Ce brave Supes a subi (ou bénéficié, selon les points de vue) lui aussi le lifting imposé il y a quelque temps à l'univers DC Comics. Il convient, dès le départ, de clarifier les choses à ce sujet.
Le radotage (ou le surplace narratif si l'on présente les choses de manière plus diplomatique) des éditeurs US mainstream est aussi décourageant qu'absurde.
Marvel et DC (dans une moindre mesure) semblent parfaitement décidé à raconter les mêmes choses cent, mille, un million de fois. Sans se rendre compte du désastreux effet produit sur les lecteurs les plus fidèles.
En effet, s'il est agréable de lire de temps en temps un what if ou de découvrir une version alternative des personnages les plus connus, il est plus que pénible de constater que les séries historiques des personnages principaux se bornent à effacer ce qu'elles ont mis en place les années précédentes pour, au final, refaire plus ou moins la même chose.
Pourtant, il n'y a aucune fatalité à ça. On peut notamment imaginer une réelle évolution avec par exemple des identités civiles différentes, donc un passage de relais. Pas toutes les trois semaines, mais tous les 20, 25, 30 ans peut-être.
Cela permettrait aux éditeurs de conserver la notoriété de la "marque" (Batman, Spider-Man...) et l'image iconique qui va avec, tout en offrant une véritable évolution aux personnages (Bruce Wayne, Peter Parker...).
Cela aurait surtout l'immense avantage de remettre du suspense et du drame dans des récits qui n'ont, aujourd'hui, plus aucun impact émotionnel tant l'on sait qu'aucune mort n'est éternelle, aucun danger réel.
Bref, les reboots incessants, les triturations de la continuité et la vision passéiste et bornée de certains responsables font que l'on aboutit à des usines à gaz qui déçoivent en général à peu près tout le monde. Et surtout, alors que le propre de ces séries reste l'aspect feuilletonnant, il est de plus en plus difficile de maintenir un semblant de curiosité sur le long terme, les planches, même de qualité sur un plan technique, étant dépouillées de ce qui fait leur intérêt intrinsèque.
Cette précision faite, revenons au sujet, donc à ce Superman que l'on va faire semblant de découvrir avec un regard émerveillé et neuf.
Le récit débute alors que Supes est aidé par un type qui semble avoir les mêmes pouvoirs que lui. L'inconnu, Ulysse, est en fait le fils de scientifiques qui, croyant bien faire, l'ont envoyé dans une autre dimension pour le sauver.
Ulysse, qui débarque pour pourchasser le seul "vilain" de son monde, semble aussi bon que sincère. Mais sa confrontation avec le monde très imparfait des terriens va avoir un effet inattendu sur lui...
Ce "premier" tome (on ne sait pas trop pourquoi c'est un "numéro 1", attention à ne pas prendre des habitudes paniniennes, cf. cet article [1]) contient les Superman #32 à #40.
Le scénario est signé Geoff Johns, qui avait déjà revisité les origines de l'Homme d'Acier (cf. cette chronique), les dessins sont de John Romita Jr.
Et on va commencer par parler un peu de Romita.
Urban Comics, sur la quatrième de couverture, le qualifie de "légende vivante". Ah ben, la légende, elle a pourtant bien du mal à assurer le minimum syndical. Cette tendance à survanter tout, à partir dans la flatulence dithyrambique et le laudatif douteux, ne rend vraiment pas service aux éditeurs. Et encore moins aux auteurs, qui croient parfois ce que l'on dit sur eux dans le seul but de vendre ce qu'ils font.
Rappelez-vous le résultat, honteux, du même Romita sur Avengers chez Marvel (cf. cet article). L'on était alors dans du foutage de gueule absolu, ou des dessins pourris, et parfois même des cases sans dessins (ni vu ni connu, je t'embrouille !) étaient présentés comme le summum du neuvième art par des journaleux aux réflexes pavloviens et à la vue basse.
Bon, chez DC, apparemment, le mec est un peu plus surveillé que chez Marvel. Le responsable éditorial en charge de superviser la série l'oblige à dessiner des décors de temps en temps par exemple. Mais, évidemment, Romita conserve les défauts ahurissants (à son niveau de notoriété) qui font sa marque de fabrique. Les visages des personnages, notamment, continuent de varier d'une manière très étrange. Superman peut sembler avoir 20 ans sur une case, puis plus de 50 sur une autre. Il peut avoir un charme certain ou avoir une gueule cassée, voire une tête simiesque (et évidemment, dans des situations où ce n'est pas justifié, je ne parle pas des moments où il est blessé).
Reste qu'il y a cette espèce de force brute qui se dégage de certaines scènes de combat, mais bon... à la limite, si c'était du bénévolat, on pourrait passer sur les égarements du style, mais dans un cadre professionnel, les gribouillis en guise de trognes, ça passe moins bien déjà.
Au niveau du récit, Geoff Johns propose un truc qui tient la route, pas désagréable à suivre, mais pas follement addictif non plus. Ce n'est ni très intéressant (car absolument prévisible) ni très original.
En fait, le plus étonnant, c'est que c'est probablement le dernier épisode (scénarisé par Romita) qui s'avère le plus sympa. Bon, ce n'est pas un chef-d'œuvre non plus, mais vu le passif des "légendes" du dessin en matière d'écriture [2], l'on était en droit de serrer les fesses.
Non, en fait, Romita s'en sort très bien et nous sert même des scènes assez drôles (aidé qu'il est par le fait que Supes perd ici parfois ses pouvoirs).
Tout cela est donc très mitigé. Entre les dessins parfois limites, le scénario téléphoné, mais aussi un Superman assez fragile et quelques pointes d'humour, on ne sait pas trop s'il faut ou non conseiller l'ouvrage. Même Virgul a longuement hésité, avant d'opter pour le panneau "ok", en pensant surtout aux nouveaux lecteurs, cette aventure ayant la particularité d'être finalement très accessible.
Niveau VF, les premiers épisodes sont nickels, les derniers comportent des erreurs de concordance des temps assez irritantes.
Une sélection de covers alternatives complète la BD.
Virgul conseille ce comic. Je suis personnellement moins affirmatif.
(ouais, c'est une manière de dire que j'ai le cul entre deux chaises)
[1] J'ai abandonné l'idée de remettre les choses dans l'ordre. Il n'y a que des numéros 1 partout, et ce même au sein d'une collection concernant un même personnage.
[2] Dans le genre, le pire reste Jack Kirby, qui, avec ses OMAC et Kamandi, a réussi à faire une sorte de compilation de tout ce qu'il était possible de rater dans une histoire, que ce soit au niveau des personnages, des rebondissements, des dialogues ou de la narration. Même en tenant compte de l'époque, ces BD constituent l'équivalent d'une série AB au niveau de la médiocrité de la forme et de la méconnaissance crasse de ce qui sous-tend un récit.
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