Uncanny X-Men, tome 1 : la révolution mutante, c'est maintenant !


Chris Bachalo a si souvent côtoyé les X-Men au cours de sa carrière,  qu'il semblait être l'élu pour illustrer les séries X post-Schism. En effet, depuis 2011, il est aux commandes de Wolverine and the X-Men (paru en mai 2015 chez Panini Deluxe) et depuis 2013 de la série Uncanny X-Men parue le mois dernier en France en format Marvel NOW!. Chacune de ces séries conte le quotidien de cette fratrie divisée, d'autant plus après Avengers vs X-Men pour le titre Uncanny X-Men. Elles permettent donc de se recentrer sur les personnages principaux et d'approfondir les motivations internes à chaque camp en marge de l'histoire principale.

Petite rétrospective pour éviter d'en perdre certains dès le second paragraphe : Avec l'event Schism de l'année 2011, Cyclope et Wolverine, deux figures motrices pour les mutants, alors décimés par le "No More Mutants"  de House of M, rentrent en conflit suite à un différend sur le rôle des enfants dans cette guerre perpétuelle. Cyclope préfère les préparer au combat afin qu'ils deviennent des guerriers aptes à garantir leur survie au lieu de les bassiner avec un discours utopiste mensonger (dont il a lui-même fait les frais, il suffit de voir la déception du jeune Scott lorsqu'il arrive dans le futur), tandis que Wolverine se montre beaucoup plus paternel en ne voulant pas gâcher l'enfance de ses élèves. La rupture survient donc. Chacun va son chemin et Logan crée l'Institut Jean Grey, où les enfants suivront une éducation "normale" (cf Wolverine and the X-Men qui aura droit à une review plus tard, si je ne me suis pas transformée en limace déshydratée d'ici là). Puis la force du Phénix rase des galaxies pour atteindre Hope sur Terre. Cyclope s'en prend cette fois-ci aux Vengeurs pour protéger l'avenir de la mutanité (Avengers vs X-Men). Suite à une mauvaise manip' de Stark, la force cosmique se divise et trouve foyer chez Emma Frost, Colossus, Magie, Namor et Cyclope. Ce dernier finit par s'en accaparer de la totalité et, pris de folie, tue Charles Xavier. A cet instant, il devient aux yeux de tous un meurtrier et est incarcéré. Uncanny X-Men conte donc les aventures de ce fugitif qui tente tant bien que mal de recréer l'institut Xavier et de venir en aide aux nouveaux détenteurs du gène X suite au passage régénérant du Phénix.

J'étais assez réticente à l'idée de me procurer Uncanny X-Men, sachant que les All New X-Men de Bendis m'avaient laissé de marbre. Le scénario partait d'une bonne idée (même si je ne porte pas Jean Grey dans mon cœur), mais s'est finalement avéré sous exploité, creux et assez expéditif à mon gout. C'est donc bien Bachalo (qui m'a fait sauter le pas. Ainsi, l'artiste reste fidèle à lui-même et prouve une fois de plus qu'il est maître de ses dessins, notamment au travers d'expressions faciales réussies et d'une colorisation qui déboîte ! On lui reproche fréquemment, et à juste titre, des scènes d'action assez brouillon qui donnent le vertige (cela est notamment valable pour Wolverine and the X-Men : torticolis assurés !), mais il s'en sort comme un pro sur ces quatre numéros (qui ne contiennent finalement qu'une faible dose de rencontres musclées, hourra !) : c'est beau, propre et maîtrisé, notamment lors de la confrontation avec les sentinelles... TADAA-A !


Et puis, on a eu droit à un caméo de Carol Danvers qui, dessinée par Bachalo, est juste top (et son interaction avec Cyclope tellement sensée par rapport aux Vengeurs décidément bornés) ! C'est malin, maintenant je souhaite qu'un jour Bachalo prenne les rennes de Captain Marvel pour assouvir mon fantasme de fangirl (mais il semblerait que ce ne soit pas pour demain la veille, puisque Bachalo devient l'artiste régulier de la série Strange pour All-New All-Different Marvel… Tristesse.). Petit bémol cependant : je suis relativement déçue du relooking de certains personnages, notamment Magnéto (chauve ?!) et Cyclope (qui nargue les tireurs d'élite comme Hawkeye avec sa cible au milieu du visage... c'est tout sauf malin ça, il signe son arrêt de mort).

