Sélections UMAC : le Meilleur du Vampire 3 - dans les comics


Si la place des bloodsuckers dans le monde des comic books est largement moins importante que celle des zombies (lire à ce sujet Epidémie  de zombies dans les comics), elle n'en est pas pour autant insignifiante, et le thème a su engendrer quelques tentatives plus ou moins réussies de relecture moderne, parfois carrément dans un contexte historique.

-- A crocs & à sang --

Oubliez tous ces films d’horreur de merde : les vampires ne savent pas voler. Mais ils existent.

C'est par ce genre de phrases que commence cette remarquable chronique signée Howard Chaykin, David Tischman & David Hahn, sortie chez nous dans la collection Panini Big Books en 2011, et parue initialement chez Vertigo en 2007. The Complete Bite Club tient à la fois de la fresque familiale et du film de gangsters, nous plongeant dans une Miami rongée par la pègre et la corruption contre lesquelles la police s'avoue impuissante. Car le clan mafieux tenant la ville sous coupe réglée est celui des Del Toro qui ne sont rien d'autres que des vampires. 
Or, lorsqu'on évoque ce genre de dynastie au pouvoir, on ne peut éviter les conflits d'intérêts, internes et externes, les luttes fratricides pour s'emparer des rênes d'un empire moins reluisant qu'il n'y paraît, les trahisons et fausses alliances. Lorsque le chef de clan est assassiné, c'est au fils pourtant entré dans les ordres (!) qu'incombe la succession, alors que Risa, la jeune et dévoyée héritière, se demande de quelle manière elle pourra tirer la situation à son avantage. 
Même si on peut hésiter sur le style graphique de Hahn, avec des dessins très "cartoony", on saluera l'effort dans la mise en page et la colorisation, respectant notamment cette caractéristique moderne des vampires de l'ouvrage : ils ne voient pas en couleurs, ce qui occasionne bon nombre de planches monochromes. L'apparent naïveté du trait n'édulcore pas en revanche la brutalité et le caractère sanglant des affaires qui secouent le quotidien de Miami, ni non plus les séquences "adultes" - car les vampires sont autant affamés de sexe qu'assoiffés de sang. Et si le nouveau chef de la pègre veut mettre un terme à toute cette immoralité, Risa est une grande coquine doublée d'une stratège perverse. 

Cette saga pourrait être une version citadine et sophistiquée de True Blood avec laquelle elle partage bon nombre de points de vue. Intelligente, violente et dotée d'un remarquable sens de l'humour : une réussite.

-- Extinction Parade --

Nous évoquions les zombies dans notre introduction, sans doute le personnage le plus utilisé dans la dernière décennie si on excepte les super-héros. Or, que se passerait-il si on mêlait les deux genres de morts-vivants dans un même récit ? Le résultat serait forcément spectaculaire.
Encore faut-il ménager un réel équilibre des forces et trouver une approche sensée. Et surtout tenir en haleine.
Ce genre de mélange des genres a rarement été gage de réussite : au cinéma, Aliens vs Predators n'a été qu'un monstrueux gâchis. Dans les comics, les vampires et les zombies sont parfois intervenus dans le monde des super-héros (Marvel Zombies, malgré des déclinaisons ratées, a bénéficié d'un traitement assez original, et les amateurs des X-Men se souviennent sans doute d'un arc calamiteux sur la Malédiction des mutants où Jubilé devenait vampire).
Ici, l'affaire a été confiée à Max Brooks, l'auteur désormais célèbre du Guide de survie en territoire zombie, qui s'est vu adjoindre le renfort graphique de Raulo Caceres, spécialiste des comics gore (vous l'avez vu à l'œuvre dans Crossed notamment). Le tome 1, paru cet été chez Panini, nous propose la vision d'un clan de vampires qui découvre les effets dévastateurs de la propagation de l'engeance zombie. D'abord, profitant de la panique générale qui s'empare du genre humain, ils en profitent pour enfin se livrer à leur chasse sans avoir à se cacher avant de se demander dans quelle mesure la menace qui est en train de rompre l'équilibre mondial ne viendra pas également mettre en péril leur propre existence : car lorsque les hommes auront intégralement succombé aux hordes zombies, que restera-t-il aux vampires ?

Comme à son habitude, Caceres propose de nombreuses cases multipliant les horreurs et turpitudes. L'ambiance est sombre et le désespoir règne dans chaque page. Pourtant l'impression générale est confuse, on ne parvient jamais à prendre le parti de l'une ou l'autre des forces en présence, et il est assez désagréable de voir combien l'espèce humaine est faible et désemparée contre ces forces contre-nature. Ambitieux dans son propos, le récit (sans doute développé à partir d'une nouvelle de World War Z) manque souvent son but et laisse le lecteur de côté, d'autant que le rythme est lent et le suspense inexistant : on voit assez tôt se profiler les termes du futur conflit dans lequel l'Humanité ne sera qu'un enjeu.
A lire par curiosité.

-- I am Legion --

Cette œuvre majeure due au scénariste français Fabien Nury est sortie aux éditions des Humanoïdes associés en 2011. Le grand John Cassaday, qui n'a pas son pareil pour renforcer les ambiances surnaturelles ou anxiogènes en élaguant ses décors et soignant l'expression des visages de ses protagonistes, illustre ce récit méticuleusement écrit évoquant l'investigation menée en 1942 par des agents au service du Royaume-Uni sur une arme secrète détenue par des nazis en Europe de l'Est : une jeune fille dotée de pouvoirs effrayants... En parallèle, on suit la progression d'une autre enquête initiée par la découverte de l'assassinat d'un industriel retrouvé exsangue en plein cœur de Londres.
Malgré un tempo languissant, qui laisse aux personnages de nombreuses périodes de réflexion et d'atermoiements, l'intrigue complexe accroche le lecteur par ses implications, retardant le plus possible la révélation de l'origine vampirique des sujets concernés. Bien que plus proche des récits de guerre que des œuvres fantastiques, I am Legion s'avère être de la très grande SF sans pour autant verser dans l'uchronie comme le récent Uber, pourtant assez proche. Beaucoup moins complaisant dans la violence et le sang que les deux précédents comics, il devrait plaire même à ceux que la bande dessinée rebute habituellement.

Un coup de maître.