Grave


Sang, viande crue et ambiance malsaine sont au cœur de Grave.

Après Seuls, on continue sur les films français qui sortent des sentiers battus avec Grave, film d'épouvante qui sort en DVD à la fin du mois.
Dans ce premier long métrage, la réalisatrice Julia Ducournau nous plonge dans une école vétérinaire où l'on suit l'arrivée de Justine, interprétée par l'excellente Garance Marillier. La jeune fille retrouve sa grande sœur, qui est en deuxième année, et doit passer par la traditionnelle période de bizutage. Lors de ce dernier, Justine est amené à manger de la viande crue, chose totalement nouvelle pour la végétarienne et qui déclenche en elle une suite de pulsions de plus en plus étranges et violentes.

Bien que le terme "épouvante" soit utilisé dans l'introduction de cet article, ce film (dont Thomas vous avait déjà parlé dans ce Digest) est suffisamment atypique et formel pour aller flirter du côté des films d'auteur ou du drame métaphorique sur la sexualité ou l'héritage familial.
Évacuons tout de suite la question de la réputation de Grave. Selon le responsable marketing du film au Canada, des spectateurs se seraient évanouis lors de la projection au festival de Toronto. Aux États-Unis, certains cinémas auraient même distribué des sacs à vomi aux spectateurs...
Très clairement, cela semble être exagéré dans un but promotionnel. Le film est assez glauque, gore parfois, l'atmosphère peut être très malsaine, mais de là à s'évanouir, n'exagérons pas, ça reste une fiction. Même les nausées semblent bien exagérées, à moins d'être très sensible ou d'avoir la mauvaise idée de se goinfrer pendant la séance.

L'intrigue est assez minimaliste, le scénario se concentrant surtout sur l'ambiance. Ainsi, l'école vétérinaire, bien que constituant un cadre idéal, ou le bizutage (finalement pas si violent) n'ont qu'une importance très relative dans ce qui arrive aux deux sœurs.
Certaines scènes (celle du "doigt" en particulier) sont à la fois dégoûtantes, stupéfiantes et... presque drôles d'une certaine manière. Les comédiennes sont excellentes, Ella Rumpf, qui joue le rôle d'Alexia, étant tout aussi douée que l'actrice principale.


Grave se veut clairement dérangeant et transgressif, quitte à faire quelques concessions au niveau de la vraisemblance (le baiser/morsure  - lors du mélange de peintures - semble ne pas avoir de conséquences judiciaires ou disciplinaires, pourquoi ?).
Le récit, bien que musclé et spectaculaire, a toutefois un véritable côté féminin, très sensuel, charnel, avec (de loin !) un petit goût d'Anne Rice dans le traitement des personnages masculins (enfin, Rice avec des idées et sous ecstasy, disons).
La conclusion est un peu prévisible mais pas inefficace pour autant.

Reste que tout cela est loin d'être parfait. Le scénario est très faible (bien que le "vide" soit rattrapé par l'ambiance), certaines scènes sont incompréhensibles (le plan des pattes du cheval qui galope... ça dure un moment en plus, ou encore la scène avec le routier), et le côté intello est très surfait.
Ce qui a dû plaire autant aux journalistes (Télérama, les Inrocks, Les Cahiers du Cinéma, Charlie Hebdo, le Figaro, GQ, le Parisien, le Nouvel Obs, Mad Movies, tout le monde a encensé le film, du presque jamais vu), c'est cette alliance de vacuité et de provocation. Seulement, il ne faut pas confondre gratuité (ou mystère) et profondeur.
Une nana qui lèche un globe oculaire (ça doit être pour ça les sacs à vomi) ou un chien à deux doigts de pratiquer un cunnilingus, c'est peut-être très "ââârtistique" dans le milieu branchouille parisien, mais ça reste inutile dans le contexte.

Au final, bien que le film soit bien interprété, bien filmé et original, avec une atmosphère très malsaine parfaitement construite, un travail intéressant au niveau de la photographie et des lumières, l'on en vient à déconseiller l'achat du DVD pour la simple raison que tout cela ne repose sur rien. Les effets sont importants dans un film, mais ils sont supposés servir une histoire qui est ici absente ou si embryonnaire et secondaire qu'elle fait passer Grave pour un film expérimental de fin d'études, avec tous les défauts que cela comporte.
Dommage, car avec l'aide d'un scénariste digne de ce nom, Ducournau (clairement douée) aurait pu signer un chef-d'œuvre au lieu de cette étrange chose, aussi (volontairement) crade que (peut-être involontairement) snobinarde.


+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Certaines scènes choc.
  • Les actrices principales, parfaites.
  • Une ambiance malsaine et inquiétante.
  • Une réalisation nerveuse et efficace.

  • Un scénario bien trop creux.
  • Un côté métaphorique un peu prétentieux et pas totalement abouti.
  • Certaines scènes inutiles.
  • Un cadre inhabituel finalement très peu utilisé.
  • Une fin téléphonée dont certains éléments sont en plus invraisemblables.