Le Dernier des Dieux 4/4


Tout a mené à ce tome 4. Tout a conduit à cet affrontement final.
Mais cet ultime épisode fait-il davantage qu'apporter une simple conclusion ?


Créer un faux suspense n'aurait aucun intérêt... alors, oui.
Oui, le quatrième tome de cette saga parue chez Urban a encore pas mal de choses à offrir, en plus du simple face à face ultime avec l'antagoniste révélé dès le premier tome.

À une époque où chaque scénario semble être inspiré d'un autre, où l'on a plus l'habitude d'être dorloté par le confort de lectures sans grandes surprises, il est agréable de voir un comic book dont la narration surprend. Surtout qu'ici tout est pourtant volontairement archétypal, comme pour ancrer immédiatement Le Dernier des Dieux dans tout ce qui fait la fantasy et dissiper tout doute quant à sa nature.
Pourtant, de retournements de situation en messages humanistes, de retrouvailles en sacrifices, d'explications en révélations, ce dernier volume apporte bien plus à la saga que la seule promesse tenue d'un combat manichéen entre le Bien et le Mal, entre l'Être et le Néant.

L'atmosphère de la couverture est révélatrice : certes, vous aurez droit à la baston anticipée depuis trois livres mais également à votre lot d'émotions, tant on se lie aux personnages au fil de l'histoire et tant le récit sait se montrer cruel envers eux : la démesure de leur culpabilité et de leur douleur n'a d'égale que celle des enjeux auxquels ils sont confrontés.

Ces quatre albums magnifiques représentent le Livre 1 d'un ensemble intitulé Les Chroniques du Bûcher des Tertres, l'auteur promettant en postface que nous sommes très loin d'en avoir fini avec Cain Anuun. Auquel cas, que cela soit dit, Cain Anuun n'en a pas non plus fini avec moi !


L'on dit souvent qu'il est devenu rare, à notre époque, de vivre une authentique frustration. Ce serait même là la source de nombre de comportements déviants de notre jeunesse... 

Eh bien, pour régler le problème, je suggère de demander à chaque gamin de merde de rédiger une chronique sur Le Dernier des Dieux #4 en se fixant comme règles de conduite d'éviter les redites avec les articles sur les tomes 1, 2 et 3 et de ne rien divulguer qui pourrait gâcher au lecteur le plaisir de la découverte... On en arrive à un sentiment d'impuissance absolu : la cohérence qualitative générale de l'œuvre fait que, pour cet opus, il ne me reste plus grand-chose d'original à déclarer sur sa forme et qu'il y a bien trop de choses à éviter de dire quant à son fond.

Je serai donc bref (ça va me changer, tiens) et évasif : ce volet est bien plus concentré sur l'action, comme on pouvait l'attendre, et se permet de continuer à apporter, sans aucune lourdeur, des éléments de narration importants en plein milieu d'étripages, de décapitations et d'éviscérations. 
On n'est pas ici en présence d'un récit vaguement improvisé d'album en album mais, très clairement, d'un épisode méticuleusement écrit s'inscrivant dans un univers original et maîtrisé.

Riche en flashbacks, en apartés, en réflexions et en sous-intrigues, ce final est bien plus qu'une simple ligne droite menant à la résolution : il est la raison intrinsèque de tout ce qui a précédé, l'histoire n'a existé que pour mener nos héros et leurs lecteurs à ce point précis où tout se conclut. Toute histoire devrait être ainsi construite pour ne rien perdre en intensité car un  final en apogée ne suffit pas : il faut qu'il soit en plus éclairant pour le reste du récit... malheureusement, cette évidence est de moins en moins souvent respectée et moins encore dans les œuvres de divertissement populaires. Il n'y a qu'à voir la fin de la plupart des blockbusters super-héroïques : loin d'éclairer ce qui précède, ça met davantage en lumière ce qui risque de suivre, dans une très mercantile démarche promotionnelle certes compréhensible mais tout aussi critiquable.


Mais déposons les armes. Même si la tentation est grande de digresser pour offrir à cet article le nombre de lignes et de paragraphes que mérite son sujet (quitte à sortir du thème), je préfère laisser pour plus tard (ou pour jamais, si je tiens à conserver des rapports cordiaux avec une bonne partie de notre lectorat) mon opinion sur les films du MCU. 

Demandons-nous plutôt ce qu'il faut penser du Dernier des Dieux, maintenant que nous avons accès à son intégralité.

Eh bien, que vous soyez ou non amateur de fantasy, la maturité du trait et de l'écriture devraient pouvoir vous séduire.
L'univers est cohérent de bout en bout, ce qui constitue à mes yeux une qualité indéniable qui semble pourtant facultative à trop d'auteurs et de scénaristes (mais je ne reviendrai pas sur le MCU, j'ai promis).
Les personnages sont assez variés pour constituer un groupe d'aventuriers qui n'est pas sans rappeler les personnages de vos potes dans Donjons & Dragons mais suffisamment travaillés pour acquérir une personnalité, une aura et un charisme qui leur sont propres. 
L'histoire nous fait une démonstration de l'intérêt qu'il peut y avoir à suivre un fil extrêmement classique (le Bien contre le Mal, tout ça...) lorsque c'est fait avec créativité et sans avoir peur d'offrir une relecture moderne aux thèmes les plus éculés.
L'Humanité a rarement été dépeinte avec autant de sévérité dans un comic book : depuis l'imposture initiale que constitue le statut de héros de certains des personnages jusqu'aux lâchetés et compromis auxquels sont prêts à se livrer les héros, on n'en sort guère grandis et ce n'est finalement pas vraiment aux humains que l'on doit leur survie...
La beauté de la mise en couleurs est indéniable en ce qu'elle parvient parfois même à sublimer un dessin pourtant déjà assez remarquable.
Les nouvelles et autres textes s'intercalant entre les chapitres ne sont pas seulement décoratifs et informatifs ; ils ont aussi une authentique valeur littéraire, tant dans leur maîtrise de la langue que dans ce qu'ils apportent comme profondeur aux chapitres auxquels ils succèdent.
Le nouveau format 32 x 21cm de Urban offre une belle amplitude aux cases pour s'épanouir et la qualité d'édition ne fait pas défaut.

Le tout se termine sur une nouvelle graphique expliquant les origines jusque-là floue d'un des personnages (dispensable mais toujours aussi inspiré !) et un carnet de croquis qui est, pour qui tâte parfois du crayon comme moi, une véritable source à complexes : Riccardo Federici est un nouveau dieu dans mon panthéon des dessinateurs de génie et il est loin d'être le dernier ! 



+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Intéressant.
  • Cohérent.
  • Beau.
  • Émouvant.
  • Poignant.
  • Violent.
  • Enthousiasmant.
  • Un modèle de fantasy bien menée et intelligente.
  • Très honnêtement, en dehors d'un rejet que je peux comprendre pour le genre, je ne vois pas ce qui pourrait rebuter quelque amateur de BD que ce soit dans Le Dernier des Dieux.
    Quoi que vous cherchiez dans cet art, il doit vous être loisible de l'y trouver.