Nouveau "retroreading" consacré aux anciens récits de Dean Koontz. Après La Voix des Ténèbres et Lune Froide, nous nous attaquons cette fois à Demon Seed. À l'origine publié en 1973, le récit a été largement remanié à la fin des années 90. L'auteur, en modernisant les références et améliorant la forme, n'a pourtant pas réussi à se départir des nombreux défauts qui parsèment l'histoire.
L'intrigue est assez simple mais potentiellement (comme souvent avec Koontz) très riche : Susan, une femme récemment séparée, vit seule dans une vaste demeure à la domotique poussée. Lorsqu'une intelligence artificielle s'éprend d'elle, elle devient prisonnière de sa propre maison et des fantasmes de la machine.
Outre les changements anecdotiques - essentiellement des références à des acteurs et actrices (Tom Hanks, Winona Ryder...) - Koontz place maintenant l'IA en tant que narrateur, ce qui permet une critique, souvent acerbe, parfois caricaturale, de la société humaine. Bonne idée insuffisamment exploitée et qui, surtout, ne parvient pas à camoufler le manque d'ambition d'un roman prévisible, trop court et passant à côté de tous les ressorts dramatiques de manière irritante.
Tout d'abord, au lieu de l'horreur que devrait susciter une telle situation de soumission et d'enfermement, Susan semble au mieux être victime d'un vague désagrément. Même ce que lui propose Proteus (nom de l'IA) ne semble pas la traumatiser plus que ça (pourtant, l'idée est gratinée).
L'on pourrait passer sur cet aspect si le traitement de Proteus avait compensé cette faiblesse. Malheureusement, il n'en est rien.
C'est le gros ratage du roman. Comme (très) souvent, Koontz, confronté à une thématique fascinante et prometteuse, parvient à la transformer en pétard mouillé avec une constance déconcertante.
Il y a bien un semblant de critique des rapports sociaux et, en de trop rares occasions, un brin d'humour, mais l'exploitation de Proteus s'arrête là.
Aucun force émotionnelle ne se dégage des "conditions de vie" pourtant si singulières de l'IA. Cette dernière, loin de susciter la compassion, l'inquiétude ou la fascination, se résume finalement à une vague entité numérique, radoteuse et pas si futée que ça. Le sujet offrait un tas de possibilités (horreur pure, SF métaphysique, thriller technologique...), Koontz a choisi de rester prudemment à la surface des choses, ne froissant personne, n'osant rien, cuisinant un plat fade, servi tiède. Même le "jugement" concernant l'IA, qui aurait pu (aurait dû même) être un moment poignant, n'a au final aucun impact.
Et malgré tout, ce n'est pas nul au point de ne pas aller au bout. Notamment parce que l'on attend, presque à chaque page, que ça démarre vraiment. Il y a aussi quelques scènes plus réussies et enfin génératrices d'une réelle tension, comme la thérapie de Susan. L'impression de premier jet mal retravaillé persiste néanmoins. Inutile de dire que la fin est aussi décevante que le reste, Koontz étant coutumier (même dans ses romans plus récents) des happy ends un peu nunuches et des conclusions que l'on voit se profiler à des kilomètres.
Même si l'auteur parvient parfois à faire oublier ses tics et à conserver l'attention du lecteur par quelques roublardises (nous verrons cela en détail dans un prochain article consacré plus généralement au style de l'auteur, intéressant à plus d'un titre, même dans ses défauts), il n'est pas possible de toujours tout lui pardonner pour quelques pages qui sortent du lot. La Semence du Démon, typique roman de gare, vite lu, vite oublié, n'a ni l'audace ni la virtuosité qu'aurait mérité un tel sujet.
Pas gerbant mais pas bon non plus.
Adaptation ciné de 1977. Heu... ça a quand même très mal vieilli. Le roman est meilleur, c'est tout dire. |
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