilà une série à part, très travaillée et sortant des sentiers battus. Si vous souhaitez délaisser pour un temps le monde des Masques et vous offrir une excursion dans l'étrange, Mignola pourrait bien vous offrir une balade dont vous vous souviendrez, après avoir tourné la dernière page, comme d'un rêve étrange et envoûtant.
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