Après les quatre tomes de la série Batman Eternal [1]
— une semi-réussite, captivante mais s’étant trop éparpillée et
nécessitant pas mal de connaissances à cause des nombreuses connexions
avec d’autres histoires — la « seconde saison » est cette fois deux fois
moins longue (26 chapitres répartis en deux tomes). Mais attention, la
lecture de Batman & Robin Eternal est conseillée
uniquement si l’on est à jour dans d’autres séries : la Batman de Snyder
et Capullo (au moins jusqu’au tome 8), Grayson (au moins jusqu’à la fin
du tome 2) et, moins obligatoire, la « suite » de la série Batman &
Robin, c’est à dire l’event We Are Robin. Par conséquent, le résumé de l'histoire va révéler plusieurs passages liées aux séries listées ci-dessus.
Dans un passé proche, Batman est rentré blessé à la Bat-Cave et a lu un fichier audio dans lequel on lui dit que Robin se rapproche de découvrir « la vérité », à savoir : ce qu’a conçu le Chevalier Noir pour priver d’un tout autre destin Dick Grayson…
Aujourd’hui, ce dernier est l'Agent 37, de retour à Gotham City (voir Grayson – Tome 02 : Nemesis) auprès de Red Robin (Timothy Drake) et Red Hood (Jason Todd). Bruce Wayne est amnésique et c’est un « Bat-Robot », avec Gordon à l’intérieur, qui remplace Batman (voir Batman – Tome 08 : La Relève).
Dick enquête à propos « des Orphelins », des enfants qui ont l’air sous emprise d’une certaine « Maman » et qui cherchent tous à tuer Dick. Cette mission est liée à une ancienne affaire qu’il avait suivie avec Batman à ses débuts, face à l’Épouvantail, son premier « vilain ». Les deux justiciers l’avaient traqué durant un an autour du monde. Batman a chargé Cassandra Cain de remettre un message à Dick si le Chevalier Noir venait à disparaître…
C’est ce qu’a fait cette dernière tout en s'en prenant à Harper Row, alias la justicière Sialia [2]. Dick va devoir résoudre un mystère du passé lié à son mentor et sa jeunesse, épaulé par ses alliés.
Prendre quelqu’un qui vient de subir un traumatisme,
et le transformer pour répondre à ses propres désirs…
C’est absolument innommable…
Mais ne suis-je pas moi-même coupable de ce crime ?
Batman
et le transformer pour répondre à ses propres désirs…
C’est absolument innommable…
Mais ne suis-je pas moi-même coupable de ce crime ?
Batman
Batman & Robin Eternal n'est pas vraiment une « suite directe » (de Batman Eternal) à proprement parler.
C’est le même « concept » (à savoir un chapitre par semaine durant six
mois au lieu de douze) avec plusieurs scénaristes et dessinateurs aux
manettes, chapeauté par le duo Snyder/Tynion IV à nouveau. Dick Grayson
est au cœur de l’intrigue. Lui qui était absent de Batman Eternal se
voit ici offrir le rôle principal. Batman est très peu présent : il y a
Gordon/Bat-Robot éphémèrement et Bruce Wayne apparaît
comme un figurant. En revanche, dans les flash-back entre le Chevalier
Noir et Robin, Batman tient un rôle majeur, non pas dans le temps
d’occupation des cases, mais dans l’énigme générale liée à l’histoire. Celle-ci est à la fois convenue et
originale. Assez basique dans son approche : une « maman » qui recueille
des orphelins (voire les rend orphelins) et les façonne ensuite à sa
guise avec des traumatismes et une éducation spéciale. Jusqu’ici, rien
de très novateur, cela rappelle d’ailleurs fortement Talia As Ghul et le
traitement sur Damian Wayne (qui revient soudainement dans le second tome, on en parle plus bas).
L’originalité se situe au rapport moral
de Batman, l’homme chauve-souris (dans le passé) et ses alliés (dans le
présent) s’interrogent sur la façon de faire de Batman : n’est-elle pas
plus ou moins la même finalement ? Cela est d’autant plus délicat
lorsque les Robin apprennent que Batman a bien eu recours aux services
de « Maman » pour trouver un nouveau Robin (mais lequel ?) De ce point de vue, l’enquête ne
s’éparpille pas trop. Dick mène les opérations, secondés par le duo
Cassandra Caïn (qui fait son apparition dans les NEW52) et Sialia – deux
figures féminines qui fonctionnent très bien, on regrette juste
l’apparition trop brève de Batgirl et même de Spoiler (découverte dans
Batman Eternal).
