The Goddamned



Le nouveau Jason Aaron est inspiré de la genèse et s'avère plutôt irrévérencieux et musclé. Tout de suite, le point sur le premier tome de The Goddamned, fraîchement disponible chez Urban Comics.

On vous en parlait dans le dernier Digest, voilà une série "indé" dont le pitch, basé sur l'Ancien Testament, rien que ça, soulève forcément la curiosité.
En gros, les premiers êtres humains créés par Dieu, Adam et Eve, auraient pu vivre éternellement dans un Éden parfait s'ils n'avaient pas déconné. En fait, ils se font virer au bout de quelques semaines (ah ben quand on sait pas se tenir...) avec leurs marmots, Caïn et Garfunkel. Ah non, Abel (je confonds toujours avec les deux autres). Là, Caïn, pas plus tenable que ses parents, bute carrément son frangin, obtenant ainsi le titre, peu recherché, de premier criminel de l'humanité.
Finalement, le Big Boss réalise qu'il n'a peut-être pas forcément eu sa meilleure idée lorsqu'il a créé l'Homme. Et comme il est un peu rancunier quand même, il décide de précipiter tout le monde dans un monde merdique.
C'est 1600 ans après ces faits que l'histoire commence, alors que Caïn, immortel, arpente une terre désolée et violente, à la recherche d'une manière de mettre fin à ses souffrances...

Forcément, avec Jason Aaron, scénariste de Scalped et Southern Bastards, l'on s'attendait à du badass, de la violence et du langage fleuri. Eh bien l'on n'est pas déçu. Ce premier tome, regroupant cinq chapitres, plante un décor plutôt hardcore. Le monde est un vaste dépotoir où des tribus de sauvages s'entretuent et se disputent un peu de viande ou de rares points d'eau. Le meurtre, la torture et le viol sont monnaie courante (ce qui n'est pas très loin du monde réel donc), et l'on peut même rencontrer de drôles de bestioles, du genre qui peuvent vous arracher la tête d'un coup de dent.


Le personnage de Caïn est l'archétype de l'anti-héros, désabusé, solitaire et habile à distribuer les gnons. Il sera amené à rencontrer diverses âmes en perdition, des sauvages aussi stupides que dangereux, mais aussi Noé en personne (occupé à la construction de son arche) ou encore une mère à qui l'on a arraché son fils.
C'est sombre, parfois drôle (la manière dont Adam et Eve se parlent, la façon dont Caïn explique leur expulsion, ou encore le réveil dans la fosse à merde ne manquent pas d'humour noir), excessivement violent, tant au niveau de l'action (décapitations et autres charcutages) que des dialogues, très, très corsés.
Cependant, l'on reste clairement sur sa faim.

Contrairement à l'univers mafieux complexe de Scalped ou aux Rednecks hétéroclites de Southern Bastards, le cadre est ici assez monotone (une sorte d'immense décharge à ciel ouvert) et les personnages sont, à de rares exceptions près, tous très semblables (des brutes sans compassion ni cervelle).
Il y a bien une forme embryonnaire de critique religieuse, qui rappelle de loin celle de Preacher, mais sans atteindre le degré de cynisme, d'inspiration et de sensibilité d'un Garth Ennis. Il reste donc surtout l'aspect trash, quelque peu indigeste car omniprésent et sans forcément un habile sous-texte pour le justifier.
Hormis l'atmosphère glauque, le ton désenchanté et les références divines, The Goddamned s'avère relativement convenu, présentant surtout une suite de combats bien bourrins et des ennemis aussi haïssables que caricaturaux. L'aspect graphique, sous les crayons de R-M Guéra, est à l'avenant : rugueux, effrayant, sanglant, sinistre mais également répétitif. Les planches sont loin d'être laides, mais mis à part un petit flashback dans l'Éden, elles finissent par s'uniformiser et générer une routine gênante.


Peut-être la suite évoluera-t-elle vers quelque chose de plus complexe, pour le moment en tout cas, passé l'effet de surprise, le récit, même s'il reste très lisible, peine à convaincre, surtout de la part d'un auteur de cette qualité.
Niveau bonus, l'on retrouve quelques études de personnages et une galerie de covers à la fin de l'ouvrage. La VF, comme souvent avec Urban, est soignée et sans aspérités.
À tester si le pitch vous titille et que vous n'êtes pas du genre à hurler au blasphème, tout en sachant néanmoins que c'est pour le moment la série "indy" la moins aboutie de l'auteur.  

— Tu es un homme bon, je ne croyais plus en leur existence.
— Il n’y en a jamais eu.




+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Une thématique peu courante.
  • L'humour noir.
  • Le côté über-badass.
  • Petit prix (10 euros).

  • Très trash (et sans forcément beaucoup de sens pour justifier cette débauche de violence, la réflexion sur l'Homme restant tout de même très simpliste et loin d'être nouvelle).
  • Assez monotone dans l'ensemble.