À la découverte d'un studio de production audio


Les amis, après nous être tournés vers le fonctionnement d’une webradio (cf. cet article), nous allons aujourd’hui tenter d’en savoir plus sur un domaine fascinant, très technique, nécessaire dans bien des domaines, mais au final peu connu, à savoir un studio de production audio, et spécifiquement aujourd’hui l’excellent DEFstudio Productions de Sergio.

UMAC : Sergio, bienvenue sur UMAC, merci de prendre le temps de répondre à nos questions. Alors, attention, c’est en parfaits novices qu’on vient te voir, on a tout à découvrir, donc on va commencer par le début, quelle est ta formation, à la base, et comment en es-tu venu à t’orienter vers un tel métier ?
Sergio : Vaste question... On commence vraiment par le début alors.
Je suis né le 3 janvier 1969, à Valenciennes, de parents italiens, dernier d'une fratrie de trois sœurs et un frère... Rien de plus normal, voir basique, si l'on n'avait pas juste oublié un petit détail : de m'allumer la lumière... En gros, je suis aveugle de naissance. Du coup, instinctivement, je me suis plus facilement intéressé au son de la vie, plutôt qu'à la vision des choses qui m'entouraient. Dès l'âge de 5 ans, on m'a mis devant un piano et depuis, je n'ai plus bougé. Mes professeurs successifs se sont rendus à l'évidence, j'avais l'oreille absolue (c'est-à-dire que je reconnais une note à peine jouée), ils disaient que j'avais un "don" pour ça. Et, de fil en aiguille, je suis allé à L'Institut Nationale des Jeunes Aveugles de Paris, j'ai continué la musique au milieu des autres cours, j'ai eu mon bac option Musique avec mention, des prix de conservatoire en piano, j'ai même obtenu une licence d'accordeur-réparateur de piano, tout cela, de 1979 à 1990. En 1981, François Mitterrand, fraîchement élu, autorisa les radios libres à émettre sur la bande FM. Et là, ce fut pour moi la révélation... J'avais de la chance d'être sur Paris, à l'époque, là où elles naissaient toutes... Plutôt que d'aller jouer au foot avec mes potes, moi, j'écoutais les radios et je leur disais : "Un jour, je serai dans le poste". Ce qui n'a pas manqué de tous les faire rire... Ils ont moins rigolé quand ils m'ont entendu, dans le poste... J'ai donc roulé ma bosse dans les radios, j'ai aussi fait le DJ dans les discothèques de France, de Belgique et de Suisse, et c'est dans l'une d'entre elles que j'ai croisé, au tout début des années 90, le chemin d'un Belge qui avait un studio d'enregistrement de spots publicitaires. Je ne connaissais rien à ce milieu, bien que je passais sans cesse des pubs à la radio. J'ai travaillé en tant que Voix Off pour lui et il m'a tout appris. Et le 2 janvier 1997, j'ai décidé de voler de mes propres ailes publicitaires, et j'ai créé DEFSTUDIO PRODUCTIONS, il est vrai, sans aucun diplôme correspondant aux enregistrements sonores.

— Tu as travaillé notamment avec énormément de radios, en quoi consiste un habillage d’antenne ? Combien ça peut coûter pour quelque chose de "complet" selon toi ?
— Vous êtes les rois des vastes questions sur UMAC ! Je pense, déjà, que la première question concerne l'habillage d'antenne, qu'est-ce que c'est précisément ? Eh bien, c'est ce qui fait que lorsqu'on tombe sur la radio, on sait de quelle radio il s'agit. Un peu simple comme explication, mais c'est ça la vérité. Un habillage d'antenne, ce sont des voix qui, entre les disques, les pubs, en début de chaque heure, avant et après les flash d'informations, vous disent le nom de la radio, sa ou ses fréquences, son slogan, etc. Alors, un bon habillage d'antenne, c'est déjà le bon choix de la ou des voix selon la couleur de la radio, les bons mots pour les textes, les bons bruitages et les bonnes musiques pour mettre sous les voix. Il faut que tout cela corresponde vraiment à l'identité musicale et directionnelle de la radio. Avec, je pense, une bonne trentaine de Jingles parlés, pour commencer, c'est déjà pas mal. Ensuite, pour encore plus professionnaliser le tout, il faut chanter le nom de la radio, la ou les fréquences, le slogan... Ce que l'on appelle plus communément dans le jargon, des Jingles chantés. Je pense qu'avec une bonne dizaine de Jingles chantés, tous bien différents, avec toutes leurs déclinaisons (version plus courte, version a capella...), plus les 30 jingles parlés avec aussi toutes leurs déclinaisons cités ci-dessus, là, on est vraiment bien. Mon studio propose ce pack d'habillage d'antenne d'environ 200 jingles pour 3 000 € HT.