Un autre binôme n’est pas en reste : Red Robin et Red Hood. Pour ce dernier, l’humour excelle même si les principaux chapitres qui leur sont consacrés prennent place à Santa Prisca avec une alliance inédite avec Bane face à… Jean-Paul Valley et l'Ordre de St. Dumas. Cette (courte) revisite des emblématiques protagonistes de la saga Knightfall est l’un des points faibles de la série. De manière plus anecdotique, citons un personnage totalement télépathe (fin du premier tome), donc avec un « super pouvoir » du registre « fantastique » (et arrivant un peu trop facilement) qui gâche le côté thriller et légèrement science-fiction qui se dégageait de l’ensemble. Ce sont deux éléments peu importants sur l’ensemble du récit, donc ce n’est pas trop grave.
Un autre binôme n’est pas en reste : Red Robin et Red Hood. Pour ce dernier, l’humour excelle même si les principaux chapitres qui leur sont consacrés prennent place à Santa Prisca avec une alliance inédite avec Bane face à… Jean-Paul Valley et l'Ordre de St. Dumas. Cette (courte) revisite des emblématiques protagonistes de la saga Knightfall est l’un des points faibles de la série. De manière plus anecdotique, citons un personnage totalement télépathe (fin du premier tome), donc avec un « super pouvoir » du registre « fantastique » (et arrivant un peu trop facilement) qui gâche le côté thriller et légèrement science-fiction qui se dégageait de l’ensemble. Ce sont deux éléments peu importants sur l’ensemble du récit, donc ce n’est pas trop grave.
Le tout est brillamment rythmé, sans
temps morts et avec une solide intrigue qui tient en haleine (surtout dans le premier tome). Les
échanges entre les multiples héros sont bien écrits, avec une certaine
fraîcheur et, comme déjà mentionné, un humour bien placé. Mettre en
avant l’entourage du Chevalier Noir au détriment de celui-ci fonctionne
très très bien. Seul défaut : les nombreuses connexions à d’autres
séries. Le lecteur néophyte risque d’être bien perdu entre tous ses
protagonistes et leurs situations de départs (il est quand même possible
de comprendre Batman & Robin Eternal sans cela, mais c’est plus ardu). La double lecture (passé/présent) et les échos
lointains d’une époque révolue (un Batman fonctionnant à deux avant
d’avoir toute une équipe complète) sont là aussi une bonne idée
plaisante.
Mais... tout ceci se perd peu à peu dès le deuxième (et dernier) tome. Autant le duo Red Robin/Red Hood fonctionne toujours bien en terme d’alchimie et d’humour, autant leur arc avec Jean-Paul Valley/Azraël n’apporte pas grand chose, il apparaît même inutile (juste « sauvé » de justesse sur la toute fin avec le retour d’Azraël mais c’est un peu maigre). Un premier retournement de situation est plutôt bien vu à propos de Harper Row. Les parents de celle-ci ont été attaqués par Cassandra, qui a tué sa mère, et Batman le savait et devait la prendre sous son aile… Difficile de savoir si le scénariste (Scott Snyder) savait où il allait dès les prémices du personnage de Harper dans sa série Batman, mais ça fonctionne bien et offre un bon enrichissement à la jeune femme ainsi qu’une évolution importante et complète.
Mais... tout ceci se perd peu à peu dès le deuxième (et dernier) tome. Autant le duo Red Robin/Red Hood fonctionne toujours bien en terme d’alchimie et d’humour, autant leur arc avec Jean-Paul Valley/Azraël n’apporte pas grand chose, il apparaît même inutile (juste « sauvé » de justesse sur la toute fin avec le retour d’Azraël mais c’est un peu maigre). Un premier retournement de situation est plutôt bien vu à propos de Harper Row. Les parents de celle-ci ont été attaqués par Cassandra, qui a tué sa mère, et Batman le savait et devait la prendre sous son aile… Difficile de savoir si le scénariste (Scott Snyder) savait où il allait dès les prémices du personnage de Harper dans sa série Batman, mais ça fonctionne bien et offre un bon enrichissement à la jeune femme ainsi qu’une évolution importante et complète.
