Ce roman, sobrement dédié à Stanley Kubrick qui en a tiré un film monumental et archétypal,
n’est pas vraiment une novélisation directe : Arthur C. Clarke, après avoir travaillé sur le scénario du film
adapté de sa nouvelle La Sentinelle, qui
avait tapé dans l’œil du réalisateur, avait ensuite décidé d’aller plus loin et
d’apporter ultérieurement quelques éclaircissements. Il semblerait en outre
qu’il y ait eu quelques points d’achoppement entre les deux auteurs, par
exemple sur la localisation de la fameuse Porte des Étoiles (elle est en orbite autour de Jupiter dans le film et ici, placé
au centre d’une dépression en forme d’œil sur Japet, un satellite de Saturne).
Mais on y retrouve les mêmes parties, de « l’Aube de l’Humanité » à « l’Enfant
des Étoiles ».
L’histoire, vous la connaissez : des millions d’années
après que l’homme a appris à maîtriser l’outil, une Anomalie Magnétique est découverte sur la Lune par une expédition de scientifiques. Au moment où ils la
mettent au jour, elle émet un puissant faisceau de radiations pointées vers
l’orbite de Saturne. À l’aube du XXIe siècle, on décide donc d’y envoyer un vaisseau en
mission ultra-secrète, doté des équipements les plus perfectionnés qui soient
et d’un ordinateur de dernière génération qui, seul, possède toutes les données
de la mission.
Les spectateurs et cinéphiles s’y retrouveront donc. Sauf
que la magie essentiellement visuelle du film n’opère plus que de façon
chaotique. Prises séparément, les différentes parties ne sont pas inintéressantes :
les tribulations de Guetteur de
Lune, l’homme préhistorique, sont nettement développées afin de faire écho
à la fin de l’ouvrage, ainsi que l’épisode de la découverte du Monolithe sur la Lune. Ces deux
parties, réduites à l’essentiel chez Kubrick, constituent ici les 2/5 de
l’œuvre. Le voyage vers la Porte, avec son lot de situations dramatiques liées
à la paranoïa du super-ordinateur HAL (« CARL »
en français, la faute à un acronyme ne fonctionnant pas autrement), en pâtit
quelque peu. On voit tout de suite les différences de point de vue :
Clarke est avant tout un scientifique, le père des satellites
géostationnaires ; il sait parler de façon convaincante des voyages
spatiaux, des dépressurisations, des astres et de leurs orbites. Il évoque avec
beaucoup de solennité les moments où l’âme humaine touche au cosmique, au
divin. Dans ce domaine, il s’épanche avec aisance et devient peu à peu poète
(certaines de ses envolées se retrouvent dans le magnifique mais désenchanté roman Les Enfants d’Icare).
En revanche, et globalement, 2001 n’est pas un roman agréable à lire, trop artificiellement
construit, mal structuré et équilibré. Malgré la puissance de ses visions, il n’a
pas l’impact d’un Rendez-vous avec Rama nettement
plus ordonné ; il ne possède pas non plus l’efficacité incroyable de certaines des nouvelles de l'auteur (essayez
le recueil L’Etoile qui regroupe
quelques modèles du genre). Il recèle cependant quelques morceaux de bravoure
dont les dernières paroles de Dave Bowman, l'astronaute qui parvient au bout de la mission :
Oh mon Dieu ! C'est plein d'étoiles !
Paroles mythiques qu’on ne retrouve pas dans le film de
Kubrick lequel insiste davantage sur le voyage intérieur/extérieur.
Étrangement, 2010 saura
faire la part des choses, puisque le (plutôt bon) film de Peter Hyams (réalisé en 1984) qui
en a été tiré commence sur ces mêmes mots et que le livre de l’auteur déplace
la scène de la Porte des Étoiles à proximité de Jupiter.
Échange de bons
procédés sans doute. Comme quoi…
À noter que 2001 s'est vu doté de plusieurs suites en littérature (mais une seule au cinéma) : l'excellent 2010 : Odyssée deux, le plutôt poussif 2061 : Odyssée trois et l'intéressant 3001 : odyssée finale.
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