Concernant le scénario, Uncanny X-Men se révèle, malgré ma réticence, être une belle surprise et suscite bien plus d'intérêt qu'All New X-Men, dans le sens où il approfondit plus les répercussions de la force du Phénix sur les pouvoirs de Scott, Emma, Magnéto et Magie et sur les relations entre les personnages et les différents clans, à jamais changées. La force du Phénix semble en effet les avoir consumés de l'intérieur, générant une instabilité de leurs pouvoirs et les rendant vulnérables, meurtris psychologiquement comme Frost qui ne cesse de se remémorer l'attaque virulente du Cyclope-Phénix qui lui a brisée ses pouvoirs, ou encore Magie, plus démoniaque que jamais (et qui parvient même à "foutre la trouille" à Emma, c'est pour dire !). Et, au vu des récents événements, il serait possible, qui sait, qu'elle refasse un séjour aux limbes, ou qu'elle ramène l'enfer sur terre (si ce n'est pas déjà le cas pour les mutants).
Brian Bendis prend donc le pari de nous dépeindre des personnages plus complexes qu'il n'y parait, s'éloignant d'une vision manichéenne, simpliste du monde mutant, entre le Bien (Wolverine et les Vengeurs) et le Mal (Cyclope entouré de deux criminels reconnus - Emma Frost, Magnéto). En effet, avec Avengers vs X-Men, on se rend compte de la complexité de la situation où la responsabilité est multiple : Emma Frost soulève à juste titre le fait qu'ils sont devenus les hôtes de la force du Phénix contre leur volonté à cause de l'ingérence des Vengeurs.
Bendis (cf. cet dossier) tente ainsi de façonner l'esprit critique du lecteur pour déceler les comportements condamnables qui résident au final dans les deux parties (cf. un agent double dans l'équipe de Cyclope), et soulève, comme souvent avec les X-Men, la question de la diversité et de la discrimination. Bien qu'étant l'auteur d'un homicide, le but de Cyclope reste noble en voulant réunir la race mutante et aider les nouveaux mutants où qu'ils soient. Et, bien que justice doit être faite pour le meurtre de Charles Xavier, les Vengeurs ne prennent pas assez en compte l'étendu du problème mutant, ni leur propre rôle dans cette affaire et, de fait, confortent paradoxalement les dires de Cyclope par leurs actions. Ce dernier profite de sa surmédiatisation pour gagner en popularité et montrer au monde que les mutants ne seront plus des parias et qu'il est temps qu'ils remplissent leur rôle d'homo superior. 
Enfin, il est intéressant de voir que le scénariste sait où il nous mène avec des événements que l'on suit en parallèle sur les différents titres X comme, par exemple, la visite de Cyclope à l'Institut Jean Grey où il recrute les sœurs Cuckoos et le jeune Angel, ou encore ses différentes apparitions télévisées. Ainsi, une critique que l'on peut adresser à Panini est le manque de cohérence quant au rythme de parution des titres Uncanny X-Men et All New Marvel (qui en est déjà à son 3ème tome !), puisqu'il force le lecteur à se replonger dans les précédents tomes (rapidement mis aux oubliettes) pour se souvenir des faits.


En bref
Uncanny X-Men se démarque des dernières parutions X-Men en librairie (avec Wolverine and the X-Men) en délaissant un trop plein d'actions (comme durant Avengers vs X-Men) au profit d'une exploration des stratégies individuelles et des relations au sein de l'équipe de Cyclope . Le tandem Bendis/Bachalo produit des merveilles avec un scénario bien ficelé et critique face aux positions "extrémistes" de Cyclope, et soutenu par un graphisme dynamique, vivant et coloré. Un petit bijou pour les yeux, malheureusement trop court : ce premier tome ne contient que quatre épisodes contre cinq dans le TPB en VO. Rendez-vous donc le mois prochain pour s'avoir ce qu'il advient de nos mutants hors la loi, avec de nouveaux artistes (Frazier Irving, Kris Anka) qui entrent dans la danse !


Et bonus : encore et toujours du Phil Noto !



+ Les points positifs - Les points négatifs
  • BACHALO. BACHALO EVERYWHERE. 
  • Focus sur les personnages.
  • Volonté de façonner l'esprit critique du lecteur en prenant du recul vis-à-vis de la doxa (Vengeurs).
  • Narration du premier épisode réussie, basée sur un dialogue entre Maria Hill et un mystérieux détenu chauve.

  • Tout de même pour les dessins : quelques irrégularités, notamment sur les détails.
  • Un relooking moyen.
  • Trop court et parution tardive par rapport aux All New X-Men.
  • Interactions entre les nouvelles recrues parfois lourdes.
  • Boule d'or tout bonnement indigeste.