Just a Pilgrim



Western post-apocalyptique bien corsé à la sauce Ennis : Just a Pilgrim.

Après la Brûlure, le monde a changé.
Les forêts ont brûlé, les océans se sont asséchés, découvrant leurs fonds plein de trésors et de monstres... la population a été décimée et les survivants errent dans un monde sans loi.
Parmi les rescapés de cette époque maudite : le Pèlerin. Un ancien soldat. Un ancien criminel. Un cannibale aussi. Il est aujourd'hui repenti et voue sa vie au Seigneur. Il parcourt l'Atlantique pour accomplir son destin. Pour anéantir l'œuvre du démon et servir le dessein du Tout-Puissant.
Mais pour les innocents qu'il rencontre, il s’avérera peut-être pire encore que les Hyènes, ces pillards fanatiques à la solde d'un monstrueux chef de guerre.
Sur cette terre de poussière et de rocaille, le bras armé de Dieu est encore là. Et il est encore plus dur que l'époque.

Lorsque l'on voit le nom de Garth Ennis sur une couverture, on sait en général à quoi s'en tenir. Le scénariste a prouvé, à travers diverses œuvres telles que Preacher, The Boys, La Pro ou encore son run, chez Marvel, sur la série Punisher, qu'il n'avait pas peur d'aller dans l'extrême et de coucher sur le papier les pires horreurs imaginables. Là encore, dans Just a Pilgrim, l'on va retrouver l'ultra-violence dont il est coutumier ainsi que certaines transgressions parfois difficilement supportables. Cannibalisme, rapports sexuels avec les animaux (qui ne sont ici qu'évoqués mais de quelle manière !), mutations horribles jusqu'au ridicule (qui font penser un peu à l'univers des romans Ranger), rien ne sera épargné au lecteur. L'on retrouve également quelques-uns des tics propres à Ennis, comme le fait de malmener la religion. Un style trash donc mais qui, encore une fois, sert le récit.
Just a Pilgrim a été publié par Semic en 2002 et 2003. Ces tomes, facilement trouvables d'occasion à prix raisonnable, regroupent en fait deux mini-séries de 5 et 4 épisodes.


Le cadre de l'histoire est à mi-chemin du western classique et de la SF post-apocalyptique à la Mad Max, avec des cinglés enfourchant d'improbables machines bricolées à partir d'on ne sait trop quoi. Et au milieu de tout cela, le Pèlerin. Large chapeau, cache-poussière dégueulasse, yeux à jamais plissés, visage fermé et buriné, une sorte de Clint Eastwood, un peu cliché, mais fort bien dessiné par Carlos Ezquerra, dans un style rugueux et brutal.
Les deux volumes sont relativement différents sur le fond. Si le premier raconte le passé du Pèlerin et montre son intransigeance, le second, tout aussi jusqu'au-boutiste dans la forme, nous dévoile la sensibilité sous le roc ainsi que l'existence, peut-être, d'un chemin vers la véritable rédemption. Deux livres vont prendre une importance capitale dans l'existence du Pèlerin. La Bible, à laquelle il se rattache lorsqu'il est à la dérive, privé du cadre militaire qui était toute sa vie. Il l'interprète de la seule façon qu'il connaisse : d'une manière stricte et rigoureuse. Le second, qui viendra plus tard, sera le journal d'un petit gamin de dix ans dont il a sacrifié la famille pour accomplir ce qui lui semblait juste.

Comme souvent, l'on retrouve ici ce qui justifie pleinement les excès apparents d'Ennis : l'intelligence et la grande humilité qu'il met dans ses histoires. Intelligence car il se sert ici de deux textes fort différents pour montrer l'effet que les mots peuvent avoir sur les individus, en bien ou en mal, et dénoncer l'importance parfois trop grande que l'on peut leur accorder si l'on oublie de garder contact avec la réalité. Humilité car, là où certains auteurs bien connus utilisent des engins de terrassement pour imposer leur point de vue au lecteur, Ennis, lui, travaille à la serpette. C'est un artisan, rusé, rieur, qui accepte de passer pour un bourrin aux yeux de ceux qui ne s'attachent qu'à l'apparence mais qui n'oublie pas de s'adresser aussi aux patients aventureux qui vont gratter un peu la surface pour découvrir le véritable sens de ses récits ainsi que l'émotion, immense, qui s'en dégage.

Des cérémonies initiatiques à base de boucs, des calmars géants qui se servent de vous comme réceptacle pour leur progéniture, des gros flingues et des repas à base de types à peine refroidis, il y a tout ça dans Just A Pilgrim. Et un peu plus aussi...
Pour lecteurs avertis, dans tous les sens du terme.




+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Le cadre post-ap.
  • Un comic d'Ennis assez peu connu.
  • Un personnage principal bien badass.
  • La forme violente et transgressive associée à un fond pertinent.
  • Encore facilement trouvable en occasion.

  • Certaines cases aux décors parfois minimalistes.
  • Une colorisation un peu trop flashy.