Vous aviez aimé Thomas Wayne en Batman de Flashpoint ?
DC comics l'a bien compris et vous offre la possibilité de le retrouver, plus sombre et expéditif que jamais.
On ne va pas vous rappeler pendant 115 ans ce qu'est le Flashpoint : Barry Allen (Flash) a voulu sauver sa mère des griffes de son assassin en remontant dans le temps et, ce faisant, a créé un nouveau continuum temporel dans lequel sa mère est en vie, certes, mais où nombre de nos héros ont vu leur passé modifié.
Un de ceux pour qui le changement fut le plus drastique fut Batman : plus de Bruce Wayne orphelin s'entraînant depuis le plus jeune âge pour venger l'assassinat de ses parents en combattant le crime, mais bien un Thomas Wayne d'âge mûr fou de colère endossant la cape pour faire payer aux criminels la mort de son fils abattu en pleine rue... et une Martha Wayne devenue une Joker au féminin aussi démente que l'original.
Mais pourquoi se passer d'un personnage aussi jouissif qu'un Batman capable de loger des munitions de tous calibres dans le crâne de tout qui se met en travers de sa route vers l'accomplissement de sa vision très personnelle de la justice ?
Après tout, le public semble avoir envie d'une version de Batou capable d'employer tous les moyens pour parvenir à ses fins et, comme ce type de récit n'est pas accessible à Bruce si l'on souhaite garder un minimum de cohérence psychologique dans le traitement du personnage... autant créer une situation (fut-elle hautement improbable et capillotractée) où Papa Thomas pourra encore être exploité !
L'on retrouve donc un Thomas de retour dans sa Gotham, conscient de tout ce qui s'est déroulé auparavant et du fait que son existence comme celle de son univers sont des anomalies. Déjà quand il pensait vivre dans le plus cruel, certes, mais le plus légitime des mondes, Wayne Senior prenait rarement la peine de faire dans la finesse... alors imaginez les méthodes qu'il va employer pour comprendre les raisons de son retour à l'existence dans un monde qu'il considère comme illégitime et où, selon ses propres dires, "rien ne compte". Oui, ça va défourailler façon Punisher et l'on comprendra aisément pourquoi la tenue de cette itération de la chauve-souris ne porte sur elle que du noir et du rouge : le sang laisse moins de traces.
Geof Johns retrouve donc le personnage tragique du père de Bruce et en profite pour traiter, comme il a l'habitude de le faire, de la filiation. Avec Jeremy Adams et Tim Sheridan à ses côtés pour l'écriture, il va nous soumettre ce qui pourrait être le départ d'un tout nouvel arc narratif très distinct de l'ère Infinite que nous connaissons pour le moment.
Maintenu réel par un pari audacieux de Bruce dans l'Univers Prime, l'Univers Flashpoint fait ici un peu penser à ces "univers de poche" que présentent nombre d'œuvres de fiction.
Si cela peut plaire aux fans ayant apprécié cette réalité parallèle lors de sa découverte en 2011, après tout, pourquoi pas ?
Mais encore faut-il que cela soit bien fait.
Qu'en est-il donc de la qualité de ce one shot, plutôt dédié aux connaisseurs, et ouvrant potentiellement la porte vers une exploitation à venir de tout un autre monde ?
Scénaristiquement, on est d'emblée balancés dans cet univers où Atlantes et Amazones se font la guerre pour dominer l'Europe (ah bah, super !), où Flash n'existe pas, où Superman a été emprisonné par les Américains dès son arrivée sur Terre... Rien n'a changé depuis 2011 et c'est tant mieux : ce qui va nous intéresser, ce seront les décisions de Thomas Wayne, dans ce monde qu'il considère factice ; la façon dont il finira ou non par accorder de l'importance à ces existence qui n'auraient jamais dû être.
Tiraillé entre le besoin de comprendre pourquoi tout cela perdure, l'envie que cela cesse et l'évidente et entêtante volonté de survivre et de sauver ceux qu'il juge dignes de rester en vie, il va mener son enquête (se maudissant au passage d'être en cela bien moins compétent que son fils de l'Univers Prime) à coups d'attaques létales. Avec Thomas, on n'a pas le plus grand détective du monde... plutôt un enquêteur prêt à tout.
L'on retrouvera durant son périple quelques-uns des plus fameux adversaires de Thomas, quelques alliés revêches, le dernier membre en vie de sa famille et... quelques incursions scénaristiques dans l'Univers Prime où l'on comprend que Bruce se bat contre les règles des Maîtres du Temps pour garder son père en vie.
Visuellement, le tome s'ouvre sur des planches signées Eduardo Risso qui ne sont pas ce que l'album a de plus innovant à offrir, loin de là. D'un classicisme aussi passionnant qu'un match de ping-pong dans la neige (ouais, c'est ça : on ne voit pas la balle, tu as compris la vanne !), elle ne doivent pas pour autant vous décourager : le meilleur reste à venir.
Une fois passé le prologue, Xermanico et Mikel Janin reprennent le flambeau pour un traitement autrement plus actuel et détaillé. Dès lors, tant la mise en page que les couleurs se mettent au diapason du dessin et l'on retrouve l'esprit des comics de chez DC de 2023, avec la particularité d'un trait très mature et sec, assez judicieux au regard de la personnalité du personnage central.
Quelques très belles pleines pages, quelques doubles pages bien exploitées, un découpage parfois significatif... le tout nappé de couleurs vives très contrebalancées par des ombres assez présentes.
Au final, nous voici avec un comic qui plaira de toute évidence à tous ceux que Thomas Wayne avait convaincu en Batman radical... mais aussi aux curieux qui étaient passés à côté et qui maîtrisent un peu le Batverse. Pour les autres, Urban fait toujours un travail d'édition de qualité avec un résumé des événements précédents très clair en début de volume et (mon péché mignon) les illustrations de couverture des publications américaines en pleines pages en guise d'annexes.
Au final, nous voici avec un comic qui plaira de toute évidence à tous ceux que Thomas Wayne avait convaincu en Batman radical... mais aussi aux curieux qui étaient passés à côté et qui maîtrisent un peu le Batverse. Pour les autres, Urban fait toujours un travail d'édition de qualité avec un résumé des événements précédents très clair en début de volume et (mon péché mignon) les illustrations de couverture des publications américaines en pleines pages en guise d'annexes.
Un petit ovni dans l'époque Infinite, donc... mais un ovni bienvenu.
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