Uber - Les Surhumains du Reich

Nous partons pour l'Allemagne de 1945 avec le premier tome de Uber, sorti ce mois chez Panini.

Avril 1945. Le Reich est à l'agonie, pris entre l'avancée alliée à l'ouest et l'étau soviétique à l'est qui menace de faire tomber Berlin. Tout semble perdu.
Pourtant, l'Allemagne a encore un atout à jouer. Les wunderwaffen d'Hitler, ces fameuses armes "miracles", pourraient bien changer le cours de la guerre. Parmi elles, l'übermensch, un surhomme à la force inimaginable. Certaines versions "cuirassées" de ces panzermenschen peuvent même encaisser un tir d'obus à bout portant...
Alors que les russes subissent de plein fouet cette ultime contre-offensive, les anglais entrent dans la course au surhomme.
Quoi qu'il en soit, le cours de l'Histoire a déjà changé. Hitler ne s'est pas suicidé dans son bunker et il rêve déjà, pour venger Berlin en ruines, de raser Paris...

Voilà une nouvelle série, plutôt intéressante, que l'on doit à Kieron Gillen pour le scénario et Caanan White pour les dessins. Étonnamment, les deux auteurs ne sont pas traités de la même façon sur la cover. Si le nom de Gillen apparait en blanc, en larges lettres majuscules, celui de White est plus petit et discret. Ce genre de détail peut sembler sans importance mais cette différence de traitement est clairement assez injuste, d'autant que la notoriété supposée du scénariste ne justifie en rien un tel déséquilibre. M'enfin bon, passons.



Les épisodes rassemblés ici empruntent à la fois au genre super-héroïque, à l'Histoire et à l'espionnage. De nombreux personnages réels apparaissent dans ces planches, que ce soit Hitler, Churchill, Guderian ou Speer. D'ailleurs, à part Stéphanie, une jolie scientifique qui se révèle être en fait une espionne, aucun personnage fictif n'a beaucoup d'importance ou "d'épaisseur", la narration privilégiant largement l'aspect géopolitique - d'ailleurs très vraisemblable - aux destins individuels.
Cela pourrait donner quelque chose d'un peu froid, à l'aspect documentaire, mais en réalité le récit, aidé par des dialogues fort bien écrits et un rythme haletant, devient vite passionnant.

Le niveau de violence (probablement la cause d'une vente sous blister en plus du macaron d'avertissement) du titre est très élevé. Uber se révèle particulièrement gore, avec des scènes ne lésinant pas sur l'hémoglobine, les corps démembrés ou les morceaux de cervelle qui volent.
Vu le contexte (la guerre après tout), cela reste tout de même justifié et permet de rendre compte de l'âpreté des combats avec un certain réalisme. Ce même réalisme est renforcé par une utilisation mesurée et intelligente des surhommes. On sent que les scientifiques tâtonnent, le processus de transformation est long et les surhumains relativement limités (ils doivent notamment respecter une phase de repos après avoir utilisé leurs pouvoirs).



Le mélange entre uchronie, surnaturel et nazis n'est pas franchement nouveau (l'on peut citer Je suis Légion, Block 109, le début de The Twelve voire même encore le moins sérieux Lost Squad) mais fonctionne particulièrement bien ici.
Gillen semble bien connaître son sujet et développe une histoire crédible et prenante, soutenue par des dessins qui restent agréables malgré une colorisation contrastée, manquant de nuances.
D'un point de vue un peu anecdotique, on peut signaler des erreurs grossières concernant certains termes allemands dans le texte. Difficile de savoir si c'était déjà présent en VO, mais les pluriels de ce que l'on appelle le "masculin faible" en allemand sont systématiquement ignorés. On voit donc des "les übermensch" ou "les panzermensch", alors que le pluriel correct serait "menschen". En français, c'est l'équivalent d'un "les animal" par exemple. C'est très bien d'utiliser des termes étrangers pour renforcer l'immersion, mais se renseigner un minimum sur leur emploi n'aurait pas demandé beaucoup plus de temps et aurait permis d'éviter ces maladresses.

Au niveau éditorial, l'on peut regretter aussi que les covers originales des épisodes soient uniquement présentes dans une version réduite (même pas un quart de page).

Un récit certes violent mais historiquement crédible et habilement mis en scène.
Le cliffhanger final et les pans de mystère qui entourent encore la "production" de surhumains donnent envie de découvrir la suite.




+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Le contexte historique.
  • La dimension stratégique et politique.
  • Qualité des dialogues.
  • Une violence très présente mais justifiée.

  • Une colorisation un peu "lourdingue" parfois.
  • Des fautes d'allemand, qui changent un peu des habituelles fautes de français.