Hélas, toute cette dernière partie de la série est une suite d’invraisemblances dans un énorme affrontement : des
enfants du monde entier se mettent à scander « Maman » et à s’en prendre
aux membres de la Bat-Family (grâce à l’hypnose/lavage de cerveau —
sic). Ainsi « Batman » (Gordon et son Bat-Robot) et « Robin » (le jeune
Duke) sont à Gotham, Damian (qui est soudainement revenu sans
explications ou note éditoriale — il faut se référer, une fois de plus, à
un autre ouvrage, à savoir Batman & Robin : Tome 07 – Le Retour de Robin
— qui chevauche Goliath, une chauve-souris géante — re-sic) est à
Londres, Red Hood à Toronto, la Matrone (Héléna Bertinelli) à Bologne,
Black Canary à Mexico, Katana à Kuala Lumpur, Red Robin à Moscou,
Batwoman à Dubaï, Batgirl à Paris (à la Tour Eiffel, forcément…),
l’ergot (des Hiboux) à Shanghai, Catwoman à Sydney et des agents de
Spyral à Tokyo.
Le Midnighter (déjà intervenu dans le premier tome de Grayson),
antagoniste charismatique et drôle, coordonne les combats à
distance pour aider toute cette Bat-Army. Problème : la plupart durent une
case ou deux pour les héros les moins notables, les autres s’en sortent
grâce à une « porte magique », c’est à la fois confus, facile et
dommage. Plus tôt dans l’ouvrage, c’était une situation similaire qui
avait lieu au pensionnat St Hadrian, bien connu des lecteurs de Grayson
(les autres ne vont pas trop comprendre).
Toute cette fin, hyper prévisible (de
même que celle du passé avec Batman) n’apporte finalement pas de
nouvelles choses surprenantes. Seule la relation entre Harper Row et
Cassandra évolue d’une tournure intéressante, ce sont deux protagonistes
qui ont davantage été au cœur du récit que d’autres, plus connus de
prime abord. Grayson est par exemple plus en retrait dans le second tome. Pas
un défaut en soi, au contraire, un des bons points du livre.
Dans le lot des incohérences (ou
invraisemblances, c’est selon) : difficile d’imaginer que Batman n’ait
pas réussi à venir à bout de « Maman » plus tôt, encore plus de voir que les
Robin abandonnent et pensent ne pas être de taille non plus… Le pire
étant, comme évoqué brièvement, cette facilité scénaristique du lavage
de cerveaux sur des gamins un peu partout dans le monde (avec des
antennes sur des bâtiments en hauteur pour les activer). Ce n’est
absolument pas crédible.
L’hypnose et l’endoctrinement sont deux éléments très difficiles à rendre plausible par le biais d’une œuvre. Sur un petit nombre de personnages, cela peut fonctionner, lorsque c’est sur une multitude de sujets, comme ici, dans ce contexte si particulier, de façon internationale et sur des orphelins, c’est très risqué voire ridicule. Ça ne prend pas vraiment.
De même, le terrible Épouvantail est relégué à un ennemi craintif qui ne fait pas honneur à ce qui était annoncé au début de la série. Le nouveau vilain, « Maman » donc, arbore un nom ridicule mais a un véritable but et sert un dessein auquel il croit fermement (même si celui-ci n’a rien d’original : créer un nouveau monde plus fort avec des gens qui n’auraient aucune peur). Les architectes de l'histoire, Scott Snyder et James Tynion IV, sont épaulés par plusieurs scénaristes : Tim Seeley, Steve Orlando, Geneviève Valentine, Jackson Lanzing, Collin Kelly et Ed Brisson. Clairement, il ne se dégage pas forcément une tendance ou une patte chez l'un en particulier, de ce côté-là on observe une certaine fluidité bienvenue.
L’hypnose et l’endoctrinement sont deux éléments très difficiles à rendre plausible par le biais d’une œuvre. Sur un petit nombre de personnages, cela peut fonctionner, lorsque c’est sur une multitude de sujets, comme ici, dans ce contexte si particulier, de façon internationale et sur des orphelins, c’est très risqué voire ridicule. Ça ne prend pas vraiment.
De même, le terrible Épouvantail est relégué à un ennemi craintif qui ne fait pas honneur à ce qui était annoncé au début de la série. Le nouveau vilain, « Maman » donc, arbore un nom ridicule mais a un véritable but et sert un dessein auquel il croit fermement (même si celui-ci n’a rien d’original : créer un nouveau monde plus fort avec des gens qui n’auraient aucune peur). Les architectes de l'histoire, Scott Snyder et James Tynion IV, sont épaulés par plusieurs scénaristes : Tim Seeley, Steve Orlando, Geneviève Valentine, Jackson Lanzing, Collin Kelly et Ed Brisson. Clairement, il ne se dégage pas forcément une tendance ou une patte chez l'un en particulier, de ce côté-là on observe une certaine fluidité bienvenue.
