Retour sur le premier tome de Porcelaine, sorti en 2014 chez Delcourt.
Gamine est une enfant des rues, sans famille, vivant dans une pauvreté extrême. Un soir, sous la menace, elle est contrainte de pénétrer dans une propriété pour y dérober de l'argenterie.
Malheureusement, elle est rapidement repérée par deux molosses... en porcelaine !
Leur propriétaire, un vieux monsieur solitaire et bienveillant, va prendre la jeune fille sous sa protection. Il lui dévoile bientôt les secrets de son métier. L'homme est un alchimiste doublé d'un génial inventeur. Il s'est notamment entouré d'automates de porcelaine, qui le servent et le distraient.
Gamine n'aura plus jamais faim, elle aura même de nouveaux amis, un parc privé... contre tout cela, une seule promesse lui sera demandée : ne jamais pénétrer dans l'atelier où son bienfaiteur garde ses précieux vernis.
La quatrième de couverture annonce tout de suite la couleur en comparant ce récit à du Dickens ou du Carroll. Et nous sommes bel et bien dans un conte où l'étrange et l'inquiétant le disputent au merveilleux.
À l'origine du projet, deux hommes, issus de Improper Books, un studio indépendant dont c'est la première réalisation grand format. Le scénario est écrit par Benjamin Read, les dessins sont de Chris Wildgoose.
Graphiquement, on flirte avec le sublime : magnifiques décors, automates réalistes et inquiétants, et deux protagonistes principaux clairement charismatiques. L'on peut citer également la très belle colorisation d'André May, aidé par Alexa Rosa pour les aplats.
Au niveau de l'histoire, l'on quitte rapidement la dure réalité sociale à la Dickens pour plonger dans du fantastique gothique, parfois un peu prévisible mais toujours fascinant. La jeune fille est une merveille d'écriture, personnage très symbolique voire archétypal, elle possède néanmoins des caractéristiques et particularités suffisantes pour la rendre non seulement crédible mais touchante.
Read fait preuve de la même habileté avec le porcelainier, tour à tour charmeur, effrayant ou pathétique. Le lecteur a la nette impression d'être face à des êtres vivants, dans toute leur complexité, et non devant un peu d'encre et de papier. Magique !
Runes et vernis magiques, esprits maléfiques, arbres de porcelaine, absolument tout baigne dans une atmosphère aussi irréelle que prenante, et non dénuée d'une certaine poésie d'ailleurs. Si toutes les productions de ce studio se révèlent aussi bonnes, il ne devrait pas rester méconnu trop longtemps.
L'ouvrage, d'environ 80 pages, est complété par un carnet de croquis, assez complet et bénéficiant d'explications délivrées par Wildgoose.
Un beau conte, fort bien écrit et magnifiquement mis en images.
Une excellente trilogie dont le dernier tome est sorti l'année dernière.
+ | Les points positifs | - | Les points négatifs |
|
|
|