... ou "Quand être la progéniture d'une femme vomissant sa haine des prostituées
n'empêche pas de devenir un des plus célèbres fils de pute du XXe siècle".
Que l'on se mette d'accord d'emblée : vous ne trouverez ici aucune compassion, aucune complaisance, aucune fascination pour la pitoyable raclure de fond de bidet dont cette imposante bande dessinée fait ici la biographie. Si vous cherchez à partager votre passion pour les tueurs en série azimutés avec d'autres détraqués morbides, grand bien vous fasse. Toutefois, ce n'est pas ici la vie d'Ed Gein qui va être commentée mais bien la bande dessinée magistrale qui la relate.
Pour ne laisser aucun doute à ce sujet, les principaux protagonistes se verront systématiquement affublés d'adjectifs dépréciatifs fleuris. Si vous êtes capable d'encaisser l'idée que cet immonde trou du cul ait pu déterrer des cadavres pour les écorcher, vous devriez supporter que je le qualifie d'anus purulent sans trop vous offusquer. Merci pour votre compréhension.
Notre bonne grosse enflure d'Ed "Le Boucher du Wisconsin" Gein est un de ces détraqués à qui l'on doit la plupart des mentions "inspiré de faits réels" dont se parent les films horrifiques.
Qu'il s'agisse d'histoires aussi différentes et éloignées de celle de notre givré que celle du Norman Bates de Psychose, de Leatherface dans Massacre à la tronçonneuse ou de Buffalo Bill dans Le Silence des agneaux, toutes disent avoir pour muse des fadas de tout poil. Et si le nom d'un de ces cauchemars darwiniens revient souvent parmi les sources d'inspiration avouées, c'est bien celui d'Edward Theodore Gein !
C'est que ce bouseux, digne représentant de ce que l'Amérique compte de plus ignoble, a de quoi marquer les esprits et l'imaginaire collectif... Alors que la patrie de l'Oncle Sam tremble à l'évocation de l'ennemi naturel qu'est l'U.R.S.S., il va falloir se rendre à l'évidence : l'ennemi peut tout aussi bien être intérieur et prendre, même, l'apparence du benêt de service que l'on estime pourtant plus inoffensif qu'une éclaboussure de crottin sur un soulier vernis.
Cette exécrable sous-merde d'Ed Gein a grandi dans une de ces sympathiques familles semblant cocher toutes les cases possibles pour voir l'émergence d'une collection de déséquilibres mentaux chez leur progéniture.
Commençons par le père, trop souvent décrit comme victime de sa propre épouse mais notoirement alcoolique et violent. Il battait régulièrement sa femme et assumait détester ses deux fils. Charmant personnage de loque humaine frustrée se défoulant sur les siens. Jugement moral, dites-vous ? Parfaitement. Pour que naisse une sombre merde, il faut l'intervention de deux fesses pas nettes.
Commençons par le père, trop souvent décrit comme victime de sa propre épouse mais notoirement alcoolique et violent. Il battait régulièrement sa femme et assumait détester ses deux fils. Charmant personnage de loque humaine frustrée se défoulant sur les siens. Jugement moral, dites-vous ? Parfaitement. Pour que naisse une sombre merde, il faut l'intervention de deux fesses pas nettes.
Venons à la seconde fesse : la mère. Cette bonne femme avait le bon goût d'ajouter à la famille la touche de religiosité haineuse qui manquait à l'ensemble déjà bien engageant : luthérienne fanatique, cette détraquée lécheuse de crucifix était convaincue que toutes les femmes étaient des créatures trop immorales pour être dignes de ses fils. Violente et méprisante, elle détestait son époux et enfermait ses fils dans ses inepties religieuses, faisant tout pour les éloigner de toute éducation un rien rationnelle.
Comme une funeste blague, le paternel débarrassera notre monde de sa présence le 1er avril 1940, dans l'indifférence générale.
En 1944, Henry (le grand-frère d'Ed) décèdera dans un incendie aux causes encore inconnues. Aucune enquête à ce sujet n'a été concluante mais un fratricide est fort probable.
Toutefois, c'est en 1945 qu'Edward va nous griller le seul fusible en état de marche qui entretenait vaguement un lien entre lui et le reste de l'Humanité : sa mère va elle aussi aller nourrir les vers. Pour un gars capable de se masturber en contemplant le schéma du système reproducteur féminin dans un guide de médecine domestique et ayant érigé sa môman au rang de véritable déesse vivante, seule cible de toutes ses haines et de tous ses fantasmes, c'en est trop.