— Comment se passe, concrètement, une séance de travail pour un jingle chanté, parlé, pour une pub, etc. ? J’imagine qu’il y a une pré-sélection d’acteurs ou chanteurs par rapport aux demandes du client, puis une direction artistique dont tu te charges ? Quelles sont les difficultés les plus fréquentes ?
— La toute première difficulté, c'est la bonne voix, la bonne diction. Ce n'est pas toujours évident. C'est au studio de production de savoir, avec l'habitude, quelle voix va correspondre au texte de la publicité qu'il doit enregistrer, pareil pour le jingle parlé. Pour le jingle chanté c'est différent. Tout le monde ne sait pas chanter, du coup, la sélection est plus rapide. Il faut connaître la musique, je ne dois pas avoir besoin d'expliquer à la chanteuse ou au chanteur ce que c'est que de chanter en tierce, en quinte, etc.

— Les studios son, dans l’imaginaire collectif, c’est un peu comme des postes de pilotage d’Airbus, il y a des boutons partout, ça fait vachement sérieux, mais est-ce que tout est utile au final, ou bien c’est juste pour effrayer les amateurs ? Est-il nécessaire d’avoir par exemple une formation pointue ou les logiciels actuels peuvent-ils pallier certaines tares ?
— Comme je dis à chaque fois, même à ma fille à l'école, c'est le résultat qui compte... J'ai entendu des jingles et des spots extraordinaires montés par des types juste devant un ordinateur dans leur chambre, et j'ai entendu des grosses merdes livrées par de gros studios avec plein de boutons partout, comme tu dis. Moi, j'ai des boutons partout parce que c'est plus facile pour un miro d'utiliser des boutons que je peux toucher et par conséquent régler, que de bosser avec un logiciel sur ordi que je ne vois pas.


— Tu collabores parfois avec des acteurs français doublant de grandes stars et dont les voix sont connues, as-tu des anecdotes à ce sujet ?
— La seule vraie grande chose à dire à propos de cela, et je ne vais pas encore me faire des amis, c'est que tous ces gens sont loin d'être tous sympas... Vraiment, ils se prennent la tête comme pas possible. Un manque de reconnaissance, peut-être. Heureusement, il y en a des bien. Ah, et aussi, ils sont très chers...

— Sergio, ton studio propose également des produits audio "clés en main" pour les magasins, ou même des voice tracks, avec ou sans playlists, est-ce que tu peux nous expliquer en quoi cela consiste ?
— Mon véritable premier souhait est de facilité à tout le monde, la production audio. Alors, je mets en place des packs de voix déjà préenregistrées, comme ça, le client entend déjà le résultat et on n'a plus qu'à greffer son nom à l'intérieur. Pour les radios de magasin, c'est le même principe. Le client choisit la musique et les promotions qu'il souhaite diffuser au sein de son établissement. Grâce à cela, le client se démarque du concurrent d'en face... Plus sympa, non ?

— As-tu déjà créé des effets pour le cinéma ou certains jeux vidéo ? Et sont-ce des domaines qui t’inspirent ?
— J'ai juste fait quelques voix pour les jeux vidéo, quelques voix également pour des diffusions Youtube et autres réseaux sociaux mais pas le cinéma... C'est sympa, je reste ouvert.

— Peux-tu nous citer des slogans ou mélodies connus que tu as créés ?
— J'en ai vraiment créé beaucoup... Pour Peugeot, entre autres, dans les années 2000, et beaucoup de gens chantent machinalement des mélodies de jingles de radio qui sortent de mon cerveau... Ça me fait bien rire.

— Je sais que tu es également animateur radio, où officies-tu aujourd’hui, et quel conseils donnerais-tu à quelqu’un qui veut se lancer dans l’animation ou le domaine du son ?
— Outre les webradios qui utilisent ma voix dans des packages d'animations préproduits à l'avance, je suis actuellement, depuis début 2021, sur RFM sur l'île de la Réunion, du lundi au vendredi, de 6 heures à 10 heures, j'anime le meilleur des réveils... Le tout depuis Lille, vive la technique ! Je pense que le meilleur conseil que je puisse donner à ce jour est l'entraînement, le travail, le travail et aussi... le travail... Il n'y a que ça qui paie.