Batman : DC Vampires 1/2



Après "Agrougrou, les zombies",  "Agrougrou, les vampires".
Bientôt "Agrougrou, les momies" ou "Agrougrou, les loups-garous" ?


DC nous avait servi en maxi-série un univers horrifique intelligemment nommé DCeased qui avait le bon goût de mêler la chair pourrie et les super-héros. Nous voici dans un autre univers où nos super-humains rencontrent des suceurs de sang. Bien. On connaît le menu, on ne va pas s'étendre des siècles sur la recette... mais comment est-ce cuisiné ? Eh bien... de la plus banale façon qui soit. Et c'est bien triste, à vrai dire. Où sont les épices, DC ? Où sont les arômes ?

DC Vampires, c'est l'histoire de la propagation du vampirisme au sein des super-slips et des vilains. Et c'est rapide. Très. Trop. 
Très vite, la seule chose à laquelle ça fait penser, c'est une sorte de "touche-touche" ou de "jeu du chat" (comment appelle-t-on ça, chez vous ?).
Machin a été mordu. Qui sait qu'il a été mordu ? Qui va-t-il mordre ? 
Machin a été tué. Par qui ? Par un traître qui va dénoncer un innocent mais c'est tellement prévisible qu'on ne s'est même pas fatigué à vous le faire deviner : on vous l'a montré !

Si vous aimez les Battle Royale, ça pourrait néanmoins vous plaire. James Tynion IV et Matthew Rosenberg connaissent bien les interactions entre les personnages de l'univers et en jouent avec un peu de vice et pas mal d'humour.
Mais sorti de ça, c'est scénaristiquement aussi intéressant qu'une partie de balle au prisonnier.
Et ne vous montez pas le bourrichon inutilement : on a tous envie de voir l'homme chauve-souris avec des crocs, comme sur la couverture, hein oui ? Bah non. Oui, c'est un vol manifeste d'un fantasme de gosse (tous les fantasmes ne sont pas sexuels, bande de tordus !) : Batman ne devient pas un vampire.
Eh ouais : dans un univers où ça aurait été possible, l'homme-pipistrelle ne devient même pas un damné suceur de sang. D'accord, il ne faut pas nécessairement suivre les attentes des fans (c'est même souvent la pire des idées) mais quand le reste de ton bouquin n'amène pas grand-chose, offre-leur au moins une sucrerie, bon sang !
Laissons là le scénario... car il n'est pas l'unique souci caché derrière cette mensongère couverture (on ne s'en remet pas, ici).

Que d'émotion ! La fameuse expressivité tant vantée de ce dessinateur, sans doute.
Et son sens du détail, aussi. Quel exemple de maîtrise. Je me sens floué, par rapport à la couverture.
En effet, le dessin est assuré par Otto Schmidt. Le gars a déjà bossé sur Green Arrow (et on voit qu'il l'aime, ce personnage) et Harley Quinn. D'aucuns trouvent son dessin dynamique, coloré, expressif. Certes. Mais inconstant, aussi. Et parfois moche. Parfois même anatomiquement improbable. Quant à la mise en couleurs flashy, admettons que ça plaise à certains ; mais dans un récit vampirique, ça fait passer Buffy contre les vampires pour une œuvre gothique d'une noirceur insupportable au point de vouloir s'empaler le cœur sur le premier crayon bien taillé venu.
Ce constat est plus flagrant encore lorsque les planches du gaillard côtoient sans prévenir celles (incroyablement maîtrisées et esthétiques) d'un Simone Di Meo, par exemple.


Juste pour le plaisir, voici une case de Di Meo, non représentative de l'ensemble de ce tome, malheureusement... Admettons que ça a une autre gueule.

Terminons néanmoins sur un point positif, outre l'intérêt de ce premier tome (sur deux) pour les amateurs de ce type très précis d'histoires, on y retrouve aussi les deux one-shots DC Vampires : Hunters et DC Vampires : Killers qui sont de facture parfaitement honnête.

Au final, que faut-il donc penser de cette sortie ?
Urban fait une nouvelle fois un travail d'édition difficilement critiquable et même intelligent. Les deux one-shots, les couvertures alternatives en pleines pages en fin de recueil...  On a clairement de la chance d'avoir un tel éditeur pour s'occuper de DC en francophonie. Rien à redire de ce côté : on connaît une "maison des idées" qui pourrait aisément jalouser le travail d'adaptation remarquable que cet éditeur fait pour Detective Comics (oui, on oublie trop souvent la signification de ces initiales).

Ici, c'est surtout le matériau de base qui pêche par son indigence. C'est dommage : les plus geeks parmi nous méritaient meilleur traitement de cette improbable immersion de l'univers DC dans la thématique vampirique. 
Il y aurait tant à raconter, tant à faire.
Une fois encore : regardez simplement la couverture avec ce Batou assoiffé de sang et osez prétendre que le dilemme du vampire porté à son paroxysme dans un récit sombre et torturé ne vous aurait pas tenté ! Osez affirmer que confronter le refus de tuer catégorique de Batman à un besoin vital de mordre des carotides n'ouvre pas d'emblée tout un champ d'exploration de sa psyché qui éveille votre curiosité...
Eh bien, nous n'aurons pas cette histoire. Pas cette fois. Nous aurons même tout son contraire : une sorte de blague peu innovante et parfois poussive dont la seule réelle surprise est la déception qu'elle engendre.



+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Les illustrations de couverture sont de vrais nids à fantasmes de geeks et offrent des artworks de qualité ouvrant des perspectives intéressantes.
  • Quelques rares gags font mouche.
  • L'intégralité du tome s'échine à se torcher avec les promesses alléchantes des couvertures.
  • Le scénario est d'une vacuité navrante.
  • Les dessins oscillent entre "indignes de DC" et "dignes des WC".