COMETA : de l'ironie à la recherche de la vérité
En 1999, l'association COMETA, ayant pour but de sensibiliser les pouvoirs publics aux phénomènes aérospatiaux non-identifiés (PAN), remet aux plus hautes autorités françaises un rapport au titre surprenant : Les OVNI et la Défense - à quoi doit-on se préparer ?
Une quinzaine d'années plus tard, ce rapport, pourtant de qualité mais souvent moqué, est plus connu à l'étranger, notamment aux États-Unis, qu'en France.
Ce qu'il contient pose des questions scientifiques et philosophiques qui sont autant de défis intellectuels. Les concepts qu'il aborde, entre autres l'existence possible d'une vie intelligente extraterrestre, sont depuis longtemps au cœur de nombreux romans, films ou jeux vidéo. Si le principe d'une intelligence extérieure à notre planète n'a rien de nouveau dans la fiction et la culture populaire, il est encore difficile de s'intéresser sérieusement au sujet de nos jours. La frilosité de certains scientifiques, l'ironie mordante de la presse, le désintérêt des politiques ont permis de faire passer un sujet passionnant pour, au mieux, une perte de temps.
Pourtant, comme nous allons le voir au travers de ce rapport, il existe de nombreuses raisons de s'intéresser à ce domaine encore tabou et porteur de fantasmes, de craintes et de fols espoirs.
Les membres de l'association
Il n'est pas inutile, lorsque l'on veut s'assurer de l'intérêt d'un écrit, de se renseigner un peu sur ses auteurs. Le rapport COMETA est le fait de scientifiques et militaires de haut rang. L'association, aujourd'hui en sommeil, est présidée par le général Denis Letty. Ont travaillé avec lui, pendant près de trois ans, un amiral, un autre général, un commissaire principal de la DST, un avocat docteur en sciences politiques, un docteur en physique ou encore plusieurs ingénieurs spécialisés dans différents domaines. En outre, le responsable du SEPRA au sein du CNES a lui-même contribué à ce travail.
On le voit, il ne s'agit pas vraiment des farfelus du village qui souhaitent jouer les intéressants. Au contraire, tous ces gens ont énormément à perdre socialement.
Ce qui les pousse à agir tout de même tient sans doute dans les témoignages et faits concrets qu'ils savent nombreux et résistants à toute explication scientifique humaine.
OVNI et PAND
Le rapport, disponible sur le site du GEIPAN, se base sur des exemples français et étrangers de PAND, ou phénomènes aérospatiaux non-identifiés de catégorie D [1].
Bien entendu, il s'agit d'un document technique, pas d'un roman ni même d'un ouvrage de vulgarisation, donc n'attendez pas d'effets de mise en scène ou un quelconque travail de la forme. Les faits sont présentés de manière brute et claire. L'on retrouve des témoignages de pilotes français, des observations aéronautiques au niveau mondial, des cas d'observations au niveau du sol et même des contacts rapprochés.
La réalité des observations ne fait très souvent aucun doute (témoignages multiples de personnel hautement qualifié, confirmation radar, traces au sol...). Bien entendu, s'il n'existait que quelques cas d'observation de PAND, il serait permis de traiter le sujet avec désinvolture. Or, il existe des centaines de cas sérieux et documentés qui prouvent la réalité du phénomène, quel que soit son origine.
Les différentes hypothèses
Différentes hypothèses sont citées dans le rapport, souvent pour être rapidement réfutées. Trop rapidement peut-être parfois. En effet, si les phénomènes naturels, les armes secrètes [2] ou les images holographiques ne semblent pas tenir la route, l'hypothèse des voyageurs temporels est trop vite écartée, et ce sous prétexte qu'il est "impossible qu'une telle observation puisse influer sur un passé révolu, même en étant détectable".
L'on comprend bien ce que les rédacteurs du rapport veulent dire ici. En gros, le passé (notre présent) étant un passé révolu et sans voyageurs temporels pour les voyageurs du futur, il est impossible que l'on remarque leur présence, car cela causerait un paradoxe. C'est toutefois aller un peu vite en besogne. Il existe au moins deux solutions temporelles permettant d'admettre l'hypothèse. La première est celle des lignes temporelles : le passé des voyageurs n'est pas modifié, c'est une autre ligne qui se crée. La seconde est celle du système en boucle atemporel : le voyage existe de tout temps (hors du temps en réalité), l'on en voit donc les effets (OVNI) avant qu'il ne se produise dans le futur.
Ceci dit, l'hypothèse extraterrestre n'en demeure pas moins une piste intéressante, que le rapport consolide de manière habile.
L'hypothèse extraterrestre
La première objection à la visite d'extraterrestres reste, on le sait bien, les distances considérables qui séparent les différents systèmes solaires (cf. cet article). Aussi, le rapport offre plusieurs pistes permettant de résoudre cet épineux problème.