Côté graphique, on a globalement une
homogénéité (ce qui n’est pas gagné de base !) avec du très bon (Tony Daniel et Paul
Pelletier) et du moins réussi. Il faut dire, qu'un nombre hallucinant d'artistes enchaînent les chapitres : Scott Eaton, Ronan Cliquet, Steve Pugh, Alvaro Martinez, Roge
Antonio, Geraldo Borges, Fernando Blanco, Christian Duce, Marcio
Takara, Andrea Mutti, Roger Robinson, Goran Sudzuka, Javi Pina, Carlo Pergulayan et Igor Vitorino.
D’une manière générale, les planches sont bien découpées, chaque chapitre s’ouvre sur une double page avec des dessins horizontaux, et le tout est plutôt élégant. Du reste, on voyage aussi en Europe, surtout à Prague, puis très succinctement dans le monde entier. Les couvertures sont sublimes, toutes de très haut niveaux, c’est à souligner, et Urban en propose certaines en bonus, en noir et blanc, crayonnées ou encrées.
Le premier tome est donc original et bien dessiné avec un scénario finement écrit, même si parfois bancal, mais le second est clairement une déception… Il accumule les maladresses et un final certes explosif côté forme mais hyper convenu côté fond. Il y a de bonnes choses attention, de très bonnes même, mais la fin manque cruellement de surprise, de finesse et d’enjeux. Faute à une faible originalité et des situations assez ubuesques. Autant relire Batman & Robin Eternal, qui était très long et s’éparpillait un peu trop dans différentes situations mais avait le mérite d’être davantage épique et faisait intervenir toute une galerie de personnages avec de bonnes trouvailles scénaristiques.
D’une manière générale, les planches sont bien découpées, chaque chapitre s’ouvre sur une double page avec des dessins horizontaux, et le tout est plutôt élégant. Du reste, on voyage aussi en Europe, surtout à Prague, puis très succinctement dans le monde entier. Les couvertures sont sublimes, toutes de très haut niveaux, c’est à souligner, et Urban en propose certaines en bonus, en noir et blanc, crayonnées ou encrées.
Le premier tome est donc original et bien dessiné avec un scénario finement écrit, même si parfois bancal, mais le second est clairement une déception… Il accumule les maladresses et un final certes explosif côté forme mais hyper convenu côté fond. Il y a de bonnes choses attention, de très bonnes même, mais la fin manque cruellement de surprise, de finesse et d’enjeux. Faute à une faible originalité et des situations assez ubuesques. Autant relire Batman & Robin Eternal, qui était très long et s’éparpillait un peu trop dans différentes situations mais avait le mérite d’être davantage épique et faisait intervenir toute une galerie de personnages avec de bonnes trouvailles scénaristiques.
L'hésitation entre la pancarte OK et BOF a duré longtemps. Mais si on prend le récit dans son ensemble, les défauts priment autant que les qualités et, surtout, toute la dernière partie de l’œuvre contribue à un constat global assez décevant et ne mérite donc pas forcément un achat. 45€ pour les deux tomes, un prix correct mais réservé avant tout aux fans
de l'univers Batman et encore… Ou aux moins ceux appréciant particulièrement Harper Row et
Dick Grayson.
Bruce à Damian Wayne :
« Dick est une vision plus claire de ce que Batman était censé être.
Jason est prêt à faire ce que Batman refuse, quand le monde le réclame.
J’envie à Tim son esprit de stratège. Il n’agit jamais trop tôt.
Toi, si, parfois. Mais il se peut que ça te sauve, un jour.
Je veux que vous décidiez par vous-mêmes de vos destins… de vos vies. »
« Dick est une vision plus claire de ce que Batman était censé être.
Jason est prêt à faire ce que Batman refuse, quand le monde le réclame.
J’envie à Tim son esprit de stratège. Il n’agit jamais trop tôt.
Toi, si, parfois. Mais il se peut que ça te sauve, un jour.
Je veux que vous décidiez par vous-mêmes de vos destins… de vos vies. »
[1] Pour en savoir plus sur Batman Eternal, la critique des quatre tomes est disponible sur le site de l'auteur de cet article : ComicsBatman.fr
[2] Petit oiseau plus connu sous le nom de ses trois espèces
« merlebleu », rappelant le nom en VO beaucoup plus approprié : Bluebird. La traduction française en Sialia est assez surprenante.
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