Le Dark Knight est-il vraiment le héros qu'il prétend être ou serait-il... la pire menace pour Gotham ? C'est ce que l'on découvre dans Batman : White Knight.
Tout commence par une folle course-poursuite. Encore une fois, Batman tente d'appréhender le Joker. Leur virée dans Gotham cause d'énormes dégâts. Et lorsque, enfin, tout prend fin, Batman craque. Ivre de rage, cédant aux provocations de son pire ennemi, il lui enfourne de force un tas de pilules dans la gorge. Devant une foule de témoins et les caméras !
C'est alors le début d'un retournement de situation incroyable.
Lorsqu'il reprend connaissance après cette nouvelle défaite qui a failli lui coûter la vie, Jack Napier tire un trait sur son passé criminel. Il va même tenter d'améliorer les choses dans Gotham. Et pour cela, il va mener une offensive médiatique contre Batman, contre la police, contre les nantis qu'il accuse d'avoir laissé proliférer la super-criminalité et le vigilantisme.
Il était le pire cauchemar de Gotham, il deviendra son sauveur.
Voilà une excellente mini-série de huit épisodes, hors continuité, écrite et dessinée par Sean Murphy (Punk Rock Jesus, Joe : l'aventure intérieure).
L'auteur se sert du cycle infernal de violence généré par la lutte sans fin entre Batman et le Joker pour inverser les rôles des deux protagonistes. Il parvient ainsi à montrer le côté sombre de Bruce Wayne, perdant ici régulièrement tout contrôle, tout en dévoilant une facette plus humaine de l'individu qui se cache sous le maquillage du Joker. Un bouleversement qui va avoir un impact sur toutes les personnes qui gravitent autour du justicier masqué et du plus célèbre pensionnaire d'Arkham.
Le Joker dont il est question dans ce récit prend l'identité de Jack Napier, nom à l'époque portée par Jack Nicholson dans le Batman de Tim Burton, en 1989. Ce n'est d'ailleurs pas le seul clin d'œil à l'univers DC au sens large, puisqu'un grand nombre de batmobiles célèbres apparaissent dans ce récit, que ce soit justement le modèle de 89, la version de la série TV de 1966, le tumbler de 2005 ou encore le véhicule issue du dessin animé de 1992, Batman : The Animated Serie (cf. la Parenthèse de Virgul #7, consacrée à l'évolution de la batmobile).
Outre cet ennemi emblématique et les légendaires véhicules, une foule de personnages secondaires interviennent dans cette histoire. Dick Grayson (ancien Robin et actuel Nightwing), Barbara Gordon (Batgirl), James Gordon, quelque peu déstabilisé par la situation, et un tas de super-vilains, dont Mr Freeze, Gueule d'Argile ou le Chapelier Fou. C'est cependant Harleen Quinzel, alias Harley Quinn, qui va jouer un rôle crucial et faire le lien entre Wayne et Napier. La relation entre ces éternels ennemis est d'ailleurs particulièrement creusée, l'auteur dévoilant la fascination (voire même plus) que le Joker éprouve pour sa Némésis.
Peu à peu, la situation se trouble, les frontières deviennent floues, même les anciens alliés de Batman doutent de lui ou s'en détournent. Quant à la population, elle souhaite clairement en finir avec les exactions de celui que l'on présente maintenant comme un fauteur de troubles.
Le scénario est très habile et contient quelques scènes émouvantes (le dernier épisode est plutôt chargé en émotion) pour les deux camps. L'intrigue permet également de s'interroger sur les limites des Masques et de leurs interventions musclées, les dégâts qu'ils causent à la ville ou aux habitants, la légitimité de leurs actions et de leurs identités maintenues secrètes, même l'utilisation des gadgets de Batman est remise en cause (à partir d'une interrogation somme toute très logique : pourquoi Batman ne fait-il pas profiter la police de ses équipements sophistiqués et fort utiles ?).
Toute une thématique qui n'est pas sans rappeler, il y a quelques années, celle de Civil War chez Marvel, bien que le traitement soit ici bien différent.
Visuellement, Murphy compose des planches sombres et soignées, installant une atmosphère sinistre qui convient parfaitement aux dédales de Gotham. Les décors sont très détaillés et d'une grande beauté, les personnages, Batman en tête, font montre d'un charisme indéniable, la moindre expression faciale étant parfaitement retranscrite.
Notons également la très belle colorisation de Matt Hollingsworth, qui donne aux planches de Murphy un aspect aussi esthétique que parfois sinistre.
Au final, un très bon récit, réservant quelques belles surprises et ayant son lot de scènes choc et de bonnes idées, le tout sublimé par une écriture intelligente qui enrichit grandement les personnages et leur donne une réelle profondeur.
La version française (240 pages) de cette bande dessinée, inaugurant le Black Label de DC Comics, sortira le 26 octobre chez Urban Comics. À noter qu'une version en noir & blanc est également prévue, mais vu la qualité du travail du coloriste, on ne vous la conseille pas vraiment. Par contre, vous pouvez vous jetez sans hésitation sur ce comic qui a en plus le bon goût d'être très accessible, même pour ceux qui seraient parfaitement étrangers à l'univers de Batman.
À ne pas rater.
— Ce n'est pas une question de devoir ou de vengeance. Si je continue à me battre, c'est pour vous. Pour vous laisser un Gotham plus sûr, dont vous puissiez être fiers. Et pour qu'un jour, enfin, vous puissiez ôter vos masques.
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