La MHD (ou propulsion magnétohydrodynamique) est ainsi évoquée. Tout comme la piste de l'antimatière. La solution la plus élégante et fascinante, qui reste dans le domaine de nos connaissances actuelles et qui est exposée par deux astronomes, est celle des "îles de l'espace". Il s'agit en fait d'immenses constructions artificielles, en orbite autour de la Terre, ou de grands astéroïdes "aménagés". Ces "îles" sont ensuite propulsées vers des destinations lointaines, sur plusieurs générations. Les explorateurs s'installent ensuite dans une ceinture d'astéroïdes et visitent les alentours, à l'abri des regards, des radiations cosmiques, et en ayant résolu en plus le problème des distances interstellaires. Pas mal.
Tout cela est très important car, en réalité, il ne manque rien pour que l'hypothèse extraterrestre puisse, au minimum, être étudiée (ce qui ne veut pas dire qu'elle est réelle). On admet depuis un bon moment que la vie n'est pas limitée à la Terre, qu'elle est statistiquement probable au regard du grand nombre de galaxies et étoiles, il faut donc trouver des moyens logiques de contrer l'apparente inaccessibilité des astres lointains.
Un peu d'humilité
Le rapport évoque un élément finalement important à prendre en compte : notre manque d'humilité.
L'on a souvent l'impression que ce que l'on ne sait pas faire sur le moment restera impossible.
Pourtant, certains, parfois même des scientifiques, ont affirmé par le passé que ce qui était plus lourd que l'air ne pourrait jamais voler. Ou même qu'il serait impossible de respirer dans des tunnels. Même le fameux Big Bang doit son nom à une raillerie d'un sceptique incapable de concevoir une théorie nouvelle.
Surtout, il est permis de penser qu'une civilisation extraterrestre pourrait avoir des millions d'années d'avance sur nous. Là encore, le rapport l'explique de manière simple. Si l'on prend en compte notre propre évolution, par rapport à l'âge de la Terre, il suffit qu'il y ait une différence de 0,1% au niveau des données initiales pour qu'une civilisation extraterrestre, ayant évolué également, soit très largement en avance [3].
La désinformation
On le voit, si la vie extraterrestre est reconnue comme probable et si le voyage interstellaire est envisageable, il n'y a donc pas de raisons de ne pas étudier la piste extraterrestre en matière de PAND. Pourtant, le sujet reste sulfureux. Au point que de nombreux pilotes attendent d'être à la retraite avant d'évoquer des faits dont ils ont été témoins. Car les conséquences sociales et professionnelles sont parfois terribles.
La manipulation médiatique est constante sur le sujet. Elle est évoquée dans le rapport, notamment dans l'étude, en annexe, du cas de Roswell, qui emploie les deux techniques de désinformation : réductrice et amplifiante.
En 1947, l'armée américaine emploie d'abord une technique de désinformation réductrice. Menaces, substitution de preuves, explications officielles rassurantes, tout est fait pour détourner l'attention de ce qui doit passer pour un simple fait divers. L'opération est si bien menée qu'elle sera efficace pendant 30 ans (date à laquelle de nombreuses langues se délient).
En 1995, une autre opération est menée, cette fois amplifiante, avec la fameuse et ridicule affaire de l'autopsie du "Petit Gris" de Roswell. Les médias tombent dedans d'un même mouvement. La supercherie est ensuite révélée et empêche quiconque de s'intéresser sérieusement à l'affaire, par crainte du ridicule. Les manipulations amplifiantes restent les plus efficaces, puisque le culte du secret n'est plus nécessaire, il n'est même plus utile de cacher certaines preuves, qui participent à l'élaboration de ce qui est présenté comme une légende urbaine.
Qui a peur du Grand Méchant Loup ?
C'est pas nous, mais c'est sans doute l'armée US. En effet, deux directives très importantes, JANAP 146 et AF 200-2 [4], interdisent très officiellement la divulgation de tout témoignage relatif à une observation d'OVNI. Les contrevenants s'exposent même à 10 000 dollars d'amende et... dix ans de prison. Une note un peu élevée pour quelque chose de risible qui n'existe pas.
Le pire se situe au niveau médiatique. En effet, il est tellement passé dans les mœurs que l'hypothèse extraterrestre est absurde que les journalistes, dans un parfait réflexe pavlovien, ridiculisent souvent d'eux-mêmes ceux qui osent s'intéresser au domaine.
La peur du ridicule et des railleries de la masse reste bien plus efficace pour protéger un secret qu'un lourd coffre-fort.
Prenons le cas français. Quand le rapport COMETA sort, alors qu'il est rédigé par des gens compétents et contient une analyse tout à fait sensée et non sensationnaliste, il est ou passé sous silence ou raillé par les grands quotidiens. Or, combien de journalistes auront fait l'effort de le lire ? Puis de se documenter sur ce qu'il évoque ? Évidemment, la moquerie demande moins de travail qu'une enquête.
Les recommandations et prospectives stratégiques
Le rapport ne se contente pas d'accumuler des témoignages, fournir des pistes scientifiques ou recenser ce qu'il se passe dans d'autres pays. Il fournit également des recommandations mais aussi une très intéressante étude sur les conséquences d'un contact extraterrestre, tant au niveau politique, militaire que religieux.
