Retour sur le énième nouveau départ annoncé par Marvel et les numéros de février et mars du mensuel Spider-Man.
Le dernier relaunch était pourtant tout récent (cf. cet article sur la gamme Legacy), mais cela n'empêche nullement la Maison des Idées (et Panini) de remettre encore une fois les compteurs à zéro. On plaint franchement les collectionneurs qui se retrouvent avec des tonnes de numéros 1 pour la même série, pourtant toujours inscrite dans la même continuité.
Et oui, disons-le tout net, faire croire que Amazing Spider-Man prend un réel nouveau départ est tout simplement mensonger. Ces "premiers épisodes" contiennent leur lot d'allusions au passé (la période Superior Spider-Man est même largement évoquée) et si l'on prend le train en route, l'on a même la surprise de découvrir que Peter Parker est en colocation avec Boomerang et que Wilson Fisk, alias le Caïd, est devenu maire de New York !
Marvel a depuis de nombreuses années maintenant le "cul entre deux chaises", l'éditeur souhaitant à la fois faciliter la venue d'hypothétiques nouveaux lecteurs mais renonçant à jeter aux oubliettes le riche passé de ses personnages. Cela donne un surplace narratif gênant et ces fameux "faux départs" à répétition.
Cette fois, l'on nous vante un retour aux fondamentaux. Ah... la dernière fois que l'on a eu droit à ce refrain, c'était avec Brand New Day (cf. notre dossier sur One More Day et ses conséquences), et Dan Slott, peu de temps après, avait fait prendre un virage drastique au personnage en en faisant une sorte de Tony Stark bis. Cette fois cependant, il semblerait que Nick Spencer, le nouveau scénariste en charge des aventures du Tisseur, reviennent effectivement aux "bases". Mais pas forcément de la bonne manière.
Revenons (encore une fois !) sur une distinction importante : les fondamentaux et leurs effets. Les fondamentaux de Spider-Man sont simples : il s'agit d'un type banal qui a des pouvoirs limités et dont l'activité super-héroïque nuit à la vie privée. Peter Parker voit donc sa vie professionnelle, tout comme sa vie sentimentale, être impactées par ses devoirs de justicier.
C'est ça les fondamentaux. Et juste ça. Ça n'oblige donc absolument pas à revenir sans cesse à un statu quo ancien. Par exemple, dans les années 60, Peter, qui habitait chez sa tante, devait faire attention à ce qu'elle n'apprenne rien de ses virées nocturnes. Il devait aussi faire avec un manque d'argent chronique (la toile, qu'il fabriquait lui-même, coûtait assez cher à produire), le mépris des médias et les brutes qui le harcelaient en cours. Tout ça, ce sont les effets des fondamentaux. Dans les années 60.
Ce que Marvel reproduit encore, à l'infini, dans un désespérant radotage, ce sont les anciens effets des fondamentaux. Ce qui, alors que Peter est maintenant adulte, crétinise grandement le personnage.
Voyons un peu ces fameux effets, en 2019 : Peter est de nouveau en colocation, il a toujours sa tantine (dont le jugement le préoccupe plus que tout), il est toujours sans le sou, pire, il retourne étudier...
On revient 50 ans en arrière au niveau du récit, avec des effets qui, même produits par des fondamentaux identiques, devraient être différents (pour ne pas lasser le lectorat, parce que Peter a vieilli, parce que l'époque a changé, etc.).
Voyons un peu comment Spencer a tenté d'installer ce nouveau retour en arrière. Alors qu'il assiste à une conférence, présentant une technologie de pointe censée lutter contre le plagiat, Peter Parker se voit accusé de tricherie. En effet, la thèse qu'il a présentée pour obtenir son doctorat n'est pas de lui mais d'Otto Octavius (qui "habitait" un temps son corps).
Du coup, le voilà aussi viré du Daily Bugle, où il s'occupait de la rubrique scientifique.
Peter, tout déprimé d'avoir déçu sa tante May, reprend alors le chemin de la fac...
En parallèle, Mary Jane (qui avait été écartée par Quesada parce qu'elle avait soi-disant généré un "vieillissement prématuré du personnage" en l'épousant) revient en position de petite amie attitrée.
Et niveau ennemis, l'on revient aussi à des classiques, comme Mysterio ou le Lézard.
En soi, l'écriture de ces épisodes n'est pas mauvaise, il y a de l'humour, une intrigue qui est plutôt intéressante et très arachnéenne dans l'âme, mais l'on ne peut s'empêcher de déplorer ces incessants retours en arrière qui nient l'évolution du personnage et le condamnent à rejouer les mêmes scènes, sans jamais pouvoir s'affranchir du piège éditorial dans lequel Marvel s'ingénie à l'enfermer.
En ce qui concerne les dessins, c'est Ryan Ottley qui officie. Pas de souci pour les scènes costumées, mais les visages (notamment celui de Peter) sont parfois moyens.
Enfin, le mensuel est complété par d'autres séries arachnéennes, en l'occurrence Peter Parker : The Spectacular Spider-Man et Ben Reilly : Scarlet Spider. Du matériel somme toute logique et qui se lit plutôt bien.
Panini poursuit son effort rédactionnel avec de très brefs résumés et la présentation d'un personnage par numéro. Pas de quoi sortir les cotillons, m'enfin, ça va dans le bon sens. La VF est correcte si l'on excepte une ou deux coquilles, pas très gênantes.
Signalons aussi que le deuxième numéro de Spider-Man (celui de ce mois donc) contient un ex-libris signé Stéphanie Hans. Sympa, mais insuffisant pour justifier une énième augmentation du prix (le mensuel est passé à 7,50 €). Ouch.
Entre la fin du kiosque, les prix qui n'en finissent plus de s'envoler, les tares de Panini et les choix narratifs suicidaires de Marvel, c'est un véritable exploit que le personnage parvienne encore à capter l'attention d'un lectorat pourtant exigeant.
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