Brigadier, sabari !
Ce sont les mots que vont
reprendre des milliers de français dans les années 80 (et bien plus tard), sans
connaître forcément leur signification. Sans la prétention d’aller chercher la
vérité au fond des notes, nous allons nous pencher rapidement sur ce titre, envoutant, historique et toujours actuel.
Quand Alpha Blondy sort cette
chanson, très personnelle, très risquée aussi pour l’époque (la Côte d’Ivoire
n’a pas connu que des périodes tranquilles, loin de là, et ses forces de police
étaient relativement… musclées), il parle en fait d’une arrestation brutale, de
violence policière, il se révolte mais, contrairement aux insultes idiotes (non justifiées) que
lanceront des années plus tard certains rappeurs en France, l’homme implore et
transforme ses cris de douleur (réels) en reggae jouissif et lancinant.
Cette façon de faire est loin
d’être stupide. Une insulte divise toujours, un cri de désespoir a tendance, au
contraire, à rassembler.
Plutôt que de mettre l’accent
sur les faits, il évoque ce qu’il ressent sur l’instant, la souffrance, et insiste sur ce « brigadier, pitié ! », lancé comme une supplique désespérée.
La chanson, évidemment opaque
pendant longtemps pour les adolescents que nous étions, est chantée presque
intégralement en dioula, plus spécifiquement une version du langage que le chanteur
revendique comme « du terroir, non javellisée ».
Volontairement, il s’écarte de
la ville (d’Abidjan pour être exact) afin de puiser dans des racines plus
authentiques. Le reggae africain est né…
Ce qu’il y a de paradoxal avec
ce reggae, différent de celui de Marley, c’est qu’il est à la fois censé être
plus roots mais sera, pour nous français, bien plus accessible, Alpha Blondy,
francophone, incluant régulièrement des passages en français dans ses chansons
(ou optant carrément pour cette langue).
L’homme est loin de faire
pourtant l’unanimité, il faut dire qu’il ne manque pas d’audace. Si son Apartheid is Nazism est caricatural et
vise les États-Unis (c’est le seul pays qui est critiqué de la même manière
quand il intervient ou n’intervient pas quelque part), son Abortion is a Crime, très peu dans l’air du temps, dénote un
véritable courage dans le positionnement, loin des astuces marketing.
Nous avons tous notre propre
rapport aux musiques et à ce qu’elles évoquent.
Une mélodie sympa, des basses
puissantes, une circonstance particulière, et nous voilà marqué à vie.
Je suis très peu sectaire, que
ce soit dans les genres littéraires ou la musique. Je me fous pas mal des étiquettes.
Mais, comme tout le monde, j’ai besoin de passerelles pour aller vers
l’inconnu.
Alpha Blondy a été ma
passerelle vers le reggae.
C’est ce qui a permis au fan
d’Iron Maiden que je continue d’être de découvrir Black Uhuru ou Steel Pulse
dans un autre genre. Ce qu’il y a de bien avec les passerelles, c’est qu’elles
sont multiples et vont, à partir d’un même point, dans toutes les directions.
Et puis, mettez donc Opération
Coup de Poing dans la bagnole, à fond (quand vous êtes seul hein, le but n’est
pas de vriller les tympans de votre bébé de cinq mois !), et vous verrez,
ça tabasse particulièrement bien.
Et peut-être trouverez-vous,
tout comme moi, que ces « aïe, aïe, aïe, aïe », sont vachement bien
chantés…
Je ne fais aucun parallèle avec
l’actualité, notamment parce que notre police n’a rien de violente dans son immense
majorité et, au contraire, subit des agressions quotidiennes qui n’intéressent
que très modérément les médias. Mais attention, être attaqué par des barbares,
être lâché par les politiques, être méprisé par certains cercles, n’autorise
personne à se comporter en tortionnaire. La violence n’est pas inutile, mais
elle doit être employée à bon escient, à l’encontre d’individus armés et
menaçants.
Quant au « sabari »,
il n’a jamais apaisé les matraques, même virtuelles.
Mais bon, quand on croule sous
les coups, ça ne coûte rien d’essayer.
L’honneur ne quitte pas celui
qui implore mais celui qui frappe un homme à terre.