Pour cela, les rédacteurs ont utilisé un moyen aussi ingénieux qu'efficace : ils nous placent dans le rôle de l'explorateur spatial. Comment nous comporterions-nous avec une civilisation extraterrestre pré-industrielle ou post-industrielle ? Comment établirions-nous les premiers contacts ? Combien de temps dureraient nos observations avant ce contact ? Les auteurs vont même jusqu'à prendre en compte une sédition d'une partie des explorateurs ou le transfert de technologie par le biais d'un faux "incident". Ils évoquent même des possibles conséquences de contact, qui pourraient être à l'origine de religions, légendes ou fictions, le tout en prenant des exemples édifiants dans la culture humaine mondiale.
D'une manière très sensée, le rapport apporte des pistes stratégiques pour faire face à l'hypothèse extraterrestre.
Les conclusions
Les conclusions sont nettes et sans appel. Certains PAND sont bien le fait de machines volantes inconnues, aux performances exceptionnelles et guidées par une intelligence (naturelle ou artificielle).
Le rapport appelle tout simplement à une forme de vigilance cosmique, tant sur le plan de notre propre exploration future que celui des réactions à un possible contact provoqué par des visiteurs plus évolués.
Il n'affirme en rien l'existence de vaisseaux spatiaux extraterrestres. Il en évoque la possibilité, totalement admissible sur le plan technique, et affirme avec raison qu'il vaut mieux s'y préparer pour rien plutôt que de réagir dans l'urgence et la panique.
Quant à ceux qui veulent interdire la simple réflexion par la raillerie, ils sont nombreux, protégés par l'effet de meute et le confort de l'habitude. L'on ne voit pourtant pas bien ce qui suscite ces rires. Tenter de comprendre, d'aller de l'avant, de percer les mystères auxquels nous sommes confrontés, a toujours fait partie du quotidien des grands scientifiques, explorateurs ou penseurs. C'est le propre de l'Homme (du moins, de l'Homme courageux) d'élargir ses frontières, sa conscience, d'aller toujours plus loin, juste parce qu'il le peut.
Écarter des hypothèses farfelues et des élucubrations est une attitude saine. Interdire par principe l'exploration sereine d'une piste logique l'est beaucoup moins.
Les auteurs du rapport COMETA peuvent se tromper, mais ils appuient leurs hypothèses par une approche documentée et argumentée. Surtout, ils ont fait preuve d'un courage certain pour oser, alors que leur situation ne le justifiait pas, aller à contre-courant et risquer l'opprobre.
Jusqu'à ce jour, leur travail est resté sans suite et a été parfaitement ignoré par les autorités françaises.
Lorsque l'on a éliminé l'impossible, ce qui reste, aussi improbable soit-il, est nécessairement la vérité.
Sir Arthur Conan Doyle
[1] Les PAN se classent en quatre catégories. A pour les phénomènes expliqués. B pour les phénomènes probablement expliqués. C pour les phénomènes manquant de documentation et témoignages pour être correctement étudiés. Et enfin D pour les phénomènes inexpliqués malgré le nombre et la qualité des éléments recueillis.
[2] Les armes secrètes ne le restent jamais bien longtemps. Il est dit dans le rapport que l'existence des avions furtifs a été divulguée en 1988 alors que le premier vol de prototype a eu lieu en 1977. Le secret a même tenu en réalité beaucoup moins longtemps. Si l'on parle bien du F-117 Nighthawk, son existence officielle a certes été reconnue en 1988, mais de nombreux pays connaissaient son existence bien avant, alors que sa mise en service ne datait que de 1983. L'on voit qu'un secret important, impliquant de nombreux ingénieurs, pilotes, responsables politiques, officiers, ne peut guère tenir plus de quelques années. Par comparaison, les premières observations crédibles d'OVNI remontent à 1944. S'il s'agit d'un secret technologique, son exceptionnel longévité constitue un record dans l'Histoire de l'humanité.
[3] À ce sujet, bien que cela ne soit pas évoqué dans le rapport, il peut être intéressant de mentionner l'échelle de Kardashev, qui classe les civilisations en trois types. Le type I, que nous n'avons pas encore atteint, est capable d'utiliser l'ensemble de la puissance énergétique disponible sur sa planète d'origine. Le type II est capable d'exploiter la totalité de l'énergie de son étoile (par exemple grâce à une sphère de Dyson, cf. cet article). Enfin, le type III peut employer toute la puissance de... sa galaxie ! C'est simplement effarant, surtout si l'on sait que le type II surpasse déjà la civilisation de type I par un facteur de 10 milliards. Les avancées technologiques et les réalisations de telles civilisations sont pratiquement hors de portée de notre imagination.
[4] JANAP pour Joint Army Navy Air Force Publication, AF pour Air Force. Ces ordonnances concernent le personnel militaire mais aussi les pilotes de l'aviation civile ainsi que les capitaines de la marine marchande.