Il a alors 39 ans et c'est la toute première fois qu'il se retrouve seul, livré à lui-même. Comme on pouvait s'y attendre de la part d'un idolâtre azimuté, il refuse catégoriquement d'accepter la mort de sa mère et se met en tête de la faire revivre. Mais le corps de l'immonde bonne femme est inaccessible, enterré sous une chape de béton. Frustré, notre corniaud se met alors à déterrer des cadavres de femmes aussi obèses que sa daronne et à découper leur peau pour constituer ses premiers "habits humains", ne se refusant à la nécrophilie, selon ses propres dires, qu'en raison de l'odeur désagréable des charognes qu'il exhume.
L'histoire prend des atours médiatiques en 1954, lorsque Mary Hogan disparaît dans des circonstances étranges. L’enquête des policiers locaux ne mène à rien mais, trois ans plus tard, Bernice Worden disparaît dans les mêmes conditions. Vu qu'il a l'intelligence d'un bulot mort, Edward a laissé partout des indices de sa culpabilité et devient très vite le suspect principal. Tout mène donc les enquêteurs jusqu'à la miteuse ferme Gein. Et là, mes amis, c'est la brocante du bon goût : abat-jour, rideaux, draps et gants en peau humaine, cadavres dépecés, organes humains exhibés dans des bocaux. Bernice Worden est retrouvée, pendue par les pieds, décapitée et éventrée comme un cerf. Le corps de Mary Hogan ne sera pas retrouvé mais sa tête est bel et bien présente, dans un sac en papier.
C'est lors de sa mise en examen que les pratiques de notre détraqué de service font les grands titres, au rythme grandissant de la liste de ses victimes.
Psychotique évident, "Dickhead Ed" ne culpabilisera jamais, préférant même parfois rejeter la faute de ses actes sur l'hypothèse selon laquelle il ne serait que l'instrument de la volonté divine : "Parfois je me demande comment Dieu a pu me prendre ma mère et laisser ces horribles femmes vivre. Puis je me dis que c’est peut-être Dieu qui m’a fait les tuer. Parce qu’elles étaient mauvaises et que tel était leur sort.". Fanatique accablé d'une déficience intellectuelle due à son enfance privée de stimulations intellectuelles, il ne raisonnera que selon son système de croyances très personnel et délirant.
Lors de ses dépositions, il narrera les faits comme vus de l'extérieur, comme si c'étaient des obligations vitales et non des perversions assumées.
Le scénario de cet album édité par Delcourt a été rédigé par Harold Schechter. Écrivain américain spécialisé dans les faits divers authentiques, il loue sa plume au New York Times ; il est en outre professeur émérite de l'Université de New York. Son approche de ces événements est purement journalistique, en ce sens qu'elle relate les faits sans les commenter, en dehors des intercalaires entre les chapitres se laissant souvent aller à une ironie étrange jouant avec l'humour noir. Sur 210 pages, il nous livre simplement mais efficacement la biographie très documentée de ce sombre arriéré que la culture populaire a utilisé comme inspiration pour quelques-uns de ses tueurs de fiction les plus populaires.
Le dessin, lui, a été confié à Eric Powell. Déjà auteur des Seigneurs de la misère et de The Goon, il offre à l'album un dessin réaliste et a le bon goût de nier à son personnage central le droit à toute forme de charisme. La plupart du temps, l'on voit en lui une sorte de pathétique idiot du village qui s'est laissé emporter dans un délire criminel parce que porté par des pulsions qui le dépassent.
Dans un noir et blanc lumineux, il offre des personnages très caractérisés sur fond de décors crayonnés. Sans être magnifiques, les planches de cet album sont toutes parfaitement réalisées et servent l'aspect documentaire du récit.
L'ambition de cet album n'est en rien de nous narrer une trépidante enquête sur un tueur machiavélique se jouant de la police mais, au contraire, de nous tracer la chronique ordinaire d'une famille dysfonctionnelle au possible, engendrant un individu vil et rongé par les superstitions ineptes d'une croyance familiale corrompue.
En ce sens, il fait parfaitement le travail et pourrait tout aussi bien s'intituler "Les Origines du mal"...
L'objet se clôt sur un carnet de croquis et de recherches de son dessinateur ainsi que deux entretiens avec des psychologues ayant travaillé sur le cas d'Ed Gein, achevant de faire de lui un ouvrage intéressant et documenté.
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